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Chapitre I. Conditions relatives à la collecte

Section 1 Conditions préalables à la collecte

1.2 Le consentement

Au Québec, le consentement de la personne est exigible pour que la saisie de ses mesures ou caractéristiques biométriques soit jugée légitime. Le principe, lequel est énoncé à l’article 44 al. 1, LCCJTI, est à l’effet que « nul ne peut exiger, sans le consentement exprès de la personne, que la vérification ou la confirmation de son identité soit faite au moyen d'un procédé permettant de saisir des caractéristiques ou des mesures biométriques »381. De plus, le

consentement doit être spécifique à l’action posée et limité à la durée nécessaire à la finalité pour laquelle il est requis382.

378 CNIL, « L'Autorisation unique n° AU-007 ne porte plus sur les contrôles d'horaires des salariés », 23 octobre 2012, en ligne.

379 Nous avons abordé cette question dans la première partie, voir chapitre 2, section 1.1.

380 Id. ; CAI, « Le caractère indispensable des renseignements recueillis », en ligne : <http://www.cai.gouv.qc.ca/biometrie/le-caractere-indispensable-des-renseignements-recueillis/>

381 Art. 44, LCCJTI. 382 CAI, préc., note 358.

Afin que le consentement soit jugé valide, un individu devrait savoir exactement en quoi consiste le procédé utilisé, comment et à quelle fin ses données seront utilisées ainsi que la portée de ses droits383. À notre connaissance, le Québec est la seule province canadienne où

une telle exigence a été expressément prévue. Le fédéral ne dispose pas non plus d’une telle obligation dans son corpus législatif, puisqu’aucune disposition spécifique à la biométrie n’a été adoptée jusqu’à présent.

Toute personne dispose ainsi d’un droit de refus de se faire saisir ses caractéristiques biométriques pour la reconnaissance de son identité dans les domaines de compétences du Québec. À cet effet, la CAI a publié un modèle de formulaire384 tenant lieu de consentement

exprès. Elle recommande que plusieurs éléments soient préalablement divulgués à la personne, tels que le type de technique utilisée, la nature des mesures saisies, l’ensemble des risques associés à cette pratique, les mesures de sécurité prises pour assurer la conservation des données, la durée de la conservation, le moment de leur destruction et l’explication des droits d’accès et de rectification385.

De plus, les conditions dans lesquelles seront conservés les renseignements, les possibilités d’utilisation, les règles de couplage de données et de communication devraient être clairement expliquées aux personnes concernées avant l’obtention du consentement386. Toutes

ces conditions rendront l’étape de l’enrôlement cruciale, car un enrôlement défectueux pourrait avoir de lourdes conséquences sur les étapes subséquentes et sur le droit à la vie privée387.

383 Id.

384 Voir l’Exemple de formulaire de consentement sur la cueillette, l’usage et la conservation de

caractéristiques ou de mesures biométriques, Commission d’accès à l’information, en ligne:

<http://www.cai.gouv.qc.ca/documents/CAI_FO_consentement_bio.pdf>. 385 Id.

386 CAI, « Avis présenté à la Commission des affaires sociales concernant l’Avant-projet de Loi sur la carte santé », 2002, p. 19 ; CAI, « La biométrie au Québec: les principes d’application, pour un choix éclairé », 2002, p.2.

Selon Andrew Patrick388, il existe toutefois un risque que le consentement à la collecte

des données biométriques soit obtenu de manière contraignante. À titre d’illustration, une organisation fournissant un service beaucoup plus avantageux aux détenteurs de titres biométriques qu’aux individus qui n’y ont pas consenti contraindrait ces derniers à y consentir. Andrew Patrick donne l’exemple du pont Whirlpool situé aux chutes Niagara en Ontario, lequel serait strictement réservé aux détenteurs d’un laisser-passer Nexus389. Pour des citoyens

canadiens voulant traverser la frontière, cela les forçait en quelque sorte à s’inscrire au programme Nexus afin de pouvoir utiliser ce pont. L’exemple illustre bien la problématique que pourrait causer une situation visant à favoriser indirectement les utilisateurs d’un système biométrique : le consentement se trouverait à être obtenu d’une manière contraignante et donc, non-libre.

