• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I – CONTEXTE GENERAL

II. Zone d’étude

II.4. Le compartiment benthique

Figure I.27 : Cadre morpho-sédimentaire de la zone d'étude.

Nature du fond, issue d’interprétation sonar, et bathymétrie : données SHOM, 1993. Projection UTM 31N (croisillons) ; système géodésique : WGS84 (grille)

II.4. Le compartiment benthique

De nombreux organismes vivent en relation directe avec les sédiments. En fonction de leur abondance, de leur mode de vie, etc., ils peuvent modifier les propriétés de la couche de fond sédimentaire et par conséquent, influencer la mobilité sédimentaire. Ces interactions entre le sédiment et les organismes ont été particulièrement bien décrites dans les environnements estuariens et/ou

intertidaux du fait de leur accessibilité aisée et de l’abondance des organismes présents (e.g. Meadows

et al., 1990; Fries et al., 1999; Widdows et al., 2000; Andersen et al., 2002; Uncles, 2002; Andersen et al., 2005). Peu d’études ont été réalisées dans les environnements subtidaux marins (e.g. Wheatcroft,

1994; Wright et al., 1997; Rowden et al., 1998), mais il semblerait néanmoins que le rôle des organismes vivants sur l’environnement sédimentaire soit, selon certaines conditions, relativement important (e.g. Borsje et al., 2008).

II.4.1. Généralités

Le benthos concerne l’ensemble des espèces vivant en interaction avec les fonds marins. Des distinctions peuvent se faire selon une multitude de critères. Warwick (1984) rappelle les principaux critères permettant de caractériser et de classer le benthos : le poids, le développement, la reproduction, la durée de vie des générations, la dispersion, la taille, les types trophiques et l’activité de l’organisme.

On distingue le benthos animal, ou zoobenthos (vers, mollusques, crustacés, échinodermes…), et le benthos végétal, ou phytobenthos (algues). La taille des organismes est un critère classiquement utilisé pour distinguer le benthos. Généralement, les critères de taille définis par Mare (1942) sont retenus et on différencie alors le microbenthos (taille des organismes inférieure à 45 µm), du méiobenthos (tailles comprises entre 45 µm et 1 mm) et du macrobenthos (taille supérieure à 1 mm). Dauvin (1997) rappelle que de nombreux auteurs divergent quant à la valeur de cette limite entre méiobenthos et macrobenhtos ; néanmoins, nous considèrerons la classification de Mare (1942) dans la suite de cette étude.

La faune benthique étant située dans les premiers centimètres de la couche sédimentaire de fond, les interactions existant entre le benthos et le sédiment sont nombreuses et complexes. Par exemple, les organismes bioturbateurs, tantôt favorisent l’érosion du fond par une déstabilisation du milieu sédimentaire en augmentant la porosité, en induisant une réorganisation granulométrique, etc. (Rowden et al., 1998; Ropert, 1999; Ropert & Dauvin, 2000), tantôt stabilisent les fonds en compactant le sédiment (Meadows et al., 1990).

Les organismes peuvent également influer sur la rugosité du fond. Cela peut être fait de manière directe, en fonction de la taille et de l’abondance des organismes, mais aussi de manière indirecte. Les structures biogéniques telles que les tubes de polychètes, les monts de particules rejetées par ces organismes, etc. favorisent la formation de rides sédimentaires sur les fonds marins, ce qui peut faciliter la mobilité sédimentaire. A l’inverse, il a été aussi démontré que l’activité bioturbatrice avait la capacité de détruire des rides sédimentaires, diminuant de ce fait la rugosité du fond.

L’activité des organismes benthiques entraîne un phénomène de bioturbation dans les premiers centimètres du sédiment se traduisant par un remaniement de ce dernier (Dauvin, 1997). Ceci a pour

effet, d’une part, d’augmenter l’hétérogénéité du sédiment, et d’autre part, de provoquer non seulement une action sur les processus biogéochimiques à l’interface eau/sédiment mais aussi dans le sédiment. La bioturbation entraîne également un enfouissement de particules organiques dans le sédiment, ou un relargage des produits de la minéralisation dans la colonne d’eau. De plus, Andersen

et al. (2002, 2005) ont montré que la bioturbation pouvait également avoir pour effet d’augmenter

l’érodabilité des fonds en zones intertidales. Les organismes benthiques marins influencent également la dynamique des sédiments en agissant : (a) sur la rugosité par la présence d’espèces en nombre important, de colonies ou de bancs, de débris de coquillages, et (b) sur les propriétés géotechniques du sédiment (Guillén et al., 2008).

