• Aucun résultat trouvé

B. Composition du cartilage articulaire

1. Le chondrocyte

a) Généralités

Le chondrocyte provient de la condensation et de la différenciation des cellules souches mésenchymateuses (Kronenberg 2003) ; il est l’unique type cellulaire présent au sein du cartilage articulaire et possède l’ensemble du répertoire génétique lui permettant de synthétiser les différents constituants de sa matrice. La synthèse des métalloprotéases matricielles (MMP) lui est également imputée. Dans des conditions physiologiques normales, il y’a un équilibre entre la synthèse des constituants de la matrice extracellulaire (MEC) et l’activité des MMPs, impliquées dans leur dégradation. Le chondrocyte est donc la cellule responsable de l’homéostasie de la matrice extracellulaire cartilagineuse. Il interagit directement avec celle-ci par l’intermédiaire du récepteur à l’acide hyaluronique (CD44), de l’annexine V liant le collagène de type II ou encore des intégrines (van der Kraan et al. 2002).

L’organisation structurale des intégrines, glycoprotéines transmembranaires associées sous forme d’hétérodimère (sous unité α et β), leur confère un rôle de mécanorécepteur (Blain 2009). Ces glycoprotéines sont d’une part associées spécifiquement aux composantes de la MEC et d’autre part au cytosquelette des chondrocytes de telle sorte qu’un stimulus extracellulaire soit directement retranscrit, au chondrocyte. Ainsi, une variation dans la composition qualitative ou quantitative de la matrice extracellulaire ou des contraintes mécaniques anormales sur la MEC auront un impact direct sur la signalisation du

qui conditionne en retour le maintien de sa propre homéostasie. On note par exemple que les chondrocytes issus d’explants de cartilage cultivés en 2D perdent très rapidement leur phénotype chondrocytaire. L’expression du collagène de type II, marqueur phénotypique diminue par exemple de près de 100 fois après deux passages en culture bidimensionnelle classique (Hardingham, 2012). Cette dédifférenciation est inhibée par la cytochalasine, un agent figeant le cytosquelette et bloquant toute information transmise par les intégrines. Les chondrocytes sont dépourvus de capacités de migration et leur prolifération est lente voir inexistante dans le cartilage normal (Chevalier 2003). Ils consomment toutefois une quantité importante de glucose qu’ils transforment en glucosamine, nécessaire à la synthèse des protéoglycanes.

Malgré leur rôle fondamental dans l’architecture du cartilage articulaire, le volume des chondrocytes n’excède pas 1% du volume total du cartilage. Cette densité est variable en fonction de la profondeur de la couche cartilagineuse. Ainsi la majeure partie du volume du cartilage articulaire est occupé par les constituants de la matrice extracellulaire.

b) Les ROS dans le chondrocyte

(1) Les sources de ROS dans le chondrocyte

Les chondrocytes sont capables de produire l’anion superoxyde, à l’origine des autres ROS (Henrotin et al. 2005). Ils produisent également le radical NO° par l’intermédiaire de la NO synthase inductible, qui par combinaison avec l’anion superoxyde, va donner le peroxynitrite (Yasuhara et al. 2005; Abramson 2008). L’acide hypochlorique généré par la myélopéroxydase, ainsi que le radical hydroxyle, issu de la réaction de Harber-Weiss seraient également produits par les chondrocytes (Tiku et al. 1998; Henrotin et al. 2005).

A la fin des années 1990, l’équipe de Mary Goldring a suggéré la présence d’une isoforme de la NADPH oxydase phagocytaire active dans la lignée de chondrocytes humain C-20/A4 ainsi que dans les chondrocytes porcins (Hiran et al. 1997; Moulton et al. 1997). Des travaux plus récents ont effectivement montré la présence des transcrits codant pour Nox2 et Nox4 dans les lignées de chondrocytes humains C-20/A4, C-28/I2 et T/C-28a2 (Goldring 2004; Grange et al. 2006). Le transcrit codant pour Nox5 serait également présent dans les lignées C-28/I2 et T/C-28a2. Dans les cellules chondrocytaires murines de la lignée ATDC5 les Nox 1, 2 et 4 seraient exprimées, en revanche la caractérisation des Nox présentes dans les chondrocytes primaires humains manque encore actuellement (Kim et al. 2010).

La présence de mitochondries à également été décrite dans les chondrocytes. Mais l’inhibition de l’ATP synthase par l’oligomycine n’entraine pas de diminution significative de la

concentration en ATP, démontrant que la phosphorylation oxydative ne joue qu’un rôle mineur dans la production énergétique des chondrocytes (Martin et al. 2013). Néanmoins, selon les auteurs de cette étude, les mitochondries génèreraient un niveau basal de ROS nécessaire à l’équilibre redox du chondrocyte et au maintien de la production d’ATP par la glycolyse.

