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1.2 Classification des filtrations

1.2.4 Le I-confort

La notion de I-confort repose sur celle de couplage en temps réel d’une filtration, que l’on définit maintenant.

Définition 31(Couplage en temps réel). SoitF = (Fn)n≤0 une filtration.Un couplage en

temps réel (CTR) de F est un couple (F0,F00) de filtrations définies sur un même espace de probabilité (pas nécessairement le même que celui où est définieF), telles que :

— F0 etF00sont toutes les deux isomorphes àF,

— F0 ≺ F0∨ F00, — F00 ≺ F0∨ F00.

Les conditions d’immersion signifient que pour chaque n ≤ −1, on a les indépen- dances conditionnelles — F0 n+1 F0 n |= Fn0 ∨ Fn00, — Fn00+1 F00 n |= Fn0 ∨ Fn00.

Le lemme qui suit est une conséquence du lemme18:

Lemme 32. Soit X = (Xn)n≤0 un processus engendrant la filtration F, où chaque Xn est à

valeurs dans un espace polonais En. Soient X0 et X00 deux copies du processus X définies sur un

même espace probabilisé. NotonsF0etF00les filtrations naturelles de X0et X00. Pour que(F0,F00)

soit un couplage en temps réel deF, il faut et il suffit que pour tout n≤ −1,

L0(Xn0+1|Fn0 ∨ Fn00) = L0(X0n+1|Fn0)etL0(X00n+1|Fn0 ∨ Fn00) = L0(X0n+1|Fn00).

Ainsi, si on a déjà construit les processus jusqu’au temps n ≤ −1, la construction se poursuit au temps n+1 en réalisant, conditionnellement àFn0 ∨ Fn00, un couplage des

deux lois conditionnelleL(Xn0+1/F0

n)etL(Xn00+1/Fn00). C’est ce qui explique la dénomina-

tion « couplage en temps réel ».

L’exemple simple suivant est une conséquence de la proposition23.

Exemple 33(Couplage indépendant). Si F0 etF00 sont deux filtrations définies sur le même espace probabilisé, indépendantes et toutes les deux isomorphes àF, alors(F0,F00)est un CTR

deF.

Définition 34. Soit n0 ≤ 0. Un CTR(F0,F00)est dit n0-indépendant si les tribus Fn00 etF 00

n0

sont indépendantes.

Couplage en temps réel avec paramétrisation

On se place ici dans le cas oùF est engendrée par (Xn)n≤0 un processus de Markov

stationnaire de noyauQ, et où l’on dispose de fonctions de mises à jour associées à des innovations de loi λ sur un espace I. Étant donné n0 ≤ 0, on peut construire un CTR

n0-indépendant en procédant de la façon suivante :

— On construit d’abord deux copies indépendantes(Xn0)n≤n0 et(X 00

n)n≤n0 du proces-

sus jusqu’au temps n0(ce qui assure que l’on aura bienFn00 |= F 00

n0).

— On se donne ensuite, sur le même espace de probabilité, une famille(Un)n0<n≤0

d’innovations de loi λ, indépendante deF0

n0∨ F 00

n0.

— Cette famille va servir à la fois pour construire les temps suivants des processus

(Xn0)n≥n0+1et(X 00

n)n≥n0+1en définissant récursivement, pour chaque n0≤ n<0 :

X0n+1:=φn0+1(Xn0, Un+1)

et X00n+1:=φn00+1(Xn00, Un+1),

où φ0n+1et φ00n+1sont des fonctions de mise à jour éventuellement choisies en fonc- tion des réalisations des processus jusqu’au temps n.

Dans cette construction paramétrée, c’est le choix des fonctions de mise à jour utilisées à chaque étape qui permet de construire des CTR vérifiant diverses propriétés. On peut en particulier espérer que si|n0|est suffisamment grand, on puisse réaliser un tel couplage

de sorte que les processus X0 et X00 finissent par se rapprocher suffisamment. C’est cette idée qui est formalisée dans la définition suivante.

Définition 35 (I-confort). On dit qu’une filtrationF = (Fn)n≤0 est I-confortable si, pour

toute variable aléatoireF0-mesurable Y à valeurs dans un espace(E, d)métrique compact, pout

tout réel δ>0, il existe un entier n0≤0 (dépendant seulement de δ et de Y) et un CTR(F0,F00)

deF, n0-indépendant, tel que

P d(Y0, Y00) <δ>1−δ,

On dit qu’une variable aléatoire YF0-mesurable satisfait la propriété de I-confort si la condition énoncée ci-dessus est valable pour Y.

La variable aléatoire Y est appelée « variable cible ». Nous allons voir comment grâce au théorème des martingales rappelé ci-dessous, il suffit de considérer des variables aléa- toires cibles dépendant seulement d’un nombre fini de coordonnées du processus engen- drant la filtration.

Théorème 36(Théorème des martingales). Soit(Xi)i∈I une famille dénombrable de variables

aléatoires. Soit I = ∪

m≥0Im où Im−1 ⊂ Im. SoitFm :=Σ(Xi : i ∈ Im)etF∞ :=Σ(Xi : i ∈ I) =

m≥0Fm. Soit Y une variable aléatoire réelle bornée. Alors

E[Y/Fm] p.s.

