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1.1. Concept de base de l’évaluation et du zonage de l’aléa à l’échelle du bassin versant

1.1.4. La torrentialité : un phénomène majeur du bassin

Les torrents du bassin de Barcelonnette ont déjà fait l’objet de nombreux travaux pour retracer leurs évolutions depuis 15 000 ans ou pour mieux connaître le fonctionnement de leurs laves torrentielles.

Deux grandes périodes de torrentialité sont reconnues et mises en avant dans les travaux de

Ballandras et Nevière (1991), de Chondroyannis (1992) de Jorda (1980, 1983, 1985, 1992, 1993) et de Miramont (1998). La première période se situe de la fin du Tardiglaciaire (15 000 B.P.) à la fin de la période Atlantique (4700 B.P.), et la seconde au Subboréal (4700-2700 B.P.). Cette seconde période est marquée par une diminution des précipitations et l’instauration d’un climat perturbé (oppositions saisonnières plus tranchées, pluies moins fréquentes mais plus intenses, répartition interannuelle des pluies très inégale). Ces crises de la torrentialité, aux origines bioclimatiques (changement de régimes et fortes irrégularités de précipitations, changement de températures et de végétation) trouvent aussi des explications dans l’influence des sociétés agro-pastorales. Les périodes intermédiaires plus ‘calmes’ s’observent sous la forme de terrasses alluviales et torrentielles emboîtées dans lesquelles des troncs de pins ont été retrouvés et datés, notamment dans le bassin versant du Riou Bourdoux (Jorda, 1993 ; Miramont, 1998).

a. Barrages construits le long du Riou Bourdoux par les services de Restauration des Terrains de Montagnes (Cliché : RTM, 1891). b. Lave torrentielle du 5 août 2003 dans le bassin versant du Faucon (Remaître, 2006). c. Vue sur le bassin de réception du Riou Bourdoux. Les divers appareils torrentiels amont affouillent les flyschs de la nappe de charriage et leur tablier d’éboulis alimentant ainsi les laves torrentielles lors d’épisodes orageux intenses (Cliché : RTM, 1909). d. Photographie du cône de déjection du Riou Bourdoux en 1878, avant la politique de restauration de terrains en Montagne (Cliché : C. Rava, 1878). