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CHAPITRE II : Méthodes et outils

II.1 La géochronologie U-Pb

II.1.1 le chronomètre U-Pb : principes et limites

A l’instar des différents géochronomètres existants (e.g. Rb-Sr, K-Ar, 40Ar/39Ar, Lu-Hf, Sm-Nd, Re-Os), le chronomètre U-Pb est le plus utilisé et un des plus précis pour dater des évènements géologiques depuis la formation de la terre jusqu’au Pléistocène.

1.1.1 Principe

La géochronologie U-Pb se base sur i) l’incorporation de l’uranium dans la structure cristalline du minéral lors de sa formation ii) la désintégration radioactive de l’uranium en plomb radiogénique au cours du temps iii) la capacité du minéral à retenir le signal U-Pb dans son système eu égard aux évènements post-cristallisation pouvant altérer ce signal.

L’uranium possède trois isotopes radioactifs : 238U, 235U et 234U avec pour abondances respectives 99.274%, 0.720% et 0.006%. Les plus abondants, 238U et 235U, se désintègrent selon une constante de

69 décroissance radioactive en 206Pb et en 207Pb : on parle d’isotope pères radioactifs (i.e. 238U et 235U) et d’isotopes fils radiogéniques (i.e. 206Pb et 207Pb). Ainsi, on évoque le terme « couple isotopique » U-Pb ou « chronomètre » U-Pb. Chaque chronomètre utilisé en géochronologie est caractérisé par sa période de demi-vie, notée T. Cette dernière équivaut à la période de temps nécessaire pour que la concentration en isotope radioactif soit réduite de moitié. Cette demi-vie est une fonction simple de la constante de désintégration λ (λ = ln2/T) avec λ238U= 1.55.10-10/an (T= 4.47 Ga) et λ235U= 9.8485.10-10/an (T=0.704 Ga) (Schoene, 2014).

De fait, suivant le temps écoulé, l’uranium décroit alors que la teneur en plomb radiogénique augmente selon l’équation :

𝑭

𝐏 = 𝐞

𝛌𝐭−𝟏

Avec F*= teneur en isotope fils radiogénique (206Pb* et 207Pb*), P = teneur en isotope père radioactifs (238U et 235U), λ = constante de désintégration, t = temps écoulé (i.e. l’âge de fermeture du système).

La quantité d’éléments fils radiogénique F* peut-être estimée à partir de la mesure de la quantité actuelle d’isotopes fils F dans le minéral à condition de connaitre la quantité F0 d’isotopes fils présent initialement dans le minéral à dater (dit plomb commun), avec F*=F- F0.

L’équation sus-mentionnée permet ainsi de calculer deux âges dans le cas du chronomètre U-Pb.

( 𝑷𝒃 𝟐𝟎𝟔 𝑷𝒃 𝟐𝟎𝟒 )𝒕= ( 𝑷𝒃 𝟐𝟎𝟔 𝑷𝒃 𝟐𝟎𝟒 )𝟎+ ( 𝑼 𝟐𝟑𝟖 𝑷𝒃 𝟐𝟎𝟒 ) (𝒆𝝀𝟐𝟑𝟖𝒕− 𝟏) ( 𝑷𝒃 𝟐𝟎𝟕 𝑷𝒃 𝟐𝟎𝟒 )𝒕= ( 𝑷𝒃 𝟐𝟎𝟕 𝑷𝒃 𝟐𝟎𝟒 )𝟎+ ( 𝑼 𝟐𝟑𝟓 𝑷𝒃 𝟐𝟎𝟒 ) (𝒆𝝀𝟐𝟑𝟓𝒕− 𝟏)

Cependant, la concordance de ces deux chronomètres implique que i) l’équilibre séculaire soit atteint (tous les isotopes intermédiaires produits doivent être désintégrés), ii) le chronomètre ait évolué en système fermé après la formation du minéral, iii) le minéral à dater ait incorporé peu ou pas de plomb commun lors de sa formation afin que l’erreur sur son estimation ne crée pas une trop grande incertitude sur l’âge et iv) la quantité d’isotopes radiogéniques fils formés soit suffisante pour être analysée (Schoene, 2014), ce qui sous-entend que le chronomètre U-Pb est rarement utilisé pour dater des évènements plus jeunes que le million d’années.

