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Conclusion du Chapitre

Section 1. Le dépassement de la souveraineté territoriale

La perte de souveraineté territoriale est imputable pour grande part au format réticulaire des communications numériques. La réticularité impose un renouvellement des modes d’intervention qui devra à l’avenir être pris en compte par le droit (§ 1.). Mais pour l’heure, le réseau s’opposant au territoire, la réticularité numérique interroge la souveraineté territoriale, qui offre pourtant la dimension physique du droit (§ 2.).

§ 1. — La réticularité, une transformation du mode d’intervention juridique

Le réseau constitue l’application par excellence des technologies numériques. Il importe donc de tenter une identification préalable de la formation en réseau (A.). Parce qu’il conduit les hommes à communiquer, le réseau numérique s’impose comme nouvelle structuration sociale, qu’il appartient au droit de maîtriser (B.), grâce à un renouvellement des modes d’intervention du droit (C.).

A. — Le réseau, une nouvelle construction à mettre au profit du droit

L’enjeu de toute technologie de communication se focalise sur le réseau. La construction réticulaire va déterminer l’ensemble des objets en lien avec les technologies numériques. Chaque objet d’analyse, y compris juridique, ne pourra être compris qu’à travers son intégration réticulaire. C’est la raison pour laquelle l’identification du concept de réseau constitue le préalable nécessaire à l’examen de la transformation des objets juridiques à cause des réseaux. Et les effets de ces organisations en réseau se renforcent grâce aux fonctions des technologies numériques. Si à présent, la réticularité transforme la Souveraineté ou la place de la Règle de droit, la formation en réseau est centrale dans la transformation et l’apparition de nouveaux objets juridiques numériques. Par exemple, l’État-plateforme s’appuie sur la formation réticulaire en exploitant la fonction de nœud de réseau pour restaurer la présence de l’État sur les réseaux numériques. De la même façon, c’est en s’appropriant la formation en réseau, qu’on redécouvrira un moyen de se représenter la normativité numérique. C’est également en reprenant des fonctions du réseau qu’un service public numérique de la donnée pourrait être imaginé. De même, certaines réponses en matière concurrentielle pourront être repensées en s’appuyant sur la construction en réseau. Ces éléments croisant réseau et droit se développeront ainsi dans les chapitres suivants.

La notion de réseau remonterait au début du XIXe siècle, à l’époque de Saint-Simon609,

avant de devenir aujourd’hui un « artefact superposé sur un territoire et l’anamorphosant [en] un “réseau territorial” »610. Sa première acception désignait le « réseau-réseuil » « extérieur

au [et sur le] corps »611, avant de viser l’intérieur du corps et de s’appliquer aux réseaux des

flux vitaux qui irriguent ce corps612. Ce n’est que dans un troisième temps que le corps devient

« artificiel », puisque le réseau sort du corps en passant du donné au construit613. Autrement

dit, le réseau s’impose d’abord comme un réseau humain — entre les hommes et dans sa constitution biologique —, puis comme celle des télécommunications et désormais comme le réseau numérique d’aujourd’hui. Néanmoins, la nouveauté contemporaine fait revenir le réseau technologique614 vers le corps, plus précisément vers le corps cérébral : le réseau devient

« technologie de l’esprit »615. Ces associations modélisent un nouveau « mode d’aménagement

de l’espace-temps, c’est-à-dire une “matrice technique” »616, porteuse de représentations617,

associées au fonctionnement du cerveau et de son intelligence.

Le réseau souffre alors d’une confusion entre ses multiples acceptions « [encombrées] de sens »618 et formulées sans méthode : un véritable « sac à métaphores »619. En effet, des

positions parfois « contradictoires » intègrent le réseau comme un « réseau hiérarchisé »620, là

où d’autres désignent le réseau comme la maximisation d’une « liberté dans un ensemble social aux contours mal définis, instable dans le temps et étant le contraire de toute structure organisée »621. Cette ambivalence se retrouve dans l’analyse numérique. Le réseau désigne tant

le support physique du réseau Internet, au sein duquel se développent les relations numériques,

609 P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, éd. Presses universitaires de France, coll. « La

Politi ue lat e », Pa is, , « Chap. – La pratique des réseaux chez Saint-“i o et l e ge e d u o ept », pp. 31-67, p. 31.

610 G. DUPUY & a., Réseaux territoriaux, éd. Pa adig e, G oupe « ‘ seau  », Cae , , p. 13.

611 P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, op. cit., « Chap. – La pratique des réseaux chez

Saint-“i o et l e ge e d u o ept », pp. 31-67, p. 33.

