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Bien qu’il existe de nombreux travaux qui traitent des blattes (voir références dans Bell, 1990) très peu sont consacrés à L. decipiens. C’est une espèce monovoltine, c’est-à-dire qu’elle n’effectue qu’une seule génération par an, alors que d’autres espèces domestiques telle que B. germanica peuvent présenter trois ou quatre générations par an (Gordon, 1996). L.

decipiens est omnivore et se nourrit principalement de restes végétaux et animaux. Elle a une

activité annuelle intense en été et en automne et joue un rôle non négligeable au niveau de la dégradation de la la matière organique (Haupt & Haupt, 1998). Elle est également une proie idéale pour de nombreuses fourmis, araignées et pour certains petits vertébrés (Chopard, 1943 ; Boyer & Rivault, 2003).

Notre travail a permis de confirmer l’existence de L. decipiens dans le P.N.E.K. En effet, nous avions déjà signalé la présence de cet insecte dans la subéraie de Brabtia et d'El- Mellah en 2004, en 2005, et lors d’une étude plus détaillé étalée sur deux ans (2008 et 2009) (Ferrah, 2005; Hanifi, 2005; Habbachi, 2009). Nous avons montré que L. decipiens colonise le sol et la litière des quatre sites étudiés, quelle que soit l’essence végétale qui les recouvre (chêne-liège ou eucalyptus). Les populations sont plus importantes dans les forêts du littoral, les subéraies du PNEK et les forêts d’eucalyptus de Sidi Amar, comparativement aux subéraies de l’Edough, dans laquelle elle vit avec Ectobius kervillei, et de Machrouha où l’espèce est très peu abondante.

Le suivi du cycle de développement de L. decipiens dans les trois sites là où elle est la plus abondante montre que ce dernier est fonction des conditions climatiques (température, humidité, pluviométrie). En effet, c’est une espèce qui n’apparaît qu’au printemps et en été et qui est complètement absente en automne et en hiver. Ces observations corroborent celles obtenues dans la subéraie de Brabtia et d’El-Mellah (Habbachi, 2009) et dans l’Edough (Halfaoui, 2010).

Les oothèques pondues à la fin de l’été et au début de l’automne éclosent au début du printemps, ce qui explique l’apparition des jeunes larves (L2, L3) au mois de Mars quand la

température commence à augmenter. A la fin du printemps et au début de l’été, nous avons vu que la quasi-totalité des individus récoltés sont des larves âgées (L4, L5) et des adultes.

Le cycle de développement de L. decipiens est également lié à l’altitude puisque la population de cet insecte est plus dense dans les subéraies de l’Edough (Zerzour, 2008 ; Halfaoui, 2010) que dans les subéraies du PNEK. Cependant, il arrive parfois que le nombre d’individus récoltés soit plus important dans l’Edough qu’au niveau du PNEK. L’état sanitaire des subéraies du PNEK pourrait expliquer ces résultats, puisque ces dernières soufrent de problèmes de dépérissement depuis 2005; c’est le cas, par exemple, des subéraies de Brabtia, d’El-Melah et de Sanaoubari (Adjami, 2009).

La prospection des forêts d’eucalyptus de Sidi Amar, au printemps et en été, montre que la densité de L. decipiens est beaucoup plus forte dans cette forêt, comparativement aux subéraies étudiées. Il semble que la litière composée de feuilles et de rameaux d’eucalyptus assure un développement idéal pour cette espèce. Nos résultats révèlent également que le niveau de population de L. decipiens est plus élevé en 2010 qu’en 2011. Cela peut être dû aux conditions climatiques différentes enregistrées pendant ces années.

Chez les blattes, la taille des oothèques est variable selon les espèces; elles mesurent entre 4 à 5 mm chez Margattea nimbata et Lobopterella dimidiatipes, 6 et 8 mm chez B.

germanica, Blattella biligata, Blatta longicercata et Scalida latius vittata, environ 12 mm

chez Blatta orientalis, 14 mm chez Pycnoscelus surinamensis (Boyer & Rivault, 2004 ; Chopard, 1943). Chez L. decipiens, nous avons pu montrer qu’elle mesurait environ 5 mm.

Dans les conditions de laboratoire, la vie larvaire de L. decipiens dure 2 à 3 mois. Nos observations révèlent que les larves de premier stade (L1) sortent de l’oothèque, quelques semaines après la ponte de la femelle. Ces dernières passeront par cinq stades pour donner des adultes. Le nombre de mues larvaires peut varier selon les espèces : chez la blatte germanique,

B. germanica, par exemple, le nombre de mue varie entre 5 et 7 (Cornwell, 1968), chez la

blatte orientale, B. orientalis, on peut observer 7 à 10 mues (Gordon, 1996) et chez la blatte américaine, Periplaneta americana, une douzaine de mues (Gordon, 1996).

