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Chapitre 1 - Les fondamentaux de l’évaluation

2. L’évaluation dans le domaine de la santé

2.1. L’émergence progressive de l’évaluation dans le secteur de la santé

2.1.1. Le développement de la programmation en santé

En effet, depuis plus de dix ans, les travaux d’évaluation se sont multipliés à différents échelons (national, régional, local) en réponse aux obligations réglementaires ou à l’initiative des pouvoirs publics. Les objets sur lesquels ils portent, sont multiformes et d’un format plus ou moins bien adapté à l’exercice. Si les programmes et réseaux de santé ont une architecture compatible avec l’évaluation, les interventions de type plan ou politique de santé, dispositifs et

a fortiori expérimentations, sont plus difficiles à appréhender, faute le plus souvent d’objectifs

structurants. Ces travaux sont d’envergure nationale (lutte contre le sida, addictions, accès aux soins pour les plus démunis, santé environnementale, cancer), régionale (politiques de prévention, schémas d’organisation des soins, programmes spécifiques, réseaux) ou locale (projets ou programmes territoriaux, contrat local de santé).

2.1.1.1.

Le rôle d’entraînement de l’échelon régional

La programmation en santé est une histoire récente en France. C’est à partir du rapport du Haut Comité de santé publique publié en 1994, que la démarche de programmation a été progressivement adoptée. Avec la parution des ordonnances de 199611 et du décret12 qui lui a

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Ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins.

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fait suite, un cadre légal était donné au niveau régional pour esquisser une politique de santé. Ces dispositions réglementaires instauraient la mise en place de conférences régionales de santé, forums d’expression des partenaires en santé, au sein desquels étaient discutés les enjeux de santé afin de retenir les priorités sur lesquelles engager des programmes. Ainsi, le mouvement de généralisation des programmes s’est intensifié à la fin des années 90, amplifié par la loi de lutte contre les exclusions en 1998, qui généralisait la mise en place de programmes d’accès à la prévention et aux soins (PRAPS) spécifiquement dédiés aux personnes en situation de précarité. Progressivement toutes les régions ont construit des programmes. Fin 2003, on en dénombrait plus d’une centaine à l’échelle du territoire national. Au fil des années, des démarches d’évaluation ont été engagées, incitées pour bon nombre d’entre eux, par la clause évaluative des contrats de plan Etat région au titre desquels les conseils régionaux apportaient une contribution. Si quelques régions pratiquent l’évaluation de leurs programmes, d’autres considèrent qu’un état des lieux des réalisations est suffisant pour rendre compte de l’utilisation des fonds publics. La distinction entre activités de suivi et d’évaluation est loin d’être claire pour toutes. En 2003, une étude relevait que seulement un quart des programmes de santé avaient fait l’objet d’une évaluation (Jabot, 2004).

Le développement des appels à projet, mode privilégié de mise en œuvre des programmes, a relayé la démarche auprès des opérateurs locaux, conditionnant le renouvellement de leurs projets à la remise d’une évaluation, dont le format évoque plus un rapport d’activité qu’un véritable travail d’analyse. Cependant, et plus particulièrement dans certaines régions, des référentiels, des outils pédagogiques, des formations ont été construits et mis à la disposition des acteurs pour accompagner la démarche souhaitée et qualifier au mieux les pratiques.

La loi de santé publique de 2004, qui a instauré les PRSP, a introduit une clause évaluative pour ces plans. Cependant, un rapport du Haut Conseil de la santé publique (2008) relevait plusieurs obstacles à la mise en œuvre de l’évaluation des politiques régionales de santé, les uns d’ordre méthodologique, les autres d’ordre financier ou opérationnel, en raison du manque de clarté lié à la superposition des compétences. Ce rapport soulignait également l’hétérogénéité des méthodes rendant peu probable la construction d’une évaluation nationale.

A côté des programmes issus de la dynamique des conférences régionales de santé, d’autres interventions se sont développées, avec, pour certaines d’entre elles, un cahier des charges précis, tant pour leur construction que pour leur évaluation. C’est le cas des réseaux

de santé ou des programmes de dépistages du cancer (Haute Autorité de santé, 2004 ; Institut national de veille sanitaire, 2011).

Si l’essor de la programmation, associée aux obligations réglementaires propres à certains dispositifs, a constitué un levier pour faire progresser l’évaluation en santé publique, on ne relève pas les mêmes avancées dans le domaine de la planification de l’offre de soins. Les schémas régionaux d’organisation des soins (SROS) de première génération n’ont pas été évalués et l’évaluation des SROS de la génération suivante, pourtant prescrite par ordonnance13, était jugée décevante (Couty, 2006). Une enquête menée en 2006 (ENSP, 2006) montrait que seulement trois des vingt-quatre SROS étudiés avaient été évalués et rapportait que les agences régionales de l’hospitalisation chargées de cette évaluation n’avaient pas une vision claire de l’évaluation d’un schéma, souvent confondue avec l’évaluation des besoins, des activités ou des pratiques.

2.1.1.2.

L’évaluation au niveau national

A l’instar du niveau régional, la multiplication des plans nationaux dans les années 2000, a eu un effet d’entraînement sur l’évaluation. Succédant au bureau de « l’évaluation et de l’économie de la santé », était créé en 2000 un « bureau de l’évaluation des programmes, recherche et prospective » au sein de la direction générale de la santé (DGS). La partie évaluation relevait d’une seule personne laquelle avait en charge plusieurs missions : évaluer l’impact des actions et programmes réalisés, passer des commandes et piloter des évaluations ; accompagner les bureaux thématiques désireux d’évaluer leurs propres programmes ; construire des repères pour les acteurs régionaux chargés de la mise en œuvre des évaluations et notamment, articuler évaluations nationales et régionales. Ainsi, plusieurs évaluations de programmes nationaux ont été réalisées : évaluation nationale des PRASP de première génération (PRASP 1) en 2003, évaluation ex ante des PRASP 2, évaluation de l’action des médiateurs santé dans le cadre de la lutte contre le sida en 2006, évaluation du programme Périnatalité en 2009, pour n’en citer que quelques-uns. Parallèlement, les bureaux « thématiques » de la DGS ou les autres directions avaient la possibilité d’engager des évaluations dans leur propre domaine.

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En 2004, la loi confiait l’évaluation de la politique de santé et des plans nationaux au Haut conseil de santé publique (HCSP), instance d’expertise rénovée à cette occasion. Quelques années plus tard, du fait de la recomposition des services du Ministère chargé de la santé consécutive à la loi de 2009, l’activité d’évaluation a perdu de sa visibilité.

Enfin, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), service statistique du Ministère chargé de la santé, participe à la conception et à la mise en œuvre des méthodes d'évaluation des politiques sociales et développe un important programme de publications de ses travaux.