612 Ibidem. 613 Ibidem, p. 34.

614À la fois, a tefa t a hi i ue et sou e de ep se tatio s puis ue la te h ologie ie t de « te h ologos » ;

cf. P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux op. cit., « Chap. – La pratique des réseaux chez Saint-“i o et l e ge e d u o ept », pp. 31-67, p. 35.

615 L. SFEZ, Critique de la communication, éd. Le Seuil, 2ème éd., Paris, 1990, p. 377.

L. SFEZ, La Communication, éd. Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », Pa is, , p. 103.

616 I. GÖKALP, « ‘ fle io s su la otio de seau a tifi iel », i Les ‘ seau de l i age, Bulleti de l IDATE, o 13,

oct. 1983, Actes des 5es journées internationales, Montpellier, p. 163.

617 P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, op. cit., « Chap.1 – La pratique des réseaux chez

Saint-“i o et l e ge e d u o ept », pp. 31-67, p. 37.

618 H. BAKIS, Les réseaux et leurs enjeux sociaux, éd. Presses universitaires de France, Paris, 1993, p. 5.

619 P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, op. cit., « Chap. – La pratique des réseaux chez

Saint-“i o et l e ge e d u o ept », op. cit., p. 36.

620 H. BAKIS, Les réseaux et leurs enjeux sociaux, op. cit. p. 5. 621 Ibidem.

que la socialité numérique elle-même, nouvel espace de l’activité humaine, s’exprimant désormais en ligne. Dans le premier cas, le réseau comprend le support et l’architecture des connexions et des flux ; la seconde approche renvoie aux nouveaux comportements sociaux dégagés grâce au numérique. Cette distinction d’importance évalue dans quelle mesure le premier champ, l’architecture réseau, influence l’autre, la socialité numérique. En outre, cette analyse concède une large importance aux subjectivités humaines dans le contenu réseau. Par conséquent, elle reconnaît que le numérique reste avant tout un nouvel espace d’expression sociale, permettant, une accélération des relations.

À l’inverse, d’autres points de vue identifient certains contours du concept de réseau : le réseau construit une « trame »622 ou une « structure »623 composée d’« éléments » ou de

« points », qualifiés de « nœuds », reliés par des « liens » ou des « liaisons » assurant une « interconnexion » ou « interaction »624 de manière à constituer « une pluralité de points », au

moyen d’« une pluralité de chemins »625, chaque « sommet [étant] l’intersection de plusieurs

chemins et réciproquement [chaque] chemin [mettant] en relation plusieurs sommets »626&627.

Représenté comme un ensemble de chemins, désormais numériques, le réseau est pensé également comme un « filet » puisqu’il retient le chaos. Il renvoie alors l’image de cet état intermédiaire « entre la rigidité du minéral et la décomposition de la fumée », comme un « compromis entre deux extrêmes »628.

Enfin, le réseau a pour objet principal de faire lien afin de permettre le « passage » de l’intérieur

622 Ibidem, p. 24.

623 P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, op. cit., « Chap. – La pratique des réseaux chez

Saint-“i o et l e ge e d u o ept », pp. 31-67, p. 42. M. CASTELLS, La société en réseau, op. cit., p. 526.

624 H. BAKIS, Les réseaux et leurs enjeux sociaux, op. cit., p. 26.

M. CASTELLS, La société en réseau, op. cit., p. 526.

P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, op. cit. « Chap. – La pratique des réseaux chez Saint- “i o et l e ge e d u o ept », pp. 31-67, p. 42.

625 M. SERRES, Le Réseau de communication : Pénélope, éd. Éditions de Minuit, Paris, 1968, pp. 11-20.

626 P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, op. cit. « Chap. – La pratique des réseaux chez

Saint-“i o et l e ge e d u o ept », pp. 31-67, p. 39.

627 Cette représentation nest pas st i te e t i telle tuelle. Les platefo es u i ues o espo de t à es

œuds de seau à fo te g a it du fait de leu fo te att a ti it des flu . E effet, les platefo es de e tai s opérateurs numériques sont conçues de manière à générer de très fortes audiences, par la connexion vers elles de plusieu s e tai es de illio s d utilisateu s. Ces platefo es e ploite t do leu apa it à att ai e des o e io s u i ues, e l o u e e de diff e tes atu es, pou pa e i à les o fo er à leurs objectifs. Cette situatio s illust e t s fa ile e t pa le fait ue les platefo es gla e t des illio s de su t aita ts, au uels l op ateu de platefo e a off i u e audie e de o so ateu s. De la e faço , les audie es acquises par u e platefo e pe ette t u e olle te giga tes ue d i fo atio s aup s des utilisateu s afi d e fai e fi ie , o e a t fi a es, des lie ts d si eu de i le leu s st at gies e ati ues de a i e personnalisée. Les plateformes agissent ainsi e ta t ue œuds de seau, e o e t a t les flu de do es et d i fo atio s, su elles et e elles.