L’étude biométrique des individus aux différents stades de développement montre que la taille moyenne de cet insecte ne dépasse pas 8 mm de longueur au stade adulte pour un poids de 39 mg. Les adultes vivent 5 à 6 mois dans les conditions optimum de laboratoire (eau et nourriture à volonté); Cette durée de vie est comparable à celle de nombreuses espèces

forestières et agricoles telles que Blattella lituricollis, B. biligata, B. longicercata et L.

dimidiatipes (Boyer & Rivault, 2004).

Dans la forêt, le sol est recouvert d’une quantité importante de matériel végétal tel que feuilles, rameaux, fruits et graines. L’ensemble de ce matériel constitue la litière (Rapp, 1971 ; Tussaux, 1996). La décomposition de la matière organique contenue dans la litière représente une source d’énergie potentielle pour les espèces qui les consomment (Gobat et al., 1998). La décomposition de la litière varie selon le groupement forestier : elle est d’environ 32% pour les forêts de chêne-liège (Beldjehem, 2001).

L’analyse physique que nous avons menée sur la litière du chêne-liège montre que les différentes fractions (feuilles, rameaux, fruits et « divers ») sont distribuées de façon comparable dans les trois parcelles de chacun des sites que nous avons étudiés. La composition physique diffère d’une couche à l’autre : la couche la plus externe est composée essentiellement de feuilles, de rameaux et de divers débris, avec parfois quelques fruits, alors que la couche la plus interne est composée majoritairement d’éléments « divers » plus ou moins décomposés.

La quantité de feuilles présente dans la première couche, au niveau de l’Edough, est moins importante que celle enregistrée dans le PNEK, alors que la faction « divers » est plus importante dans l’Edough (première et troisième couches). Ces observations peuvent être mises en relation avec une activité de décomposition plus importante dans la subéraie de l’Edough mais également par un dépérissement des arbres , de plus en plus important dans les subéraies du PNEK (Adjami, 2009 ; Amamra & Bouchaib, 2011).

Dans les forêts d’eucalyptus de Sidi Amar, les feuilles sont peu présentes, voire inexistantes, au niveau des différentes couches des trois parcelles échantillonnées. La couche externe de cette litière est composée essentiellement de la fraction « divers » et de feuilles et de rameaux, tandis que la couche interne présente essentiellement divers matériaux décomposés. Cela explique certainement l’abondance des insectes détritivores présents dans le sol de ce site et notamment de blattes comme E. kervillei et L. decipiens (plus de 400 individus de L. decipiens récoltés durant le printemps).

Dans les subéraies du PNEK et de l’Edough, la couche moyenne, qui est la plus riche en L. decipiens, est constituée essentiellement de la fraction la plus décomposée (« divers »). Les feuilles, les fruits et les rameaux, présents en faible proportion au niveau de cette couche, servent d’abri à L. decipiens. La même couche, dans les trois parcelles de la forêt

d’eucalyptus, présente quelques différences par rapport aux sites de chêne-liège puisque cette dernière est généralement plus riche en rameaux, avec une fraction « divers » très abondante. Ces résultats sont similaires à ceux enregistrés par Beldjehem (2001) lors de l’analyse physique d’échantillons prélevés dans la subéraie d’El-Mellah et ceux de Habbachi (2009) dans les subéraies de Brabtia et d’El-Mellah. La dominance de la fraction décomposée s’explique par des conditions favorables au développement et à l’activité biologique des microorganismes et surtout les bactéries qui sont présentent dans cette couche à plus de 62 % (Beldjehem, 2001).

L’analyse physicochimique que nous avons réalisé sur les litières des différents sites montre que les valeurs de pH, d’humidité (H), de matière organique (MO) et de matière minérale (MM) varient au sein des différentes couches d’une même parcelle ainsi qu’au niveau des sites d’échantillonnage (chêne-liège et eucalyptus).

La litière de chêne-liège ne subit pas une grande transformation chimique, mais subit une défragmentation probablement liée à l’activité biologique ou à l’action du groupement végétale (type et âge de la végétation) (Rapp, 1971 ; Beldjehem, 2001). Le pH est relativement acide dans les trois parcelles, quelle que soit la subéraie étudiée. En ce qui concerne le pH de la litière d’eucalyptus celui-ci est plus basique. L’abondance des blattes dans ce dernier type de litière pourrait donc s’expliquer que ces dernières préfère vivre dans un sol basique.

Dans l’ensemble des couches des subéraies, ainsi que dans le site forestier d’eucalyptus, le taux d’humidité est toujours inférieure à 50%, ce qui témoigne d’une faible capacité de rétention d’eau de ces sols (Rapp, 1971).

La teneur en matière organique de la litière de chêne-liège et celle d’eucalyptus est assez importante dans la première couche de chaque parcelle ce qui représente une source d’énergie non négligeable pour les micro-organismes (Gobat et al., 1998). Notre étude montre aussi que l’habitat de L. decipiens est également riche en matière minérale surtout au niveau de la couche interne (forte minéralisation qui permet une bonne activité des micro- organismes) (Robert, 1996).

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