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CHAPITRE 2 : Matériel et méthodes

2.2 Le carbonate de calcium et ses spécificités

Avant de présenter le protocole d'analyse adopté, je rappelle ci-dessous quelques caractéristiques des carbonates de calcium qui sont mises à profit dans les différentes méthodes de caractérisation utilisées.

Figure 2.1 : Structure cristalline orthorhombique de l’aragonite (A) et rhomboédrique de la calcite (B).

Cristallographie : Le carbonate de calcium CaCO3 existe sous la forme de trois polymorphes

qui ne diffèrent que par leur maille cristalline : l'aragonite orthorhombique (Fig. 2.1), la calcite rhomboédrique (Fig. 2.1) et la vatérite (système hexagonal). Seules l'aragonite et la calcite sont discutées ici. Parmi ces trois polymorphes, la calcite est la seule stable à pression et température ambiantes (Deer et al., 1966). Toutefois, bien que l'aragonite soit thermodynamiquement moins stable que la calcite, certaines concentrations en Mg2+, Sr2+... comme par exemple en milieu marin ou encore l'action de la vie peuvent favoriser le développement de cristaux d'aragonite métastable aux dépends de la calcite. Ainsi, les coraux, sécrétés par des organismes vivants en environnement marin, sont faits d'aragonite biogène. Ce phénomène est appelé calcification (à ne pas confondre avec calcitisation, terme utilisé lorsqu’un squelette aragonitique se voit cimenté par des précipités de calcite). En effet, pour « fabriquer » leur squelette, les coraux doivent transporter le Ca et les molécules carbonées du milieu marin vers les centres de calcifications, mais aussi éliminer tous les éléments pouvant inhiber ce phénomène. Les facteurs suivants vont influer sur le rendement de squelettogenèse : physiologie du corail lui-même et son régime trophique, les ions présents dans l’eau de mer et sa chimie (comme le pH), la photosynthèse des micro-algues symbiotes, etc. (Montaggioni, 2007).

Substitutions cristallines : La structure cristalline des carbonates de calcium peut notamment

être modifiée par des substitutions. Les ions de rayon ionique plus petit que le calcium comme le Mn2+, Mg2+, Fe2+, U2+ ou 4+ peuvent se substituer à Ca2+ dans le réseau de la calcite. A l'inverse, certains ions de rayon supérieur à celui du calcium comme le Sr2+, peuvent se substituer à Ca2+ dans le réseau de l'aragonite (Morse & Mackenzie, 1990)

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Morphologie des cristaux : Le magnésium joue un rôle fondamental sur la morphologie des

cristaux (Bathurst, 1971). En mer, la précipitation inorganique d'aragonite est possible liée à un fort ratio Mg/Ca qui inhibe la précipitation de la calcite. La précipitation de cette dernière est par contre favorisée en zone météorique (faible ratio Mg/Ca). La co-précipitation de Mg2+ dans la calcite a été d'autant étudiée que la calcite comporte communément un taux variable de magnésium. La calcite enrichie en magnésium est dite calcite magnésienne (Mol%MgCO3

> 4). Les cristaux d'aragonite sont le plus souvent aciculaires (aiguilles en franges ou amas) ou sphérolitiques (éventail d'aiguilles) (Purser, 1973). La calcite précipite sous forme de cristaux rhomboédriques de taille variable (sparite ou micrite).

2.2.1 Focus sur les trois éléments principaux

Les modalités d’incorporation d’éléments métalliques vont dépendre des caractéristiques de l’ion en question : charge (anion ou cation), rayon ionique (Ri), le coefficient de distribution (D)... Selon la maille du cristal en question, la plupart des modes d’incorporation va être par substitution du calcium.

Le Strontium (Sr) : Son rayon ionique (116 pm) est légèrement plus grand que celui du

calcium (100 pm). De ce fait, il est facilement incorporé dans le réseau orthorhombique de l’aragonite, formant des cristaux de strontionite (SrCO3). La concentration en Sr des

Scléractiniaires varie entre 500 et 10000 ppm, cette variation est due à différents paramètres comme l’insolation, le taux de croissance, l’activité métabolique de la colonie, le rapport Sr/Ca de l’eau de mer et le coefficient de distribution du Sr entre l’aragonite et l’eau de mer (valeur proche de 1). Les mécanismes de transport du Sr aux centres de calcification restent encore peu connus et sembleraient dépendre de l’insolation et donc de la photosynthèse mais aussi des cycles de reproduction (Montaggioni, 2007). Selon certains auteurs, Sr/Ca est considéré comme un traceur robuste de la température de l’eau de mer (Corrège, 2006).

Le Magnésium (Mg) : Son rayon ionique (72 pm) est plus petit que celui du calcium (100

pm). Il est doc facilement intégré dans le réseau rhomboédrique de la calcite. Les cristaux obtenus sont appelés magnésite (MgCO3). Par contre, le réseau orthorhombique de l’aragonite

permet l’incorporation des ions Mg2+

, mais de manière plus localisée et réduite. Les Scléractiniaires peuvent contenir entre 400 et 2000 ppm de Mg. Environ 25% de ce magnésium se trouvent associé avec la matière organique déposée entre les cristaux. Le rapport Mg/Ca varie en fonction de la vitesse de calcification, de la température, mais semble indépendante de la concentration en Mg et du rapport Mg/Ca de l’eau de mer (Montaggioni, 2007). Il s’agit d’un proxy plus délicat à utilisé.

L’Uranium (U) : Sa concentration dans l’eau de mer est une constante. Dans l’eau de mer, on

peut rencontrer quatre formes chimiques différentes : UO22+, UO2CO3, UO2(CO3)22- et

UO2(CO3)34- et sous deux formes ioniques : U2+ et U4+. Selon l’ion incorporé dans le

squelette, le réseau aragonitique en sera modifié différemment. Peut importe sa forme ionique, sa concentration totale (entre 1 et 4 ppm) dans les coraux reflète bien celle de l’eau de mer car son coefficient de distribution est compris entre 0,6 et 1. Les mécanismes d’incorporation de l’U dans l’aragonite sont au nombre de deux. Soit on arrive à la substitution de Ca2+

par le groupe urnayle UO22+, soit par le complexe carbonaté UO2(CO3)22-. Selon l’une ou l’autre de

ces substitutions, le rapport U/Ca du corail en sera modifiée, d’ailleurs, il varie énormément localement dans une même colonie et en fonction des espèces considérées. Pour cet élément,

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les effets dits vitaux n’auraient que peu d’influence sur sa concentration, contrairement à la salinité, au pH et le taux de calcification (Montaggioni, 2007).

Une multitude d’autres ions de ce type sont utilisés pour reconstituer diverses paléovariables : on peut citer le Baryum (Ba), le Cadmium (Cd), le Manganèse (Mn), le Bore (B), le Plomb (Pb), les Terres Rares…

2.3 Protocole expérimental général pour l'analyse de nos