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Le cancer : quand la cellule devient immortelle

Dans le document Cancer : entre recherches et espoirs (Page 10-13)

Tous ces concepts en poche, revenons-en au cancer. Souvenez-vous, on a dit dans l’introduction que le cancer était une cellule devenue immortelle : il faut donc qu’elle ne réagisse plus aux signaux de mort induits par elle-même ou l’extérieur. Et si l’immortalité est un pouvoir bien sympa dans les jeux vidéos, c’est le début des ennuis pour le corps puisque le corps n’est plus capable de tuer cette cellule. Car non, le système immunitaire n’est pas capable de supprimer une cellule de lui-même : il faut que la cellule ”accepte” son auto-destruction, entendez qu’elle doit réagir ausignal de mort envoyé par le système imunitaire6.

2.1. Comment un cancer ce développe-t-il?

Pour qu’une cellule devienne cancéreuse, la modification (ou mutation) doit survenir au niveau de l’ADN : l’expression des gènes doit être modifiée. Ainsi, certains gènes dits oncogènes sont normalement inexprimés par la cellule, peuvent l’être. À l’inverse, certains gènes sont dits suppresseurs de tumeurs et normalement exprimés par la cellule, mais la modification de l’ADN peut avoir l’effet inverse. Dans cette catégorie rentrent par exemple les gènes codant pour les protéines impliquées dans la réparation de l’ADN et celles induisant l’apoptose en cas d’erreur.

Les causes sont multiples : on sépare ainsi celles qui sontexogènes, issues de toutes les expositions environnementales que nous pouvons subir telles que les radiations, les Uvs, le tabac et autres7 et les causes endogènes, causées par notre propre métabolisme (entre autres les peroxydes, que vous connaissez probablement sans le savoir à cause du peroxyde d’hydrogène, couramment appelé eau oxygénée et oxydant puissant). Relativisons tout de suite : de telles attaques arrivent en permanence, et le système de réparation de l’ADN est très efficace (bien qu’il semblerait que son efficacité se réduise avec l’âge, ce qui expliquerait le nombre de cancers chez les personnes âgées). Par ailleurs, il faut que la mutation intervienne au niveau des gènes oncogènes ou suppresseurs de tumeur, et comme dit précédemment, l’ADN est une très longue molécule, donc cette probabilité est faible8.

Malheureusement, probabilité faible ne veut pas dire probabilité nulle. Et comme une série de dominos, l’immortalité n’est que le début d’une réaction en chaîne : puisque la reproduction est

5. En fait, ”inutile” n’est pas tout à fait vrai. D’une part, il y a des segments d’ADN qui sont despromoteurs de traduction, autrement dit des endroits pour indiquer où commence la traduction. D’autre part, certains biologistes pensent que cet ADN sert tout de même, bien qu’on en connaisse pas encore la fonction.

6. parmi lesquels lesglobules blancs , qui sont en fait une grande famille de différentes cellules. Ici, c’est plus particulièrement leslymphocytes NK qui entrent en jeu.

7. Citons également les intercalant de l’ADN (un certain nombre de molécules polyaromatiques), les particules fines, qui réussissent à passer les parois de la cellule, ou encore les cancers induits par certains virus comme le papillomavirus. Il existe également, et malheureusement, des cancers qui sont héréditaires.

8. À noter qu’il existe des ”mutations silencieuses” qui proviennent du fait que plusieurs séquences de nucléotides codent pour le même acide aminé.

la copie à l’identique de la cellule-mère, les cellules filles seront aussi immortelles. Et puisque immortelles et incapables d’apoptose, elles sont sensibles à de nouvelles mutations sans que rien ne les empêche de proliférer. Dans la plupart des cas vont alors apparaître des tumeurs cancéreuses, qui sont des amoncellements de cellules, cancéreuses et incapables de mourir.

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Figure 2. – Différences dans le mécanisme de division cellulaire entre une cellule normale et cancéreuse

Au fur et à mesure des reproductions et des mutations, les cellules cancéreuses finissent par acquérir d’autres caractéristiques qu’on retrouve dans un grand nombre de cancers. En 2006, deux médecins (R. Weinberg et D. Hanahan) ont ainsi proposé que l’apparition d’un cancer était due a une combinaison de d’au moins 6 propriétés (4 ont été rajoutées par la suite) :

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Figure 2. – The hallmarks of cancer, image publiée en 2011 par D. Hanahan et R. Weinberg dans le journal Cell. Les auteurs essayent par cette image de rationaliser le développement d’un cancer afin d’améliorer la lutte contre celui-ci.

On peut résumer cette infographie comme suit :

1. La résistance à la mort cellulaire, qui a déjà été discutée. Ceci étant dit, ça ne signifie pas qu’il s’agit de la première mutation que subit une cellule quand elle devient cancéreuse (elle pourrait en subir d’autres auparavant), mais c’est le moment ou elle devient incontrôlable. On peut également ranger dans cette catégorie lasuppression de la dépendance aux facteurs de croissance : la plupart des cellules ont besoin qu’on leur confirme leur utilité, et donc doit recevoir en permanence des facteurs de croissance (l’absence de ceux-ci pouvant conduire à la mort de la cellule). Les cellules cancéreuses

s’affranchissent de cette dépendance.

2. Pour que ça fonctionne, ces capacités doivent bien entendu êtretransmises aux cellules filles, donc les mutations doivent avoir eu lieu au niveau de l’ADN. En effet, si il y a eu une erreur lors de la transcription du gène en protéine et qu’on a une cellule aux protéines dysfonctionnelles, il n’est pas dit que cette erreur sera transmise aux cellules filles.

