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1.2. La relation homme - animal de compagnie

1.3.3. Le lien interspécifique et ses conséquences

Les conditions exceptionnelles d‟expérimentation permettent l'étude approfondie des capacités des animaux à décoder et à utiliser des informations d'autres espèces. Certains jeunes oiseaux chanteurs sont capables apprendre aussi facilement des chants d‟un tuteur vivant de la même espèce, d‟une autre sous-espèce et même d‟une autre espèce et les utiliser ensuite comme des éléments de leur propre répertoire. Par exemple, de jeunes bruants à couronne blanche (Zonotrichia leucophrys) naïfs, élevés à la main, vont être capables de produire de bonnes copies des chants de tuteurs, qu'ils soient exposés à des conspécifiques ou à des tuteurs bengalis rouges (Amandava amandava). De plus, ils ont préférentiellement copié le chant des tuteurs d'une autre espèce avec lesquels ils vivent et cela même s‟ils entendent le chant de leurs conspécifiques (Baptista & Petrinovich, 1984, 1986). Parallèlement, un mâle bouvreuil pivoine (Pyrrhula pyrrhula) nourri par des canaris mais pouvant entendre des chants d‟individus de son espèce, a appris le chant du père adoptif canari (Nicolai, 1959). Cela suggère que les relations peuvent être primordiales dans le développement, indépendamment du déterminisme génétique (Thieltges, 2010).

De plus, il a été montré que l'homme pouvait jouer le rôle de substitut social pour l‟animal, particulièrement chez les individus en privation sociale. De jeunes étourneaux, privés de tout contact social et élevés à la main, ont ainsi montré un meilleur apprentissage vocal lorsqu‟un substitut social (i.e. leur soigneur) se trouvait dans leur champ visuel lors de la diffusion des chants de leurs conspécifiques (Rousseau et al., en prépration; Todt et al., 1979).

Sans apprentissage intensif, certains animaux captifs familiers de l‟homme ont été capables de discriminer des sons humains et notamment les langues humaines. A l'instar des nouveau-nés humains, les tamarins pinchés à tête blanche (Saguinus oedipus) peuvent différencier, sous certaines conditions, des phrases d‟allemand des phrases de japonais (e.g. les deux langues ont des classes rythmiques différentes ; Tincoff et al., 2005). Au contact de l'homme, avec un apprentissage plus ou moins intensif, certains animaux ont même présenté des

apprentissages exceptionnels: Hoover l'otarie (Ralls et al., 1985), Alex le perroquet gris du Gabon (Pepperberg & Brezinsky, 1991) ou encore Kanzi le chimpanzé (Savage-Rumbaugh & Lewin, 1994). Par exemple, Alex pouvait identifier et nommer sans erreur cinquante objets différents, reconnaitre les quantités jusqu'à six, comprendre des concepts comme "plus gros que...", "plus petit que...", "pareil que...", ou "différent de..." mais aussi la notion "non" (Pepperberg, 1997). Inversement, les animaux peuvent-ils amener l'homme à de tels apprentissages exceptionnels ?

1.4. Projet de recherche

1.4.1. Problématique

Les relations entre l'homme et l'animal se construisent sur la base de leurs différentes interactions (Hinde, 1979) impliquant différents canaux et modalités (Guyomarc'h, 1995). Or, chez les personnes avec autisme, la communication et les interactions réciproques sont altérées par rapport au développement typique (APA, 1994). Il existe différentes thérapies visant à atténuer les troubles autistiques et certaines y associent les animaux.

De nombreuses anecdotes suggèrent que les enfants avec autisme améliorent leurs compétences en présence d‟animaux. Cependant, force est de constater que les preuves scientifiques restent rares, voire inexistantes. Ainsi, pouvons-nous montrer que le lien à l’animal permet une récupération sociale et cognitive chez l’enfant avec autisme ?

