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4.1 Le Modèle Standard de la physique des particules

4.1.2 Le Lagrangien du Modèle Standard

Le Modèle Standard est une théorie de jauge qui regroupe la chromodynamique quantique (QCD) qui décrit l'interaction forte, et la théorie électrofaible qui unie l'interaction faible et l'électromagnétisme. C'est ainsi qu'au sein d'un même modèle sont réunis trois des quatre interactions fondamentales. Cette section est une brève introduction au formalisme qui sous-tend le Modèle Standard où une approche conceptuelle est privilégiée aux équations.

Introduction à quelques concepts théoriques En physique des particules, la description mathématique des phénomènes physiques reposent sur le formalisme de la théorie quantique des champs. Une approche quantique est nécessaire à la description des particules élémentaires pour lesquelles les interactions sont abordées en terme de probabilité de transition d'un état initial vers un état nal. L'approche relativiste permet de prendre en compte le temps de propagation des interactions (via l'échange de bosons) ainsi que la description des particules de grande énergie (se déplacant à des vitesses proches de celle de la lumière). L'électromagnétisme de Maxwell, théorie classique des champs, a laissé place à l'électrodynamique quantique, théorie quantique des champs, qui a permis avec succès de rendre compte de la quantication des niveaux d'énergie des atomes et de l'eet photo-électrique. A chaque particule est associée un champ Ψ(~v, t) dépendant des coordonnées d'espace-temps. Les interactions entre champs quantiques sont locales, et l'on associe des propagateurs aux bosons médiateurs échangés entre particules interagissantes. La création et l'annihilation de particules y est décrite en termes d'opérateurs faisant varier le nombre de champs. L'ensemble des informations de la théorie

sont contenues dans un Lagrangien L qui est une fonction des champs et de leurs dérivées partielles. A partir de ce Lagrangien on peutextraire le couplage des interactions ou bien encore calculer des sections ecaces de diérents processus. Les équations du mouvement sont calculées de sorte à minimiser la valeur de l'action S = R Ldx4.

La méthode de calcul des observables repose sur un développement en série dit "perturba-tif". Il s'agit d'une approximation dont la précision augmente avec l'ordre auquel est calculée l'observable. Le premier ordre est communément appelé calcul à l'arbre (ou LO, Leading Or-der en anglais). Richard Feynman proposa en 1949 des règles de calculs diagrammatiques dans lesquels les particules sont représentées par des lignes et où les raccordements de lignes sont appelés vertex. Les diagrammes dits de "Feynman" sont dénis ordre par ordre, où l'ordre est le nombre de vertex divisé par 2. Des exemples seront présentés dans la partie consacrée à la physique du top. Les calculs perturbatifs restent valables dans la limite où les constantes de couplage des interactions restent faibles vis à vis de l'unité. Les diagrammes contenant des boucles relatives aux contributions quantiques du vide entrainent des divergences (l'impulsion des particules n'étant pas bornée). Ces divergences peuvent être formellement absorbées par une redénition des constantes de couplages et des propagateurs des champs : c'est ce que l'on nomme la renormalisation. Il faut cependant choisir une échelle d'énergie qui soit adaptée au processus calculé. Au nal, on obtient des constantes de couplage eectives (des charges eectives et des masses eectives) qui dépendent de l'énergie mise en jeu lors des processus.

En physique des particules, la formulation des théories utilise des outils issus de la théorie des groupes pour reéter les symétries des systèmes de particules élémentaires. Par exemple, la symétrie qui relie l'électron au neutrino électronique ou le quark u au quark d dans les processus d'interaction faible est formalisée par le groupe SU(2). Le théorème de Noether exprime le lien qui existe entre les lois de conservation et l'invariance des lois physiques en ce qui concerne certaines transformations (les symétries). Ainsi à la symétrie électrofaible est as-sociée la conservation de l'isospin faible. Pour respecter ces symétries, le Lagrangien décrivant un système de particules doit être invariant de jauge, c'est à dire invariant sous certaines trans-formations. Le Modèle Standard se fonde sur le principe d'invariance de jauge locale, c'est à dire d'invariance sous des transformations dépendantes des coordonnées d'espace-temps. C'est en imposant cette invariance de jauge que sont "générées" les interactions et les champs vectoriels qui sont les médiateurs des forces. Techniquement, ils apparaissent dans les dérivées covariantes, comme nous le verrons par la suite.

