• Aucun résultat trouvé

Les leçons de l’expérience

Comme le montrent ces brèves études de cas, les médias offrent des occasions précieuses de riposter efficacement au VIH et au SIDA. Ils sont en mesure de sensibiliser les populations et de garder le sujet présent à l’esprit du public. Ils peuvent apporter des informations et des conseils partout et présenter des modèles et des scénarios réalistes qui encouragent les gens à s’identifier aux problèmes montrés et à s’engager. Et ce qui est plus important encore, ils offrent aux personnes vivant avec le VIH et à celles qui sont proches de l’épicentre de l’épidémie une tribune publique.

Il est également manifeste que le travail effectué avec les médias constitue un défi. Les programmes sont coûteux à réaliser ; la concurrence pour les temps d’antenne ou les colonnes des journaux et des magazines est féroce ; et les pressions liées aux plannings établis, aux budgets serrés, au travail d’équipe et à la bureaucratie sont constantes. Les organisations décrites ici relèvent ce défi et parviennent à utiliser les médias pour avoir un impact important.

Comment font-elles ? Où commence une initiative et comment démarre-t-elle ? Quels sont les éléments essentiels d’un projet avec les médias ? Et quel type de compétence sont néces-saires ? Cette section examine les leçons de l’expérience et met en avant celles qui pourraient aider d’autres entités qui souhaitent travailler avec les médias dans le domaine du VIH, ou dans n’importe quel autre domaine social.

La production d’un programme pilote est une étape initiale majeure dans le lancement d’une nouvelle initiative.

La production d’un programme pilote ou d’échantillons de matériels imprimés a plusieurs objectifs. Elle donne aux gens travaillant avec les médias pour la première fois l’occasion d’ap-prendre ce que cela comporte. Elle permet de tester une idée sur le marché avant de faire de gros investissements, et de procéder à des modifications en fonction des réactions obtenues. De plus, elle permet de réaliser une bande de démonstration ou un échantillon à présenter aux bailleurs de fonds et aux médias lors de la recherche d’un financement. Une démo est plus porteuse que des proposi-tions écrites pour vendre un produit.

Plus l’intérêt populaire pour une idée est grand, plus il sera facile de la ‘vendre’

aux médias et aux bailleurs de fonds.

Un divertissement populaire peut générer des bénéfices financiers et attirer de la publicité en promettant une forte audience. Il a par conséquent une valeur commerciale, qui constitue un avantage essentiel dans un marché compétitif. Une forte audience est également très intéressante pour les bailleurs de fonds et les sponsors qui cherchent à être connus.

L’utilisation de plusieurs médias maximise l’impact d’un projet social ou péda-gogique sur le grand public.

Il est rationnel, pour plusieurs raisons, de rechercher des débouchés pour son information ou ses conseils auprès de tout l’éventail des médias. Premièrement, cela permet aux projets d’at-teindre un public plus vaste. Ensuite, tous les médias ne constituent pas le meilleur véhicule pour chacun des messages et en obtenant plusieurs débouchés, les projets disposent d’un plus grand choix et d’une palette plus large dans les sujets qu’ils peuvent traiter. Cela permet également de renforcer les messages et l’information. Les séries télévisées, par exemple, ne permettent qu’un traitement superficiel d’un sujet, mais les problèmes qu’elles soulèvent peuvent être repris plus en détail sous forme imprimée ou à la radio.

Les projets médiatiques regroupent de nombreux intervenants possédant des compétences, des opinions et des manières de travailler différentes. Un travail d’équipe, tout comme une bonne gestion, sont essentiels au succès de ce type de projet.

Instaurer un esprit d’équipe entre les gens de tous horizons qui se rassemblent autour d’un projet avec des médias est une gageure. Il ne se crée pas tout seul, il faut y travailler. La définition des rôles, des responsabilités et des limites à s’imposer, et l’instauration d’un climat de confiance et de respect sont un préalable essentiel. Dans certains cas, il peut être utile de formuler un Mémorandum d’accord qui stipule les règles de base du partenariat. Il est également judicieux d’organiser des rencontres permettant aux partenaires d’interagir régulièrement, et d’informer tout le monde de ce qui se passe et des décisions qui ont été prises, même si certaines personnes n’ont pas pu assister aux réunions.

Une gestion rigoureuse est également cruciale pour la bonne marche d’un projet média-tique. Une structure formelle doit être mise en place pour guider le processus, gérer les rapports et soutenir les participants. Chacun doit savoir comment elle fonctionne et son mode opératoire doit être transparent. Trop souvent, la gestion se fait par défaut plutôt qu’à dessein et ajoute aux pressions d’un cadre de travail fondamentalement stressant. Parfois les organisations de très petite taille qui collaborent avec des partenaires beaucoup plus grands se trouvent écrasées sous les tâches admi-nistratives. En fait, une évaluation réaliste devrait être faite des ressources nécessaires pour gérer correctement le projet et des fonds alloués spécifiquement à cet effet au budget.

Le recours à des services et à une expertise sur une base contractuelle constitue souvent la méthode de travail la plus efficace et la plus rentable.