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1.1.2 Le diagramme Concordia Wetherill

Le diagramme concordia Wetherill a été inventé comme son nom l’indique par Wetherill (1956). Il est surtout utilisé dans la datation et l’interprétation de minéraux incorporant peu ou pas de plomb commun et riches en uranium et plomb radiogéniques car les analyses doivent être corrigées du plomb commun pour y représenter le plomb radiogénique.

Dans ce diagramme, les âges apparents 206Pb*/238U et 207Pb*/235U sont dit concordants s’ils s’alignent le long de la courbe concordia (Fig. II.1.A). Lorsqu’un minéral cristallise dans un système fermé, les chronomètres 206Pb/238U et 207Pb/235U évoluent de telle sorte que les deux rapports isotopiques suivent la concordia en s’éloignant de l’origine à mesure que l’âge croît. Si le système s’ouvre partiellement, les rapports isotopiques s’aligneront sur une droite appelée discordia, marqueur d’une perte et/ou d’un gain en Pb et/ou en U par des évènements post-cristallisation, e.g. altération d’un minéral/d’une roche, métamorphisme, diagenèse, etc. Par la suite, si le système se retrouve clos, l’intercept supérieur correspondra à l’âge de la cristallisation tandis que l’intercept supérieur représentera la date de l’ouverture du système.

1.1.3 Le diagramme Concordia "Tera-Wasserburg"

Pour les minéraux incorporant des quantités non-négligeables de plomb commun lors de leur cristallisation ou lors d’évènements post-cristallisation (e.g. apatite, titanite, rutile, etc.), le diagramme concordia Tera-Wasserburg (Tera and Wasserburg, 1972) est plus adapté. Il représente les rapports isotopiques 207Pb/206Pb et 206Pb/238U corrigées ou non du plomb commun. Tout comme pour le diagramme concordia Wetherill, si un minéral évolue en système clos et ne possède pas de plomb commun (ou si celui-ci a été corrigé), l’âge apparent de formation de ce minéral sera sur la concordia (Fig. II.1.B). Par contre, si ce minéral a incorporé du plomb commun à sa cristallisation ou postérieurement à celle-ci, les rapports isotopiques s’étaleront de nouveau sur une discordia où l’intercept avec la concordia donnera l’âge apparent de cristallisation et l’intercept supérieur (i.e. l’ordonnée à l’origine de la discordia) fournira la valeur du plomb commun initial. Si, en plus de l’incorporation du plomb commun, ce minéral perd du plomb lors d’évènements post-cristallisation, les points d’analyses seront déplacés vers la droite de la discordia.

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Figure II.1 : Diagramme concordia Wetherill (A) et concordia Tera-Wasserburg (B) montrant les cas de figure où les systèmes isotopiques fournissent au âge concordant et lorsque ceux-ci fournissent des données discordantes (modifié d’après Schoene, 2014)

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1.1.3 Les causes de la perturbation du chronomètre U-Pb

Plusieurs causes peuvent expliquer la discordance des âges U-Pb. La première est le mélange de zones d’âges différents. De nombreux minéraux tels le zircon, la titanite et la monazite présentent des cœurs hérités et des bordures plus jeunes. Cette zonation, quand elle n’est pas identifiée via le MEB ou la cathodoluminescence, peut perturber l’interprétation des analyses. La seconde cause majeure est la perte de plomb radiogénique. Cette perte peut être due au métamorphisme, l’évolution en système ouvert ou par diffusion. Cherniak (2010) a montré que les minéraux accessoires (i.e. zircon, sphène, apatite, monazite, xénotime) utilisés en géochronologie étaient vulnérables à la diffusion du Pb, pouvant réinitialiser le système U-Pb. De plus, des minéraux souvent présentés comme étant de bons géochronomètres (e.g. la monazite) peuvent incorporer du plomb commun soit lors de leur cristallisation soit postérieurement via des processus de dissolution-précipitation (Poitrasson et al., 2000; Seydoux-Guillaume et al., 2002; Seydoux-Guillaume et al., 2012).

II.1.2 Datation U-Pb via un spectromètre de masse à torche plasma couplé à

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