628 H. ATLAN, Entre le cristal et la fumée – Essai su l o ga isatio du i a t, éd. Le Seuil, coll. « Poi ts “ ie es »,

à l’extérieur, de l’invisible au visible629.

De tout cela, le concept de réseau semble se dégager de la manière suivante : « le réseau est une structure d’interconnexion instable, composée d’éléments en interaction, et dont la variabilité obéit à quelque règle de fonctionnement »630. Cependant le réseau pourrait s’opposer au

« système »631 et surtout à la structure pyramidale, puisqu’« aucun point n’est privilégié par

rapport à un autre, aucun n’est uniquement subordonné à tel ou tel »632. Le réseau s’oppose au

système puisqu’il n’implique aucune forme de clôture633 : les réseaux se présentent en tant que

« structures ouvertes »634, sans possibilité de prédire leur fin ou leur forme, tant que les

nouveaux pans du réseau « partagent les mêmes codes de communication »635. En revanche, les

stratégies de fermeture obéissent à des choix politiquement orientés, correspondant à un besoin ciblé.

Depuis que les réseaux s’analysent sur le modèle des réseaux physiques de télécommunications, le transport des communications et des informations concentre les réflexions. Initialement, la terminologie du réseau ne définissait pas la norme, et on préférait encore le terme de système qui désignait « toute transmission, émission ou réception de signes, signaux, d’écrits ou d’images, de sons ou de renseignements de toute nature, par fil, radio électricité, optique, ou autres systèmes électromagnétiques »636. Ainsi, les télécommunications

n’étaient définies que par le prisme de leur infrastructure637. L’analyse par le support implique

alors une focale sur « la centralité du réseau »638, à partir duquel le réseau se définit en tant

qu’« ordre assemblé » à l’instar d’un organisme constitué par l’ensemble des réseaux interconnectés. Par extension, l’organisation de cet ensemble structuré générera une « capacité », dans le sens d’une capacité d’agir et dotée d’une aptitude, notamment à générer,

629 A. CAUQUELIN, « Images et imaginaires des réseaux », Quaderni, hiver 1987-1988, no 3, CREDAP, Université de

Paris IX Dauphine, pp. 31-40.

630 P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, op. cit., « Chap. – La pratique des réseaux chez

Saint-“i o et l e ge e d u o ept », pp. 31-67, p. 42.

631 F. OST & M. Van De KERCHOVE, De la p a ide au seau ? — Pour une théorie dialectique du droit,

éd. Facultés Universitaires Saint-Louis Bruxelles, coll. « D oit », , p. 24.

632 M. SERRES, La communication, éd. Hermès, coll. « C iti ue », , p. 11.

633 H. BAKIS, Les réseaux et leurs enjeux sociaux, éd. Presses universitaires françaises, Paris, 1993, p. 43.

634 F. VIOLA, Autorità e ordine del diritto, éd. G. Giappichelli, Turin, 1987, p. 378, cité par F. OST & M. Van de

KERCHOVE, De la p a ide au seau ? — Pour une théorie dialectique du droit, op. cit., p. 25.

635 Ibidem.

636 L. J. LIBOIS, Les Télécommunications. Technologies, réseaux, services, éd. Eyrolles, coll. « Colle tio s ie tifi ue

et technique des télécommunications CENT-EN“T », Pa is, , p. 2.

637 A. Le DIBERDER, La production des réseaux de télécommunications, éd. Economica, Recherches Panthéon-

Sorbonne, Université de Paris I, coll. « “ ie “ ie es o o i ues », Pa is, , p. 9.

638 P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, op. cit., « Chap. – Les technologies de

gérer et différencier des réseaux639 selon les fonctions qu’on leur attribue.

Quoi qu’il en soit, le rapport au corps est ici fondamental puisque les télécommunications entretiennent un rapport étroit avec la parole et le transport de la voix. Une voix copiée et reproduite, mais, avant tout, qui se détache de son locuteur640 et ne lui appartient plus.