Il n’est enfin pas à exclure que d’autres systèmes, tels que la NOS ou la xanthine oxydase puissent contribuer à la génération des ROS par le chondrocyte. Dans ce contexte, il est à rappeler que l’oxydation de la tétrahydrobioptérine par les ROS, cofacteur essentiel au fonctionnement de la NOS, conduit à une production d’anion superoxyde (Li and Forstermann 2013).

(2) Rôle physiologique des ROS produits par le chondrocyte

Le rôle physiologique des ROS produits par le chondrocyte est encore débattu et très peu d’études ont été publiées sur le sujet. Des travaux effectués au sein de notre laboratoire sur les chondrocytes humains de la lignée C-20/A4 ont montré l’implication des ROS générés par Nox4, dans la synthèse de la collagénase MMP-1 (Grange et al. 2006). Sur le plan physiologique, les MMP jouent un rôle dans la dégradation des constituants de la MEC, permettant son remodelage ou son renouvellement. Cette activité protéolytique est nécessaire au développement ostéoarticulaire (Aiken and Khokha 2010). En revanche, leur surexpression est l’une des caractéristiques majeures conduisant au catabolisme matriciel observé dans l’arthrose.

Les ROS pourraient également guider le processus de chondrogenèse. Il est connu que la lignée ATDC5, cellules d’origine mésenchymateuse provenant d’un tératocarcinome murin, peut se différencier en cellules chondrocytaires. Dans cette lignée les ROS interviendraient dans la différenciation chondrogénique induite par l’insuline (Kim et al. 2010). Les ROS seraient également impliqués dans la différenciation hypertrophique des chondrocytes au cours de l’ossification endochondrale, processus par lequel le cartilage de croissance laisse place à l’os au cours de la croissance des organismes vertébrés (Drissi et al. 2005; Morita et al. 2007). Dans ce processus, les chondrocytes hypertrophiques, synthétisant la phosphatase alcaline, amorcent la minéralisation de la partie profonde du cartilage de croissance puis meurent par apoptose pour laisser place aux ostéoblastes.

Cette différenciation hypertrophique des chondrocytes a également été observée au cours de la progression arthrosique, se traduisant par un défaut de réparation ainsi qu’une minéralisation pathologique du cartilage articulaire (Tchetina et al. 2006).

(3) Initiation et propagation du signal redox dans les chondrocytes

La littérature rapporte plusieurs stimuli connus pour activer la production des ROS par les chondrocytes. L’

IL

-1β et le TNF-α, les LDL oxydées, certains produits de dégradation de la MEC tels que les fragments de fibronectine ou encore le LPS issu de la dégradation de la paroi des germes Gram négatif conduisent en effet à une production de ROS par le chondrocyte (Tiku et al. 1999; Nishimura et al. 2004; Del Carlo et al. 2007).

Les ROS activent les MAPK. L’IL-1β et le TNF-α activent les JNK dans les chondrocytes bovins. Les mêmes effets sont observés par l'utilisation directe de peroxyde d’hydrogène (Lo et al. 1996). La voie JNK, activée par le concours du NO et de l’anion superoxyde serait à l’origine de l’apoptose des chondrocytes bovins induite par l’IL-1β (Clancy et al. 2001). Les ROS activent également les voies ERK et p38MAPK (Henrotin et al. 2003). En 2005, l’équipe de Martin a montré un effet comparable de l’IL-1β et de l’H2O2 sur l’activation du facteur de transcription AP-1, entrainant une augmentation de la transcription des MMP1 et 3 ainsi qu’une diminution de l’expression du collagène de type II et de la protéine core des aggrécanes sur des chondrocytes bovins (Martin et al. 2005). De manière coïncidente, l’activation du NFkB et de AP-1 consécutive à la signalisation déclenchée par l’IL-1β est réprimée par le DPI, un inhibiteur des flavoprotéines (Mendes et al. 2001). Il est à noter que ces deux facteurs de transcription dépendants du statut redox de la cellule sont à l’origine de la transcription de la plupart des métalloprotéases matricielles conduisant au catabolisme cartilagineux. Ils régulent notamment la transcription de la collagénase-1 (MMP-1) mais aussi de la collagénase-3 (MMP-13) (Kheradmand et al. 1998; Lo et al. 1998; Mengshol et al. 2000; Liacini et al. 2002; Ahmad et al. 2011).

Documents relatifs