La dynamique des populations benthiques est influencée par l’hydrodynamisme ambiant. Le constat inverse peut quelque fois être fait également. En effet, les organismes établis en champs ou en colonies peuvent induire une modification importante des caractéristiques de l’écoulement. Ceci se traduit souvent par une diminution de la vitesse des courants au niveau du fond, lorsque l’écoulement est en contact avec les organismes. Par exemple, Ehrhold et al. (1998) notent que des populations à crépidules induisent un envasement des fonds car elles modifient le gradient hydrodynamique en introduisant une rupture brutale des vitesses de courants.

Des études ont été menées par de nombreux auteurs sur les liens existant entre les variations environnementales (profondeur, gradient sédimentaire, hydrodynamisme…), et la diversité et la répartition des communautés benthiques. Par exemple, Gentil et Cabioch (1997) ont montré, à partir de données granulométriques et biologiques récoltées entre 1971 et 1975, qu’en Baie de Seine, la répartition et la diversité des unités de peuplements benthiques reconnues sont directement liées au double gradient sédimentaire et hydrologique.

Dans une étude concernant la partie belge de la Mer du Nord, Moulaert et al. (2007) ont mis en évidence que la répartition et le nombre des espèces de la faune benthique étaient liés à la taille du grain moyen, la profondeur et la salinité, selon l’échelle spatiale étudiée et la localisation des prélèvements. Cependant, il est de leur avis de penser que des facteurs biotiques (compétition entre espèces, prédation…) agissent également. Pour Seiderer et Newell (1999), la distribution des communautés marines dans les habitats sédimentaires est plutôt contrôlée par des interactions complexes entre des facteurs physiques et biologiques à l’interface eau-sédiment que par les propriétés granulométriques elles-mêmes.

II.4.2. Les communautés et habitats benthiques en Manche orientale

Beaucoup d’études ont été menées sur la faune benthique en Manche. Par exemple, Dewarumez et Davoult (in Dauvin, 1997) montrent que différents facteurs tels que les facteurs astronomique, géographique, hydrographique, géologique et anthropique, influencent la structuration des communautés benthiques. Ainsi, ces auteurs définissent cinq grandes unités biosédimentaires en

Manche orientale et dans le Sud de la Mer du Nord : i) le peuplement des cailloutis à épibiose sessile, ii) le peuplement de la gravelle à Amphioxus lanceolatus, iii) le peuplement de l’hétérogène envasé, iv) le peuplement des sables fins à moyens propres à Ophelia borealis, et v) le peuplement des sables fins envasés à Abra alba.

L’ensemble des études menées sur les habitats benthiques a été compilé dans le cadre du projet REBENT. Ce projet, porté par IFREMER, a permis d’établir une carte présentant les espèces dominantes et caractéristiques en fonction du milieu (principalement défini par sa granulométrie) pour la Manche orientale, selon la typologie EUNIS (European Nature Information System) (Figure I.28). Cette typologie est une référence de classification des habitats pour les domaines terrestres, dulçaquicoles, et marins et elle correspond à un classement hiérarchique des habitats et du benthos qui y sont associés. Cette classification permet, pour le domaine marin, d’accéder à des niveaux de précision allant de la simple distinction entre les types rocheux ou meubles (niveau 2), intégrant d’une part, le mode d’exposition et le type de substrat (niveau 3), puis, d’autre part, la notion de groupement fonctionnel d’habitats (niveau 4) jusqu’à l’identification précise des peuplements benthiques définis par la présence d’espèces dominantes ou de groupes d’espèces caractéristiques (niveaux 5 et 6) (source : www.rebent.org). .

Figure I.28: Compilation de cartes d’habitats (typologie EUNIS) en Manche orientale.

(Sources L. Cabioch, F. Gentil, R. Glaçon, C. Retière, D. Davoult, J.-M. Dewarumez, J. Prygiel, A. Richard, 1978 et 1988) - Echelle : 1 / 100 000 à 1 / 200 000. Produit numérique REBENT.

FRANCE ROYAUME-UNI N LE HAVRE DIEPPE Zone d’étude FRANCE ROYAUME-UNI N LE HAVRE DIEPPE Zone d’étude

Cette carte peut être mise en relation avec celle de Larsonneur et al. (1978) (Figure I.26) où l’on retrouve des contours similaires entre sédiments et types d’habitats. D’après Cabioch et al. (1978) et Davoult et al. (1988), la Manche orientale, et particulièrement la zone d’étude, est caractérisée par des peuplements de graviers plus ou moins ensablés, de sédiments grossiers sablo-graveleux à Clausinella

fasciata et Branchiostoma lanceolatum, de sédiments hétérogènes envasés à Pista cristata, et de sables

fins mobiles à Echinocyamus pusillus, Ophelia borealis et Abra prismatica. La zone d’étude se situe dans un secteur de transition selon la classification EUNIS.