La chromodynamique quantique Le modèle des quarks introduit par Gell-Man et Zweig en 1963 permettait d'expliquer l'ensemble des états hadroniques observés à partir de leur structure en trois quarks u, d et s. Cependant pour pouvoir rendre compte de l'observation d'un état lié sss de spin 3/2 (la particule Ω) sans violer le principe d'exclusion de Pauli, il a fallu postuler l'existence d'un nouveau nombre quantique diérenciant chacun des trois quarks s. Ce nombre quantique est appelé charge de couleur (ou couleur) par analogie avec les trois couleurs primaires : rouge, vert et bleu. La conservation de la charge de couleur par l'interaction forte induit l'existence d'une nouvelle symétrie associée au groupe SU(3)c (l'indice c faisant référence à la couleur). Dans cette représentation, chaque quark s'écrit sous la forme d'un triplet de couleur. Pour respecter l'invariance de jauge du Lagrangien sous la symétrie de couleur, des dérivées covariantes sont introduites sous la forme :

Dµ= ∂µ+ igsλaGaµ (4.1)

dans lesquelles interviennent la constante de couplage fort gs, les huits générateurs du groupe SU(3) λa=1...8 (les matrices de Gell-Mann) et les huits champs de jauge Ga

4.1. Le Modèle Standard de la physique des particules 93 de jauge sont associés à des bosons de spin 1 médiateur de l'interaction forte : les gluons. SU(3) étant un groupe non abélien (non commutatif), les gluons vecteurs de l'interaction forte sont eux-même porteurs de la charge de couleur. C'est à dire qu'ils peuvent interagir via l'interaction dont ils sont les médiateurs. Cela se traduit par l'existence de vertex d'auto-interaction à trois et quatres gluons.

Le Lagrangien de la chromodynamique quantique (QCD) s'écrit ainsi : LQCD = ψ(iγ¯ µDµ− m)ψ −1 4G a µνGµνa (4.2) = ψ(iγ¯ µµ− m)ψ + gsψγ¯ µλaψGaµ1 4G a µνGµνa (4.3) avec Gaµν = ∂µGaν− ∂νGaµ− fbcaGbµGcν (4.4) Il se décompose en trois termes, un terme de quarks libres, un terme de couplage entre quarks et gluons et un terme de gluons. C'est dans le terme des gluons (1

4GaµνGµνa ) qu'interviennent les vertex à 3 et 4 gluons.

Au premier ordre la constante de couplage nue de la chromodynamique quantique est (αS)0 = g20

. Après renormalisation de la théorie à une échelle µ2, la constante de couplage pour un moment transféré Q2 peut s'écrire :

αS(Q2) = αS 2) 1 +αS(µ2) b0ln(Qµ22) avec b0 = − 2 3Nf + 11 3 Nc (4.5)

où Nf est le nombre de saveurs : 6 quarks et Nc le nombre de couleurs : 3. La constante de couplage diminue lorsque le moment transféré augmente. C'est à dire que l'interaction entre quarks décroît lorsque la distance entre quark diminue : on parle de liberté asymptotique. On peut dire que la chromodynamique quantique devient une théorie quasi-libre à courte distance. Sa constante de couplage devenant négligeable devant l'unité aux courtes distance, on peut utiliser le développement perturbatif, ce qui n'est pas le cas aux longues distances. Une autre particularité de l'interaction forte, est ce que l'on appelle le connement. Les quarks sont nécessairement connés dans des structures (états liés) neutres vis à vis de la charge de couleur. Les structures hadroniques peuvent être des états liés de 2 quarks de couleur/anti-couleur appelés mésons, et des états liés de 3 quarks (avec trois couleur/anti-couleurs diérentes) appelés baryons. La recherche d'état plus complexe à 5 quarks (les pentaquarks) est encore à l'ordre du jour. Tandis que la production de quarks ou de gluons dans les collisionneurs hadroniques est bien décrite par la chromodynamique quantique non perturbative, l'évolution de ces particules chargées de couleur dans le détecteur fait intervenir la version non perturbative de QCD et nécessite l'introduction de modèles dit d'hadronisation. Lorsque les quarks produits lors des collisions s'éloignent les uns des autres, la constante de couplage qui les relie augmente et par là même leur énergie. Lorsque cette énergie est susante, la création de paires de quarks anti-quarks va permettre de conner les quarks initiaux dans des hadrons.

La théorie électrofaible L'étude des désintégrations β a conduit à l'observation de la vio-lation de parité21. Il en va de même avec la non observation de neutrinos d'hélicité22droite. Pour rendre compte de cette observation, les champs fermioniques de chiralité23 gauche sont

21Invariance sous inversion des coordonnees d'espace Xi→ −Xi

22l'hélicité est la projection du spin ~S sur la direction du moment ~p.

23Un objet ou un système est appelé chiral s'il constitue l'image miroir d'un autre objet ou système avec

regroupés en doublet et les composantes droites en singlet. Un nombre quantique supplémen-taire est introduit, l'isospin faible T égal à 1/2 pour les doublets d'isospin et sa projection T3=±1/2 (T =T3=0 pour les singlets). Le groupe de symétrie associé à la conservation de l'isospin est SU(2)L.

La théorie électrofaible est une théorie quantique des champs uniant l'électromagnétisme et l'interaction faible au sein d'une même théorie inspirée de l'électrodynamique quantique (QED). Le groupe de jauge de cette théorie est SU(2)L⊗ U (1)Y. Le générateur du groupe U (1)Y est l'hypercharge qui est relié à la charge électrique Q et à la troisième composante d'isospin faible par la relation : Q = T3 + Y /2. Le groupe de jauge utilisé dans la QED, U (1)EM est un sous groupe de SU(2)L⊗ U (1)Y.