−→

m→∞E[Y/F∞].

Lemme 37. SoientFmetFcomme dans l’énoncé du théorème36. Soit Y une variable aléatoire

F-mesurable, à valeurs dans un espace métrique(E, d)compact. Pour tout δ>0, il existe m≥0 et une variable aléatoire Z,Fm mesurable, telle queP(d(Y, Z) <δ) >1−δ.

Démonstration. On considère plusieurs cas suivant la nature de l’espace où Y prend ses valeurs.

— Cas où(E, d)compact deR. On considère pour m≥0, Zm :=E[Y/Fm]. D’après le

théorème des martingales, Zmconverge presque sûrement, donc aussi en probabi-

lité, vers Y. Donc pour m assez grand on aura l’inégalité voulue.

— Cas où(E, d)est un espace fini. Soit ˜E := {1, 2, ...,|E|} ⊂R, et fixons une bijection

φ: E → E. On considère la nouvelle variable aléatoire réelle ˜˜ Y := φ◦Y, à valeurs

dans ˜E ⊂ R. D’après le cas ci-dessus, on peut trouver m et Z à valeurs réelles, Fm mesurable, tels queP(|Y˜ −Z| < δ) >1−δ. Sans perte de généralité, on peut

supposer que δ < 1/2. Soit ˜Z à valeurs dans ˜E telle que ˜Z = i ∈ {1, ...,|E|} si

|Z−i| <δ. Il vient donc

P(Z˜ =Y˜) >1−δ.

On repasse à présent de ˜E à E : on obtient une variable aléatoire Z := φ−1◦Z,˜ Fm

mesurable, telle queP(Z =Y) >1−δ.

— Cas général : par compacité, on peut recouvrir E par un nombre fini k de boules ouvertes de rayon δ, dont on note e1, ..., ek les centres. Soit ˜Y la variable aléatoire

définie par ˜Y = ej où j est le plus petit entier dans{1, . . . , k}tel que d(ej, Y) < δ.

On a donc d(Y, Y˜ ) <δ. Puis on applique le résultat du cas de l’espace fini pour ˜Y :

on obtient un entier m et une variable aléatoireFmmesurable Z, tels que P(Z=Y˜) >1−δ,

et donc

Une conséquence directe de la définition du I-confort est la suivante :

Lemme 38. Parmi les variables aléatoiresF0-mesurables à valeurs dans un espace métrique com- pact(E, d), celles qui vérifient la propriété de I-confort forment une partie fermée pour la conver- gence en probabilité.

Lemme 39. Si une variable aléatoireF0-mesurable X à valeurs dans un espace métrique compact

(E, dE)vérifie la propriété de I-confort, si ϕ est une application borélienne de(E, dE)dans un autre

espace métrique compact(F, dF), alors ϕ(X)vérifie la propriété de I-confort.

Démonstration. On se donne δ> 0, et on note µ la loi de X. Par application d’une version du théorème de Lusin (voir par exemple [12, p. 367], ou [13, théorème 7.1.13]), il existe un compact KδE avec µ(Kδ) >1−δ/3, tel que la restriction de ϕ à Kδsoit (uniformément)

continue. Donc il existe δ0 tel que pour tous x0, x00dans Kδ,

dE(x0, x00) <δ0 =⇒dF ϕ(x0), ϕ(x00)< δ.

Puis, comme X vérifie la propriété de I-confort, il existe n0et un CTR n0-indépendant dans

lequel les deux copies X0et X” de X véfifient

P(dE(X0, X”) <δ0) >1−δ/3.

Sur l’événement (X0 ∈ Kδ) ∩ (X 00 K

δ) ∩ (dE(X

0, X”) <

δ0), qui est de probabilité su-

périeure à 1−δ, on a alors dF ϕ(x0), ϕ(x00) < δ, ce qui prouve que ϕ(X)vérifie aussi la

propriété de I-confort.

Les lemmes précédents permettent de réduire notablement le nombre de variables cibles à considérer pour vérifier la propriété de I-confort de la filtration. La proposition suivante en est une illustration frappante.

Proposition 40. Supposons queF soit engendrée par un processus(Xn)n≤0à valeurs dans des es-

paces métriques compacts(En, dn), et admette une paramétrisation. Pour queF soit I-confortable,

il suffit que chaque Xn vérifie la propriété de I-confort. Si de plus le processus est stationnaire, il

suffit que X0vérifie la propriété de I-confort.

Démonstration. Soit(Un)n≤0une paramétrisation qu’on peut supposer à valeur dans[0, 1].

En munissant En× [0, 1]|n| et En×...×E0de la métrique produit, on remarque que si Xn

vérifie la propriété de I-confort alors (Xn, Un+1, ..., U0) aussi et ainsi (Xn, ..., X0) vérifie

également le I-confort, et toute fonction mesurable de(Xn, ..., X0)aussi par le lemme39.

Un exemple concret de CTR n0-indépendant permettant de montrer le I-confort d’une