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LABORDE. - ÉTUDE SUR LES MATIÈRES TANNOÏDES DU VIN 61

tions, on faisait un second essai sur le vin décoloré par le noir animal. La diffé-rence entre les volumes de permanganate employés était considérée comme correspondant aux matières tannoïdes seulement.

Ce procédé très grossier fut remplacé par la méthode Carpené, visant l'œnota-nin seulement qui était préc\pité par une solution d'acétate de zinc ammoniacal.

Le précipité était récolté, lavé et décomposé par l'acide sulfurique dilué; le tanin mis en liberté était titré à chaud par le permanganate sans addition de carmin d'indigo, ou bien à froid en présence de ce dernier indicateur, comme le préconisait Jean Pi. La méthode Carpené-Jean Pi est devenue officielle en Italie.

En 1891, Carpené proposa un nouveau procédé pour isoler le tanin. Il agitait le vin avec un mélange à volumes égaux d'éther acétique et d'éther sulfurique;

et, après épuisement complet du vin, la solution éthérée était transformée en solu-tion aqueuse par distillasolu-tion des éthers avec de l'eau; on titrait ensuite par le permanganate. Bertoui (1) emploie ce procédé d'extraction, mais il titre la solu-tion aqueuse par une liqueur titrée d'hypochlorite de chaux.

MM. Roos, Giraud et David (2), dans l'analyse des vins de l'Hérault de 1890, dosèrent le tanin seulement. par une méthode volumétrique basée sur l'emploi d'une liqueur tilrée d'acélo-tartrate de plomb ammoniacal. La fin de la précipita-tion de. tanin est indiquée par la méthode à la touche sur papier au sulfure de sodium.

M·. Manceau (3), en 1895, a publié une méthode qui rappelle l'ancien procédé de Hammer pour les solutions des matières tannantes, mais en remplaçant la pou-dre de peau par les cordes de boyaux employées par A. Girard dans son procédé en poids que nous retrouverons ci-dessous. M. Manceau opère de la manière sui-vante: 100 centimètres cubes de vin (s'il s'agit d'un vin pauvre en tanin comme le vin de champagne) sont placés dans un petit flacon bouché à l'émeri avec 1 gramme de cordes de boyaux. Après une semaine à la température de 15° envi-ron, on peut être certain que tout Je tanin est fixé par la corde. On procède alors au titrage à l'aide d'une solution de permanganate dont 1 centimètre cube correspond à O gr. 0002 de gallotanin pur et, en se servant d'une solution sulfu-rique d'indigotine comme indicateur, on fait deux essais, l'un avec le vin pri-mitif et l'autre avec le vin privé de tanin; la différence donne le chiffre cherché.

Ces divers procédés volumétriques donnent des résultats qui expriment l' équi-valence en gallotanin des matières dosées et non le poids vrai de ces matières.

Or, comme la différence entre la nature de l'étalon et celle des matières tannoïdes est énorme, ces méthodes ne sont pas ralionnelles, les poids équiva-lents obtenu~ sont très éloignés des poids vrais, et celle équivalence est variable avec la réaction employée au titrage, comme nous le verrons plus loin.

Procédé A. Gautier (4). - La séparaLion de l'œnotanin de la matière colorante a élé tentée en 1878 par M. A. Gautier de la manière suivante: on sature presque exactement le vin par du carbonate de soude P,t on ajoute 15 % de sel ammoniac qui précipite la matière colorante. Le liquide décoloré est mis à digérer avec du carbonate de cuivre récemment précipité; on décante au bout de deux jours et on lave avec de l'eau chargée de gaz carbonique. Le carbonate cuprique ayant absorbé le tanin est mis en suspension dans l'eau et décomposé par le gaz

sulfhy-(1) Acles du VIe Congrès international de chimie à Rome en 1906, 5e volume.

(2) Journal de pharmacie et de chimie, 15 janvier 1890. . (3) Id., II-18!:fo.

(4) Bulletin de la Société,chimique, t. XXVII, p. 496.

62 J. LABORDE. - ÉTUDE SUR LES MATIÈRES TANNOÏDES DU VIN drique. On porte à 100°, on filtre aussitôt et on évapore la solution presque inco-lore clans le vide. Le résidu est repris par de l'éther el évaporé avec de l'eau sous une cloche rem plie de gaz carbonique et en présence d'acide sulfurique.

L'œnotanin resle comme résidu.

Procéclè Aimé Girard. - Ce procédé déjà ancien (1) fut le premier qui permit de connaitre le poids absolu des matières tann.oïdes du vin considérées en bloc.

Rejetant toutes les méthodes tendant à séparer l'œnotanin de la mat'ière colo-rante. A. Girard in cliqua le procédé suivant, quatre ou cinq cordes de boyaux préparées convenablement, et pesant chacune 1 gramme environ, sont réunies en un faisceau sur lequel l'on prélère 1 gramme de matière pour y doser l'eau.