Désormais, la logique du réseau tend641 à ne plus se limiter à la voix pour rapprocher la

technologie numérique et le fonctionnement du cerveau, notamment dans ses capacités logiques et mémorielles. Des réseaux physiques extérieurs aux hommes, la notion de réseau revient vers le réseau biologique, du corps jusqu’au réseau neuronal. Fascination qu’illustre aujourd’hui la volonté des chercheurs en intelligence artificielle de percer et manipuler les secrets de l’intelligence humaine.

B. — Le réseau, une nouvelle structuration à maîtriser

Au-delà de leur apparente complexité, les réseaux de communications électroniques se dégagent selon trois types de configuration642 : le réseau à points à masse est structuré de

manière pyramidale, à partir d’un émetteur vers une multitude de destinataires, à l’instar de la télévision par exemple ; le réseau informatique maillé fait fonctionner des machines autonomes indépendamment de leur interconnexion avec les autres machines, avec un risque de dispersion de chaque unité ; ou encore le réseau « point à point » où émetteur et récepteur sont égaux sur un réseau égalitaire, à la manière du schéma initial du fonctionnement d’Internet. Ces structures de réseaux ont été analysés643 à l’aune de leur résultat organisationnel au sens

politique : le modèle « anarchique » où l’intellectuel dirige la société ; le modèle « despotique » de l’intellectuel soumis au despote éclairé ; le modèle de « l’intellectuel autonome » du génie réinventé644. Ainsi, le format du réseau semble refléter la structure politique qui a animé sa

construction, si bien que le réseau traduit une réalité politiquement tangible.

Cette connotation du réseau intelligent est fréquente dans les représentations numériques : le

639 Ibidem, p. 237.

640 P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, op. cit., « Chap. – Les technologies de

t l o u i atio s ou la e t alit du seau », pp. 219 à 240, p. 222 et suiv.

641 Ibidem, p. 225

642 P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, op. cit., « Chap. – Les technologies de

télécommunications ou la e t alit du seau », pp. 219 à 240, p. 232.

643 Cf. Comte de SAINT-SIMON, Lett es d u ha ita t de Ge e, 1802-1803.

Cf. J.-L. Le MOIGNE, « La oi e du seau : tout s oule… et pou ta t », in Information, culture et société : la

montée des réseaux, Acte du colloque international, Grenoble 9-12 mai 1989, éd. Réseau TNS éditions, 1989, p. 173-185.

644 P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, op. cit., « Chap. – Les technologies de

« réseau intelligent »645 apparaît comme la norme et apparaît comme une réinvention du

« génie » déjà revendiquée par la pensée saint-simonienne646. Cette vision connectée du monde

aboutit à des représentations de la société selon le modèle de la « pollinisation »647, lequel

institue un « âge de la multitude »648, avec la promesse d’un nouvel âge d’or, pour peu qu’on

sache en percevoir les vertus.

La « société en réseau »649 semble annoncer le renouvellement de nos sociétés actuelles,

qui sont renforcées par leur interdépendance caractéristique, faites de nœuds qui interconnectent tous les hommes par des liens mondialisés. Le nouveau paradigme qui apparaît est celui du « paradigme de la technologie de l’information »650. Cette société profite d’un « facteur clef qui

permet la baisse des coûts relatifs »651 de l’information et assure une souplesse de

recombinaison des offres et des communications. Les caractéristiques « inédites »652 des

réseaux numériques font apparaître des « technologies qui agissent sur l’information », où son ubiquité confère une « omniprésence de ses effets », au point que l’information irrigue tous les processus individuels et collectifs. La « dialectique du réseau » dans la réflexion technologique et ensuit dans la réflexion sociale, s’appuie sur le pouvoir créatif des interactions653. C’est la

relation qui crée une valeur économique, et pour ce qui nous concerne, une valeur sociale. Et la permissivité des technologies numériques a réalisé ce nouveau paradigme du réseau654 pour

envisager des dynamiques sociales irréalisables dans l’ancien empire scientifique : le réseau implique rapprocher sa souplesse de constitution au service des recombinaisons sociales. L’espace topographique ne dispose pas de l’agilité de la recomposition. L’idée du réseau numérique permet de concevoir le développement qualitatif et quantitatif des connexions afin d’en produire un accroissement des bénéfices. Cette souplesse655 apporte une réversibilité des

usages qu’elle inspire un pouvoir de transformation des institutions sociales et politiques, même

645 J-J. LEMOIGNE, « La oi e du seau : tout s oule… et pou ta t », art. préc.

646 P. MUSSO, Télécommunications et philosophie des réseaux, op.cit., « Chap. – Les technologies de

t l o u i atio s ou la e t alit du seau », p. 236.