3. La plupart du temps, les mécanismes de réparations de l’ADN ne fonctionnent plus ou induisent plus d’erreurs qu’ils n’en corrigent. Ce facteur entretient les mutations et a pour effet pervers d’en générer de nouvelles.

4. Les cellules ne se reproduisent normalement qu’en présence du signal adéquat. Les cellules cancéreuses n’ont plus besoin de ce signal pour proliférer. Par ailleurs, il existe une limite au-delà de laquelle une cellule ne peut plus se reproduire (environ 50 fois, voir à ce sujet le magnifique tuto de Mewtow ), mais les cellules cancéreuses sont capables de se reproduire à l’infini.

5. Les cellules cancéreuses vont chercher à se maintenir en vie en amenant à elles ce dont elles ont besoin pour se ”nourrir”, principalement du sucre et de l’oxygène. Pour cela, elles vont induire l’angiogenèse, c’est-à-dire la croissance des vaisseaux sanguins. À noter qu’une cellule cancéreuse résiste beaucoup mieux à l’hypoxie, c’est-à-dire l’absence d’oxygène. En effet, dans une masse tumorale, les cellules au centre de celles-ci ne sont pas approvisionnées en oxygène, ce qui devrait normalement tuer la cellule. Ce n’est plus le cas pour les cellules cancéreuses, et source d’un grand nombre de problèmes dans les traitements.

6. Et finalement, si tout ça ne suffisait pas, les cellules finissent par acquérir un pouvoir invasif : normalement, une cellule ne se déplace pas9, mais les cellules cancéreuses peuvent arriver dans les vaisseaux sanguins et être transportées pour former des tumeurs secondaires, ou métastases.

Une cellule cancéreuse n’est pas obligée d’acquérir toutes ces caractéristiques, et l’ordre n’a pas d’importance, mais on a constaté que bon nombre de caractéristiques se retrouvaient sous une forme ou une autre dans une lignée cancéreuse. Un cancer est donc une suite de mutations : une seule mutation n’aura que peu d’importance et sera en général repérée et éliminée par l’organisme. Là ou ça devient dangereux, c’est quand plusieurs mutations entrent en jeu, et c’est ce qui explique souvent que les cancers sont repérés tard.

Un cancer peut se déclencher dans n’importe quelle zone (et cellule) du corps, même si certains cas sont plus fréquents que d’autres. Ainsi, le cancer le plus fréquent chez l’homme est celui de la prostate, contre celui du sein chez la femme (plus d’un tiers des cancers chez la femme).

Viennent ensuite, tous sexe confondus, les cancers du côlon-rectum et celui du poumon10. Ces cancers représentent la moitié des nouveaux cas chaque année. Plusieurs rapports démontrent que, parmi ceux-ci, c’est le cancer du poumon qui est le plus mortel. Finalement, plus de 60%

des hommes et femmes ont plus de 60 ans lors du diagnostic, ce qui indique que les cancers sont plus présents chez les personnes âgées. Cependant, il existe des cancers qui frappent très jeunes, parmi lesquels la leucémie (cancer des cellules de la moelle osseuse, qui produisent les cellules sanguines).

2.2. Quelles sont les conséquences?

Si on a bien parlé des causes et des effets, on a pas encore répondu à une question très importante : en quoi le cancer nous affecte-t-il ? Pourquoi une prolifération de cellules immortelles n’est pas une bonne chose du tout ?

9. Les exceptions étant les cellules qui se déplacent dans les vaisseaux sanguins, c’est-à-dire les globules rouges et blanc. Par ailleurs, les spermatozoïdes se déplacent. Et puisqu’on en est à parler de sexe, il me faut mentionner que les cellules sont capable de se déplacer au cours du développement embryonnaire.

10. Les rapports de l’un par rapport à l’autre étant inversé dans les statistiques belges pour la femme (source ).

Déjà parce que puisque les cellules cancéreuses échappent à toute régulation, leur besoins en énergies sont incontrôlés. La mitose d’une cellule (donc la division cellulaire d’une cellule mère en deux cellules filles) n’est pas un processus anodin en terme d’énergie, et c’est une des raisons pour laquelle c’est l’un des premiers à être désactivé en cas de besoin (en cas de fort stress, par exemple). Les cellules cancéreuses drainent donc les nutriments à elles (par exemple grâce à l’angiogenèse), au dépens d’autres partie du corps. Un corps plus fatigué (parce que les nutriments sont détourné) aura du mal à se défendre contre d’autres infections.

Ensuite parce que l’agrandissement de la tumeur peut à terme générer le dysfonctionnement de l’organe qui l’as vu naître, ce qui n’est jamais une bonne idée, ou bloquer des vaisseaux sanguins, les voies respiratoires, les conduits digestifs, l’apport d’oxygène au sang dans les poumons, ...11 Finalement parce qu’il arrive souvent un moment ou le cancer génère des métastases, c’est à dire que certaines cellules de la masse tumorale aillent se fixer ailleurs dans le corps par l’intermédiaire des vaisseaux sanguins, ce qui ”permet” au cancer d’aller faire des dégâts ailleurs dans le corps, avec comme conséquence ultime la mort de l’hôte. Et comme si ça ne suffisait pas, il est plus difficile de traiter plusieurs tumeurs qu’une seule.

Dans le document Cancer : entre recherches et espoirs (Page 10-13)

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