Par ailleurs, et tel qu’exposé dans la première partie390, l’utilisation de la biométrie

favorise le risque que les données biométriques soient captées à l’insu des individus. Prenons l’exemple d’une vidéosurveillance utilisant la reconnaissance faciale afin de rechercher une personne, ou la reconnaissance vocale pour l’identifier sans qu’elle le sache. De telles pratiques seraient néanmoins contraires à l’article 44, qui expose le principe que la saisie des mesures ou caractéristiques doit permettre à l’individu de savoir que celles-ci sont prises. En effet,

« l'identité de la personne ne peut alors être établie [qu'en faisant appel au

minimum de caractéristiques ou de mesures permettant de la relier à l'action qu'elle pose] et que parmi celles qui ne peuvent être saisies sans qu'elle en ait connaissance »391.

En toute déférence, la rédaction de cette portion de l’article 44 nous laisse perplexe. Toutefois, c’est en la lisant a contrario que nous comprenons mieux l’intention du législateur,

388 Andrew PATRICK, « Acceptance of Biometrics, Things That Matter That We Are Ignoring », Presentation

to the International Workshop on Usability and Biometrics, Information Security Group, Institute of

Information Technology, National Research Council Canada, Washington, D.C., June 23-24, 2008. 389 Id.

390 Voir la section 1 du chapitre 2 de la première partie. 391 Art. 44, LCCJTI.

s’articulant comme suit : « l’identité de la personne ne peut être établie que parmi les caractéristiques saisies lorsqu’elle en a connaissance ».

Il est important de souligner que les conditions prévues à l’article 44 LCCJTI ne seront pas applicables si la saisie des données biométriques est effectuée dans un but autre que la reconnaissance de l’identité. Dans la décision C.R. c. Loto Québec392, la CAI a conclu qu’on

ne pouvait appliquer l’article 44 dans le cadre d’une demande d’accès à l’information visant à consulter un enregistrement vocal. En l’espèce, l’avocat de l’organisme prétendait que la divulgation d’un enregistrement vocal permettait d’obtenir un échantillon biométrique et, qu’en conséquent, son consentement était nécessaire. La voix d’un employé n’a toutefois pas été jugée comme étant une donnée servant à l’identification ou à l’authentification biométrique. Concernant la LCCJTI, la CAI précise :

« [110] Ces dispositions visent donc un objectif précis, qui n’est pas lié à la détermination de l’accessibilité des documents en litige. Elles n’établissent pas le caractère personnel ou non, au sens de l’application de la Loi sur l’accès, de la voix d’une personne contenue dans un enregistrement audio d’une conversation téléphonique. L’organisme n’a fourni aucune preuve visant à établir que la voix contenue dans les documents en litige constitue un « procédé permettant de saisir des caractéristiques ou des mesures biométriques » aux fins d’établir l’identité d’une personne ni que c’est là l’objectif poursuivi par le demandeur. Le présent litige ne porte pas davantage sur la création d’une banque de données biométriques. Ces dispositions ne s’appliquent donc pas en l’espèce ».

Ainsi, l’article 44 de la LCCJTI s’applique uniquement aux données biométriques étant saisies dans le but de reconnaître l’identité d’une personne. Par contre, les données biométriques étant en principe des données personnelles, un consentement demeure tout de même requis pour la collecte de celles-ci en vertu de la LPRPSP393 et de la Loi sur l’accès394,

et ce, même si les données sont collectées pour une autre finalité que l’identification ou la vérification.

392 C.R. c. Loto Québec, 2012 QCCAI 300. 393 Art. 6, LPRPSP, c. P-39.1.