Lorsqu’on travaille dans les médias, une bonne part des compétences et des services sollicités sont nécessaires de manière ponctuelle. Déléguer ces tâches signifie que l’organisation n’a pas à supporter les coûts liés à l’emploi lorsque les gens ne sont pas productifs. En outre, la respon-sabilité de la qualité du travail et du respect du calendrier incombe à la partie contractante, ce qui soulage l’organisation d’une part des pressions liées à la production. Toutefois, cela ne peut se faire que dans les endroits disposant d’un réservoir de compétences important et de services dans lesquel puiser. Dans certains pays, il serait nécessaire de développer les capacités par la formation et il serait peut-être plus rationnel de s’appuyer sur du personnel interne à l’organisation.

En matière de diffusion de programmes éducatifs, les processus d’examen et de prise de décision sont plus complexes que d’ordinaire. Les sociétés de production doivent en être conscientes et en tenir compte au moment de négocier calendriers de travail et budgets, pour éviter d’éventuelles tensions et frictions.

Dans la diffusion de programmes éducatifs, même sous la forme de divertissement éducatif, les messages prennent le pas sur le divertissement. Par conséquent, les spécialistes techniques gardent un étroit contrôle sur le processus de création, ce qui implique la multiplication de ‘gardiens’ et exige de contrôler rigoureusement et de retravailler les idées. Ce sont là des vecteurs de tension, de malen-tendus et de frictions entre les différents intervenants. Mais ces problèmes peuvent être minimisés si les discussions engagées avec l’ensemble des collaborateurs sont franches dès le début et si un effort est fait pour instaurer un climat de confiance entre tous les membres de l’équipe.

Collaborer avec des créatifs et notamment avec des scénaristes et des produc-teurs à l’élaboration de messages—et même, si possible, à la recherche sur le terrain—peut les aider à acquérir une connaissance et une compréhension ines-timables pour le développement des programmes.

53 53 535353 La traduction de messages éducatifs en programmes télévisés, radiophoniques ou en supports écrits plaisants est une tâche qui demande d’énormes compétences. Si les scénaristes et autres créatifs participent au processus de développement, ils peuvent non seulement acquérir une compréhension très fine de ce qu’il faut communiquer, mais saisir également avec plus d’acuité ce que les spécialistes ressentent, ce qui contribuera à instaurer la confiance entre deux groupes très différents.

Permettre au grand public d’interagir avec un projet médiatique favorise la sensibilisation, le débat et l’identification aux situations évoquées.

‘Buddyz Buzz’, qui présente les commentaires de ‘vrais’ enfants au terme d’un épisode de

‘Soul Buddyz’ et le positionnement des épisodes spéciaux de ‘Takalani’ dans le cadre d’un talk-show radiophonique, ne sont que deux exemples de programmes permettant une communication dans les deux sens avec le grand public. Une participation de ce type contribue à stimuler un réel engagement dans les questions soulevées et, dans le domaine du VIH et du SIDA en particulier, à surmonter le déni, à encourager l’ouverture et à remettre la stigmatisation en question.

Le soutien et la participation active des universitaires, des experts et d’autres personnes compétentes travaillant dans le même domaine augmenteront l’auto-rité et la crédibilité d’un projet médiatique.

L’un des moyens d’encourager un tel soutien consiste à s’assurer dans toute la mesure du possible le concours de personnes et d’organisations importantes lors d’ateliers consultatifs et d’autres réunions, et à les inviter à désigner des représentants qui seront les conseillers permanents de la production.

Une recherche rigoureuse est la clé de l’utilisation efficace des médias à des fins sociales. Elle garantit la qualité et la fiabilité du produit et sa pertinence pour le public cible.

Pour réussir, une organisation qui utilise les médias à des fins sociales doit avoir une réelle compréhension de son public cible—qui est-il, où vit-il et comment, et quelles sont ses connais-sances et opinions concernant les sujets abordés. Il lui faut aussi des connaisconnais-sances détaillées des sujets et problèmes qu’elle souhaite traiter. La recherche prend beaucoup de temps et nécessite beaucoup d’argent et la tentation est grande de brûler les étapes, sous la pression d’autres entités qui visent les même créneaux horaires et espaces rédactionnels, mais n’ont pas à suivre une procédure aussi rigoureuse. Mais il serait inconsidéré d’agir ainsi : l’une des raisons majeures liées à l’échec de certaines campagnes d’information en relatives à la santé ou à d’autres domaines de société est la méconnaissance du public cible.

L’effet produit par une apparition à la télévision nationale peut avoir quelque chose d’impressionnant, même pour les personnes qui ne cachent pas leur statut sérologique à l’égard du VIH.

En effet, une exposition dans des médias, quels qu’ils soient, peut avoir quelque chose d’impressionnant. Pour éviter de faire pression sur les gens pour qu’ils participent à un projet, il est bon de s’appuyer sur des intermédiaires, tels que les organisations et groupes de soutien intervenant dans le domaine du VIH et du SIDA, pour identifier d’éventuels candidats, prendre les premiers contacts et préparer le terrain. Ensuite, il faut nécessairement obtenir un courrier formel reconnais-sant que les personnes susceptibles d’être sollicitées ont été informées de la nature et de l’objectif du projet et les ont compris, et qu’elles sont prêtes à y participer. L’éthique exige aussi qu’une personne ait le droit de retirer sa candidature à tout moment et pour quelque raison que ce soit.