L~ reste, pesé exactement, est mis à tremper dans de l'eau distillée, pendant quatre à cinq heures. Après gonflement, pn les détord facfüiment à la main et on les immerge dans 100 centimètres cubes de vin étendu d'eau, s'il est très riche en matières tannoïdes. Au bout de quarante-lrnit heures environ, le viu est décol.oré et ne donne plus la réaction du tanin avec les sels de fer. Après plu-sieurs dégor-geages dans l'eau distillée, les cordt>s teintes et tannées sont desséchées d':1.bord à 35-40° dans un vase plat; puis, quand elles ont perdu toute propriété adhésive, on les introduit dans un O.acon qui peut être bouché à l'émeri et dans 1l'>quel on détermine leur dessiccation. On bouche alors le flacon pour éviter l'absorption de l'humidité par les cordes, qui sont très hygroscopiyues, et on pèse. La différence entre le poids primitif des cordes à l'état sec obtenu dans les mêmes conditions et le poids des cordes teintes desséchées donne le poids des matières tannnïdes.

Procédés J. Laborde. - En 1894, dans une étude assez étendue sur le dosage des tanins (2), j'ai indiqué une méthode en poids qui a pour conséquence une mélhode volumétrique tout aussi exacte et qui est basée sur la précipitation de ces matières par l'oxyde de mercure. Pour l'appliquer au vin, on emploie la liqueur mercurique suivante :

Acétate mercurique... . . . 20 grammes Acétate d'ammoniaque. . . . . . .100

Eau, quantité suffisante pour. . . 1 litre

La présence de l'acétate d'ammoniaque dans celle liqueur a pour but d'em-pêcher la précipitation de l'oxyde de mercure par certains acides minéraux ou organiquès du vin. Il n'y a pas à craindre non plus la précipitàtion des matières azotées ou des gommes (3).

Pour procéder à un dosage, on opère de 1a manière suivante avec le vin rouge: on en prend oO centimètres cubes qui sont étendus d'une égale qÙantité d'eau et on sature la plus grande partie de l'acidité avec de l'ar:nmoniaque diluée; on ajoute ensuite 20 centimètres cubes de liqueur acéto-mercurique eton complète le volume à 200 centimètres cubes. Après avoir agité vivement et laissé au repos pendant quelques minutes, on filtre sur un filtre à pli. Le précipité est lavé trois fois avec de l'eau chaude et rassemblé au fond du filtre; puis, à l'aide d'un jet d'eau chaude qui ie détache facilement du papier, on le fait tomber, après avoir percé le filtre, dans une capsule de platine que l'on porte au bain-marie, puis à l' étnve à 10~0

Pendant cette dessiccation à l'étuve, le préoip i lé se décompose partiellement,

(1) Comptes Rendus de l'Académie des sciences, 1882.

(2) .llémoii·es de la ::iociélé des sciences physiques el nalul'elles de Bo1·deau.r:, 1884.

(3) Si le vin contenait exceptionnellement de l'acide pectique et autres mucilages-, on devrait l'en d~barrasser par le chlorure de calcium et une filtration.

J. LABORDE. - ÉTUDE SUR LES MAT1ÈllES TANNOÏDES DU VIN 63 car une partie du mercure se vaporise, de sorte que l'on ne peut compler sur une composition délermin"ée du précipité à l'état suc. Mais le poins de la matière organique peut être obtenu par différence, connaiseant le poids du résidu sec et déterqiinant la quantité de mercure qui reste.

Pour cela, on dissout ce résidu dans la capsule de platine par 20 centimètres cubes d'acide azotique, à chaud; on transvase dans un verre de Bohême et on c.;ontinue de chauffer au bain de sable pour oxyder la matière organique dont on active la deslruction en ajoutant une pincée de chlorate de polasse lorsqu'il ne reste plus que 4 à 5 centimètres cubes d'acide azotique. On ajoute

o

centimètres cubes d'acide chlorhydrique pour chasser les oxyde8 de chlore et les vapeurs nitreuses, on ajoute un peu d'eau, on chauffe encore un moment el ou laisse refroidir.

Le mercure, complètemf'rlt débarrassé de la malière organique et transformé en sel mercurique, est alors dosé par le procédé volumétrique suivant: On salure les acides libres avec de l'ammoniaque, on ajoute à la soiution acide 10 centi-mètres cubes d'acétate d'ammoniaque à 10 % et on acidifie avec 5 centimètres euh% d'acide acétique à 10 % ; la solution est ainsi prête à recevoir la liqueur titrée de protochlorure d'étain que l'on mesure avec la burette graduée. La réaction qui se produit est figurée par l'équation :

2 HgCl2

+

SnC12

=

SnCl-1

+

Hg2012.

Lorsque ·tout le bichlorure de mercure est transformé en protochlorure blanc insoluble, un excès de liqueur d'étain agit sur le sel mercureux et donne du mer-cure réduit qui colore la liqueur en brun. Il suffit de quelques goultes ajoutées en plus pour obtenir une teinte brune légère très sensible qui est l'indice de la fin de ln, réaction.

La liqueur de protochlorure d'étain se prépare en dissolvant 4 grammes d'élain en feuilles dans 25 centimètres cubes d'acide chlorhydrique el étendant à un litre. Elle est li trée à l'aide d'une liqueur de bichlorure de mercure pur à 1 % :

on rn f0nd 1.0 cenlimètres cubes, on ajoute 10 centimètres cubes d'acétate d'am-moniaque à 10 % acidulé par l'acide ·acétique·, on étend à 100 cen limètres P-ubes avec de !"eau distillée et on procède comme ci-dessus. En opérant toujours sur un volume de solution mercurique égal à 1.00 centimèLres cubes et avec une liqueur d'étain correspondant à la coneentration indiquée (1), la correcLion rela-tive à la teinte brune légère est toujours la même, on n'a donc pas à en tenir compte.

Le résultat du dosage du mercure dans le précipité sec est calculé en oxyde de mercure pour être retranché du poids <ie ce précipité. La différence correspond donc à la somme des poids_ de l'œnolanin et de la matière colorante; nous allons voir lout à l'heure comment on peut déterminer le poids de chacun des éléments du mélange.

Je vais indiquer d'abord Ja méthode volumelrique qui conduit très rapidement aux mêmes résultats que la méthode en poids. Elle est d'ailleurs facile à conce-voir. Connaissant la quantité d'oxyde de mercure contenue dans les 20 centimètres cubes de liqueur acéto-mercurique ajoulés à 50 centimètres cubes de vin et la quantité d'oxyde de mercure restant dans le liquide après séparation du précipité,

(1) On sait que l<Js solutions de chlorure stanneux s'oxydent assez facilement à l'air; il faut rlonc les titrer chaque fois au moment de s'en servir.

64 ,J. LABORDE. - ÉTUDE SUR LES MATIÈRES TANNOÏDES DU VIN

la différence donne la quantité retenue par les matières tannoïdes. La pratique de la méthode est la suivante :

Le mélange de vin et de liqueur mercurique, complété exactement à 200 cen-timètres cubes et agité vivement pendant un instant, est versé sur un filtre à pli assez grand pour contenir au moins la moitié du volume du liquide. Ce liquide passe plus ou moins clair au début;· on le repasse sur le filtre, jusqu'à clarification complète que lon obtient assez rapidement.

Dès qÙe l'on a un peu plus de 100 centimètres cubes de liquide filtré (1), on mesure exactement les 100 centimètres cubes et on titre l'oxyde de mercure rrs-tant en ajourrs-tant directement la liqueur titrée de protochlorure d'étain. En mul-tipliant le résultat par 2 on a le chiffre correspondant aux 200 ~entimètres cubes du mélange.

Par conséquent, la différence entre ce poids d'oxyde de mercure et celui qui était contenu dans les 20 centimètres cubes de liqueur acéto-mercurique corres-pond aux 50 centimètres cubes de ,vin employés; on rapporte à un litre en mul-tipliant par 20.

II reste à-savoir maintenant à quel poids de matières tannoïdes correspond ce poids d'oxyde de mercure. La relation est obtenue Bn comparant les résultats trouvés dans le dosage en poids des matières tannoïdes au résultat du dosage volumétrique de l'oxyde de mercure combiné avec ces matières à l'état humide.

Celte comparaison peut être faite pour un assez grand nombre de vins dans le tableau suivant qui donne en outre pour les mêmes vins les résultais de la méthode Aimé Girard.

PROCÉDÉ PROCÉDÉ LABORDE

AIMÉ -GIRARD

- - -

-NATURE DES VŒS Œnotanin :\Iatières Oxyde Rapport et matière tannoïdes de mercure

colorante par litre par litre a

par litre (a, (b) b

Médoc 1891 ... 3sroo 3sr12 3s•·o8 1,01

Médoc 1891 ... 2,10 3,00 3 ,04 0,99

I Graves 1889 ... 2,30 2, 60 2,66 0,97

Yins rouges - 1891. ... 2,55 2,54 2,64 0, 95

de la 1 Côtes 1891 ... 3,85 3,92 3,96 0, 99

Gironde.

-

1890 ... : ... 3,04 4,12 4, 10 1, 01

- 1832 ... 3,78 3,98 3,94 1,02

Palus 1891 ... 3,35 3,72 3,72 1, 00

-

1890 ....... 2-, 90 3,04 3,06 0,99

) Hécault 1890 ...... 1,95 2,12 2,04 1, 04 Vins rouges Algérie 1891 ... 2,15 2,90 2,92 0, 99

divers. E~pa~ne 1891.. ... 4,74 4,80 4,16 1,02

Vm d Herbemont ... 2,36 2,84 2, 80 1, 01

Vin de coupage ......... 2, 00 2,00 2,08 0,96 Vins blancs } Grand vin 1881 ... 0, 80 0,80 0,84 0 l 96

de la - 1891. ... )) û, 10 0,70 1, 00

Gironde. / Ordinaire 1891 ... )) 0, 25 0,26 ~ 0,96 Vins blancs

l

Espagnol · · · )) 0,80 0,82 0,98

d. Turc ... )) 0.55 0.54 1,02

ivers. Allemand ... )) 0,55 0,55 1,00

-(l) Il ne faut pas attendre la filtration complète de 200 centimètres cubes de liquide, car le précipité accumulé sur le filtre _retient un supplément d'oxyde de mercure vers la fin de la filtration.