En imposant l'invariance de jauge du Lagrangien sous SU(2)L⊗ U (1)Y, il est mécessaire d'avoir trois champs Wi

µ associés à SU(2)L et un champ Bµ associé à U(1)Y. Ces bosons associés à l'interaction électrofaible W±,Z et le photon sont décrits par des champs W±

µ,Zµ

et Aµ qui sont des combinaisons linéaires des champs de jauges Wi

µ et Bµ. W±µ = √1 2(W 1 µ∓ iW2 µ) Zµ = cos θWWµ3− sin θWBµ (4.6) Aµ = sin θWWµ3+ cos θWBµ où θW, appelé angle de Weinberg, est l'angle de mélange déni par :

cosθW = p g g02+ g2. La charge électrique est également obtenue :

e = gsinθW.

Dans ce modèle, les bosons médiateurs sont décrits sans masse. Le Lagrangien est de la forme : LEW = ¯ψL(iγµDµL+ ¯ψR(iγµD0µR1 4F a µνFaµν1 4BµνB µν (4.7) avec Dµ = ∂µ+ ig 2τaW a µ+ ig 0 2YLBµ (4.8) Dµ0 = ∂µ+ ig 0 2YLBµ (4.9)

où g et g' sont les constantes de couplages respectives de SU(2)L et U(1)Y et Fa

µν et Bµν

sont les tenseurs des champs de jauge. L'introduction d'un terme de masse explicite du type m2BµBµbriserait l'invariance du Lagrangien sous SU(2)L⊗U (1)Y. Dans le Modèle Standard, ce problème est résolu par l'introduction du mécanisme de Higgs, présenté plus loin.

Le Lagrangien du Modèle Standard Le modèle standard combine la chromodynamique quantique et la théorie électrofaible dans une même théorie. L'ensemble des champs du Modèle Standard ainsi que leurs nombres quantiques associés sont représentés dans la table 4.3. Le groupe de symétrie devient alors SU(3)c⊗SU (2)L⊗U (1)Y. Le Lagrangien du Modèle Standard peut être divisé en plusieurs composantes :

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Generation Nombres quantiques

I II III SU (3)c SU (2)L U (1)Y T T3 Q QiL= uL dL  cL sL  tL bL  3 3 1/6 1/2 +1/2−1/2 +2/3−1/3 uiR= uR cR tR 3 1 2/3 0 0 +2/3 diR= dR sR bR 3 1 -1/3 0 0 -1/3 LiL= eL eL  νµL µL  ντ L τL  1 2 -1/2 1/2 +1/2−1/2 −10 eiR= eR µR τR 1 1 -1 0 0 -1 φ= + φ0  1 2 1/2 1/2 +1/2−1/2 +1 0

Tab. 4.3  Les champs du Modèle Standard et leurs nombres quantiques. T et T3sont l'isospin faible et sa troisième composante, et Q est la charge électrique. Les indices L et R font respectivement référence aux particules gauches et droites.

LM S = Ljauge+ Lmatiere+ LY ukawa+ LHiggs (4.10)

La première partie est le pur Lagrangien de jauge (on parle également de secteur de Yang-Mills) donné par :

Ljauge= 1 2g2 S Tr GµνGµν+ 1 2g2Tr WµνWµν1 2g02Tr BµνBµν (4.11) où Gµν, Wµν et Bµν sont les tenseurs des champs des gluons, de l'interaction faible et de l'hypercharge. Ces termes contiennent l'énergie cinétique des champs de jauge et leur propres interactions.

La Lagrangien de la matière (on parle également de secteur de Dirac) est :

Lmatiere= i ¯QiLDQ/ i L+ i¯uiRDu/ i R+ i ¯diRDd/ i R+ i ¯LiLDL/ i L+ i¯eiRDe/ i R (4.12)

Cette partie contient les termes cinétiques des fermions ainsi que leurs interactions avec les champs de jauge qui sont contenus dans les dérivées covariantes telles que :

/

DQL= γµ(∂µ+ igsGµ+ igWµ+ i1 6g

0

Bµ)QL (4.13)

On voit apparaître dans Ljauge et Lmatiere, les trois couplages gs, g et g0 relatifs aux trois groupes de symétrie. Alors que les deux premiers termes susent à décrire la dynamique des fermions et des bosons de jauge, les deux derniers termes sont introduits par le mécanisme de Higgs et servent à introduire les masses. Le terme LY ukawa (on parle de secteur de Yukawa) décrit le couplage de Yukawa entre les champs fermioniques et le champ de Higss et attribue donc une masse aux fermions. Le dernier terme LHiggsest le terme qui permet d'attribuer des masses aux bosons W± et Z et au boson de Higgs par self-interaction.