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III. PARTIE EMPIRIQUE

3. Domaines disciplinaires de rattachement

3.1. Langues

Nous l’avons vu ci-dessus, bien que seulement quelques jeux de société parmi l’échantillon exigent ou travaillent la communication, tous les jeux, à des échelles différentes, induisent des interactions entre les joueurs. La langue est donc une compétence touchée dès lors que l’on propose un jeu de société en classe. C’est la position didactique qu’adopte Pelay (2007) lorsqu’il suggère que le savoir devient un moyen que l’élève doit utiliser pour jouer, et non pas un but à atteindre.

C’est également ce que mentionne Brougère (2005b) lorsqu’il relève qu’il existe un processus d’apprentissage informel dans le jeu : l’aspect éducatif provient de l’expérience que l’individu fait de la situation ludique, et non du jeu lui-même.

Dans ce chapitre, nous nous intéresserons donc uniquement aux cinq jeux pour lesquels les données extraites montrent qu’un processus de formalisation des objectifs d’apprentissage, spécifiques au domaine des langues, pourrait donner une dimension éducative au jeu :

Dobble, Identik, Kaleidos, Time’s up Family et Timeline.

3.1.1 Compréhension de l’écrit

Dans notre échantillon, quatre jeux touchent l’axe « Compréhension de l’écrit » du PER :

Identik, Kaleidos, Time’s up Family et Timeline. Il s’agit de jeux dans lesquels des

compétences en lecture sont exigées ou travaillées.

Les objectifs touchés pour cet axe sont « Lire des textes d’usage familier et s’approprier le système de la langue écrite » (PER1) ainsi que « Lire de manière autonome des textes variés et développer son efficacité en lecture » (PER2). Il convient toutefois de relever qu’il s’agit la plupart du temps de lire des mots, parfois des phrases (Identik), mais jamais de longs textes. Cela peut paraître réducteur, mais pour les élèves de l’enseignement spécialisé, lire des mots en « comprenant les liens entre l’oral et l’écrit », en « développant la conscience phonologique », en « mobilisant et en développant ses connaissances langagières et extralangagières », en « identifiant des mots par hypothèses et vérifications en s’appuyant sur le code et le sens, » représentent les compétence du PER souvent à développer.

syntaxique et orthographique », « émettre et vérifier des hypothèses sur le sens et l’interprétation de la phrase » (PER2) dans des jeux tels que Identik, Time’s up Family ou

Timeline. Identik permet, de plus, de « distinguer le réel de l’imaginaire, l’explicite de

l’implicite » (PER2). Nous pouvons donc conclure que la pratique de certains jeux travaillent directement l’axe « compréhension de l’écrit » du PER.

Cependant, parmi les composantes décrites dans le PER1 pour la compréhension de l’écrit, certaines ne sont jamais touchées dans les jeux de société étudiés (par exemple : « utiliser les outils de référence » ou « identifier les fonctions de la lecture-écriture ») ; de même dans le PER2 (« situer des informations dans une des parties du texte », « anticiper le contenu d’un texte en fonction du support et du genre textuel »).

Peut-être que certains jeux, qui ne figurent pas dans notre échantillon, pourraient travailler ces compétences, mais il est nécessaire, dès le début de cette analyse, de prendre conscience que tout ne se travaille pas au travers des jeux de société. La pratique des jeux de société en classe ne peut se substituer à des moments formels d’apprentissage. Ce constat restera valable tout au long de notre analyse dans les différents domaines disciplinaires de rattachement.

3.1.2. Production de l’écrit

Dans notre échantillon d’étude, un seul jeu, Kaleidos, touche l’axe « Production de l’écrit » et l’objectif « écrire des textes d’usage familier et s’approprier le système de la langue écrite ». Toutefois, il ne s’agit pas, dans ce jeu, d’écrire des textes, mais des mots. Cela peut cependant permettre de « comprendre les liens entre l’oral et l’écrit », de « développer la conscience phonologique », de « mobiliser et de développer ses connaissances langagières et extralangagières », compétences du PER1.