1.4.2. Démarche

Face à cette complexité, il nous a semblé essentiel de privilégier une approche à l'interface de plusieurs disciplines, à savoir, la psychologie du développement, la pédopsychiatrie et l'éthologie. La psychologie du développement apporte son expertise sur les changements dans le fonctionnement psychologique de l'humain au cours de sa vie, et surtout les étapes du développement. Les méthodes plus expérimentales sont un atout majeur en permettant notamment l'étude des influences du milieu social sur le développement en lien

avec les caractéristiques propres de chaque individu. La pédopsychiatrie recouvre l'étude, le diagnostic, le traitement et la prévention des troubles mentaux qui affectent les enfants. Pour cela, cette science dispose d'outils d‟évaluation précis (e.g. ADI-R, Lord et al., 1989; ADOS, Lord et al., 1994), de classifications internationales (e.g. DSM IV, APA, 1994 ; CIM-10, WHO, 1994) et une expertise de l'ensemble des troubles pouvant atteindre les enfants. L'éthologie, étude des comportements, amène des méthodes de recueil de données et d'analyse, ainsi que des concepts applicables aux hommes et aux animaux. Dans une approche aussi complexe que les relations homme-animal, les principes de base de l'éthologie sont d'autant plus justifiés: attitude naturaliste, phase descriptive préliminaire ou encore répertoire comportemental (Servais & Millot, 2003).

La première étape est donc d'examiner si les enfants avec autisme sont sensibles à leur environnement social. Pour ce faire, nous avons étudié leur développement langagier (e.g. 1ers mots). Afin de vérifier l'influence de l'environnement social, nous avons comparé ces paramètres selon le niveau d'éducation des parents, variable importante dans le développement chez les enfants typiques (Hoff et al., 2002). D‟un point de vue pratique, cette étude pourrait appuyer la nécessité des prises en charge précoces dans le cadre du syndrome autistique (ARTICLE 1).

La deuxième étape est d‟identifier si l'animal familier peut être considéré comme un partenaire pseudo-social pour les enfants avec autisme. Afin d'établir les aspects spécifiques au syndrome autistique, nous avons effectué ici une comparaison aux enfants typiques. Nous avons porté une attention toute particulière à deux aspects :

(1) D'une part, nous avons étudié la relation enfant - animal grâce à des descriptions précises des parents, en incluant la dimension de l'animal à la maison tout comme la dimension plus large de l'animal en général. Nos buts sont ici :

 de caractériser les interactions entre les animaux familiers et les enfants avec autisme, de mettre en avant les facteurs qui influencent ces interactions (e.g. caractéristiques de l'enfant : âge, sexe) et, de façon plus générale, d'explorer l'intérêt porté aux animaux (ARTICLE 2)

 d'étudier les interactions entre les enfants et leurs animaux familiers en fonction de leur espèce, leur taille et leur apparence en lien avec les particularités du syndrome autistique (ARTICLE 3)

(2) D'autre part, en raison de l'absence d'étude scientifique sur les interactions entre les enfants avec autisme et leurs animaux familiers, nous avons cherché à caractériser cette relation en les observant directement en condition habituelle. Les premiers résultats issus de ces observations sont présentés ici (ARTICLE 4).

L'objectif est alors de tester les éventuels apports de la relation aux animaux pour les enfants avec autisme. Pour cela, nous avons de nouveau porté une attention toute particulière à deux aspects :

(1) D'une part, nous avons étudié la rencontre avec un animal non familier, nécessitant la création d'une méthodologie spécifique. Afin d'établir les aspects spécifiques au syndrome autistique, nous avons effectué une comparaison aux enfants typiques. Nos buts sont ici :

 de valider cette méthode en étudiant l'approche d'un animal non familier par des enfants typiques (ARTICLE 5)

 de comparer les stratégies d'approche d'un animal non familier employées par des enfants typiques à celles employées par des enfants avec autisme (ARTICLE 6)

 de comprendre les capacités d'attention des enfants avec autisme face différents types de stimuli (ARTICLE 7)

(2) D'autre part, en raison d'une faible littérature scientifique fiable quant à l'impact des animaux sur le développement du syndrome autistique, nous avons étudié le lien entre la présence ou l'arrivée d'un animal dans une famille et les compétences des enfants avec autisme (ARTICLE 8).

CHAPITRE 2