647 Y. MOULIER BOUTANG, « La polli isatio hu ai e à l e u i ue », Labyrinthe, no 40, 2013, pp. 125-128. 648 N. COLIN & H. VERDIER, L Âge de la ultitude, op. cit.

649 Cf. M. CASTELLS, L e de l i fo atio , op. cit. 650 M. CASTELLS, L e de l i fo atio , op.cit., p. 100.

651 C. FREEMAN, « Préface de la IIe partie », in G. DOSI & a., Technical Change and Economic Theory, éd. Pinter,

Londres, 1988, p. 10.

652 M. CASTELLS, L e de l i fo atio , op.cit., p. 101. 653 Ibidem.

654 M. CASTELLS, L e de l i fo atio , op. cit., p. 101. 655 Ibidem.

si comprend le risque de conduire à un solutionnisme656 et à un webcentrisme657 numériques658

qui veulent voir dans les outils numériques les moyens de résoudre tous les problèmes de l’Action publique. Mais toute organisation souple peut redéfinir ses règles constitutives et se reprogrammer à l’intérieur du réseau, et ce, sans compromettre l’ensemble du système. Ces vertus de plasticité fait imaginer des ouvertures et des fermetures d’espaces informationnels de la même façon que s’ouvrent et se ferment de nouvelles idées directement offertes à l’expérience, grâce à la fluidité des circulations d’information. Enfin, les vitesses de circulation dotent cette plasticité d’une fluidité et d’une immédiation qui fait miroiter l’accès à l’ensemble du réel, de l’environnement à l’intime, afin de le faire contenir dans un même réseau contrôlable. Ce bain numérique et réticulaire laisse croire que tout est possible et que la réticularité est moderne659.

Cependant, dans le même temps, cette flexibilité confère un pouvoir660 : celui de libérer comme celui de réprimer selon le pouvoir de réécriture qui oriente la transformation. « On ne crée pas les réseaux seulement pour communiquer, mais aussi pour s’imposer, pour exclure de la communication »661.

Également, la définition souple des communications électroniques conduit à admettre une nécessaire interdépendance effective ou potentielle de tous à la structure réticulaire. Les structures qui compartimentent et les catégories classiques662 d’analyse des structurations entre

agents, ont vocation à être battues en brèche par le pouvoir d’interconnexion des réseaux. Les schémas qui structurent notre pensée scientifique, notre connaissance, mais également nos rapports sociaux mais également les représentations collectives sont donc ébranlées. De même, que « les outils et les machines sont inséparables de la nature humaine en évolution »663 au

point d’obliger à mener les analyses en couplant machine et sociologie humaine, quitte à ériger une sociologie humaine des machines.

656P ope sio à appo te des po ses « e kit » g â e au te h ologies u i ues.

657P ope sio à o sid e ue les gles appli a les au seau u i ues o t o atio à s te d e et à

d fi i l e se le des omportements sociaux numériques ou extra-numériques.

658 Cf. E. MOROZOV, Pour tout résoudre cliquez ici : L a e atio du solutio is e te h ologi ue, éd. FYP,

coll. « Innovation », trad. M.-C. BRAUD, Limoges, 2014, rééd. 2015.

659 D. VENTRE, « Les seau et le monde réticulaire : d fi itio s et a a t isti ues », op.cit., p. 24 660 Ibidem, p. 102.

661 G. J. MULGAN, Communications and Control : Networks and the New Economics of Communication,

éd. Guilford Press, New York, 1991, p. 21.

662 M. CASTELLS, L e de l i formation, op.cit., p. 105.

663 B. MAZLISH, The Fourth Discontinuity : The Co-evolution of Humans and Machines, éd. Yale University Press,

Or, les analyses numériques souffrent d’une confusion majeure qui intéresse directement le droit : la réflexion réseautique n’est pas une réflexion inhérente et verrouillée à l’objet numérique664. L’incapacité à réfléchir le numérique est fréquemment biaisée par un

dualisme numérique qui veut concevoir une surcapacité, presque magique665, des relations

sociales grâce au numérique. Or, le réseau numérique intègre un réseau matériel666 — puisqu’il

« n’est pas un monde éthéré », dénué d’une infrastructure — et un réseau immatériel667

proprement humain — qui engage un aspect stratégique avec l’informatique en réseau668. La