Cette limitation à la rédaction de mots ne permet de toucher qu’un seul objectif de l’axe « production de l’écrit », ce qui peut être réducteur, mais qui permet également à l’enseignant spécialisé de cibler, ou de perfectionner, un objectif à la fois ; cela est souvent nécessaire avec des élèves en difficultés scolaires, et peut donc représenter un atout.

Ainsi, il est possible d’entrevoir le jeu comme milieu didactique favorisant l’émergence de compétences en production de l’écrit. Le jeu peut ici être « vecteur d’apprentissage, contexte d’apprentissage et condition favorable à l’apprentissage » (Brougères, 2005, p.75). Ces jeux semblent toutefois assez rares sur le marché.

3.1.3. Compréhension et production de l’oral

Nous regroupons volontairement ces deux axes, car dans le PER1, ils le sont, et pour une analyse pertinente, il est plus judicieux de travailler ces deux axes en parallèle car ils sont simultanément touchés.

Quatre jeux étudiés abordent spécifiquement l’axe « compréhension de l’oral », et « production de l’oral » dont les objectifs d’apprentissage sont « comprendre et produire des textes oraux d’usage familier et scolaire » (PER1) et « comprendre et produire des textes oraux variés propres à des situations de la vie courante » (PER2). Dans chacun des jeux, de nombreuses composantes sont touchées. Nous relèveront seulement que tous les jeux travaillent les composantes « organiser et restituer logiquement des propos », ainsi que « prendre en compte les consignes et les interventions de l’enseignant et celles des autres élèves » . Ces deux compétences sont récurrentes dans les exigences basiques de l’école, d’autant plus avec des élèves de l’enseignement spécialisé dont certains peinent à s’exprimer logiquement ou à écouter leurs interlocuteurs.

Les deux jeux qui exercent le plus les axes « compréhension de l’oral » et « production de l’oral » sont Identik et Time’s up Family. Ce sont également les jeux que nous avons décrits plus haut comme les plus grands vecteurs d’interactions, en insistant sur la prudence avec laquelle il faut proposer ce genre de jeux.

3.1.4. Fonctionnement de la langue

Seuls deux jeux touchent formellement l’axe « Fonctionnement de la langue », avec l’objectif du PER1 « Observer le fonctionnement de la langue et s’approprier des outils de base pour comprendre et produire des textes ». Il faut, en premier lieu, relever qu’aucun des objectifs du PER2 n’est touché sur cet axe. Il faut donc s’attendre à ce que les composantes travaillées restent basiques. En effet, en jouant à Time’s up Family et à

Kaleidos, les élèves peuvent « élaborer un vocabulaire commun pour parler du langage et

de la langue ». De plus, dans Kaleidos, l’élève « s’interroge sur l’usage de la langue et sur les régularités de son fonctionnement », et il peut « élaborer des règles utiles à la compréhension et à la production des textes écrits et oraux ».

Il n’est toutefois pas étonnant que peu de jeux travaillent l’axe « Fonctionnement de la langue », car il s’agit d’un axe très technique, abordant la syntaxe, l’orthographe, la conjugaison,…. Ces composantes sont très scolaires. C’est là que se situe la limite entre un

jeu ludique et des pratiques pédagogiques déguisées sous forme de jeu. Dans ce que certains nomment les « jeux pédagogiques », les critères de jeu libre et frivole chers à Brougère (2005b) sont absents ; ces pratiques ne peuvent donc être considérées comme des jeux, au sens où on l’entend dans cette recherche.

Il convient donc de retenir que le fonctionnement de la langue, de son point de vue technique, se travaille rarement de manière formelle au travers des jeux de société, si ce n’est parfois le vocabulaire. L’enseignant spécialisé devra, pour cela, plutôt proposer d’autres activités, le jeu n’étant, dans ce cas, pas un milieu didactique favorable à l’émergence de compétences telles que l’identification du sujet ou des adverbes, l’utilisation de la majuscule ou l’orthographe des homophones.

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