Encourager les gens à se confier au cours d’une interview peut véhiculer une réelle émotion, notamment lorsque grandit l’espoir de voir ses problèmes résolus grâce à l’intervention de l’animateur. Cette attente peut être difficile à gérer si la personne qui mène l’entretien ne maîtrise pas correctement son sujet.

Les chercheurs doivent être conscients de l’effet souvent majeur de l’entretien sur leurs interlocuteurs et doivent être prêts à y faire face. Ils doivent se souvenir que le travail du chercheur est d’écouter et non de conseiller, et ils doivent disposer d’un plan efficace pour adresser les personnes interrogées à d’autres systèmes de soutien, si nécessaire. Ce mécanisme permet de protéger le chercheur comme la personne interrogée. Il peut être utile de travailler en collaboration avec des organisations communautaires, des ONG ou d’autres entités encore en qui les individus ont déjà placé leur confiance.

Mais parfois, les personnes interrogées ont simplement besoin qu’on réponde à certaines questions pratiques et il peut se révéler utile de ménager un certain laps de temps à cet effet au terme de l’entretien. Là encore, le chercheur devra être préparé, connaître les réponses aux questions ou disposer de matériels à distribuer ou d’adresses à communiquer.

Lorsqu’ils font des recherches sur des sujets sensibles, les chercheurs doivent être conscients de leurs propres sentiments en la matière et ne pas les laisser influencer les entretiens.

Durant la formation ou les séances d’information préalables au travail de terrain, il faut exiger des chercheurs qu’ils examinent leurs propres attitudes et émotions concernant les sujets à traiter, en s’interrogeant mutuellement ou en effectuant des exercices apparentés. S’il devient apparent que le fardeau émotionnel et/ou intellectuel de l’un ou l’autre d’entre eux risque de peser, peu ou prou, sur le processus de recherche, on évitera d’envoyer ces personnes sur le terrain. Il s’agit là d’un élément particulièrement important lorsque les questions à explorer sont délicates ou douloureuses.

Les organisations poussées par le sens de leur mission doivent rester attentives à ne pas exploiter l’idéal d’engagement de leurs membres.

Les gens qui collaborent à des projets sociaux ou qui s’engagent dans des campagnes de sensibilisation ont parfois de la peine à tracer des limites entre leur travail et leur vie privée, et même les responsables les mieux intentionnés ont parfois des attentes irréalistes concernant leurs employés. Durant les entretiens réalisés pour ce rapport, un grand nombre de personnes ont reconnu que l’épuisement psychologique dû au surmenage et/ou à une trop forte identification aux questions traitées constituait un risque réel. Outre la tristesse qu’ils provoquent chez les personnes touchées, le stress ou l’épuisement psychologique nuisent à l’efficacité et au rendement d’un projet et des mesures concrètes doivent être prises pour les éviter dès le départ. Comme le montre l’histoire de ‘Soul City’, il est utile d’employer un(e) spécialiste des ressources humaines qualifié(e) pour veiller au bien-être des employés. On peut aussi faire beaucoup lors de la rédaction des contrats et des tableaux de rému-nération pour protéger les gens de l’exploitation et leur donner le sentiment de leur valeur.

Pour générer des résultats, les matériels de terrain doivent être adaptés à ce que souhaite réellement le public cible et à ce qui lui serait utile.

Les programmes de proximité ont la capacité d’améliorer considérablement la profondeur et la couverture des messages d’information et d’éducation contenus dans les autres médias—télévi-sion, radio et presse écrite. Mais pour avoir un impact, les matériels de terrain doivent être planifiés et adaptés avec autant d’attention aux publics cibles que les autres matériels, car ils ne sont pas

55 55 555555 que de pâles copies s’appuyant sur la popularité des émissions ou des articles. Avant de réorga-niser les programmes pour une utilisation extra-institutionnelle, le projet devra découvrir ce que le public veut réellement, dans quel but et comment rendre les matériels aussi utiles que possible. Cela implique souvent de fournir aussi soit du matériel soit une formation.

Le succès appelle le succès. Pour obtenir l’appui durable du monde des médias et des bailleurs de fonds, il faut prouver que le projet atteint ses objectifs.

Le succès appelle le succès. Les sociétés intervenant dans le domaine des médias et les bailleurs de fonds d’un projet prorogeront vraisemblablement leur financement s’ils constatent que le projet en question atteint son public cible et génère un impact. Le suivi et l’évaluation sont donc des éléments essentiels d’un projet et devraient figurer explicitement dans le budget établi. Mais le suivi et l’évaluation ont aussi d’autres buts importants. Ils sont utiles pour identifier les éventuels problèmes qui se posent au projet, pour proposer des solutions à ces problèmes et pour poser un regard neuf sur le fonctionnement et la dynamique du projet.

Documents relatifs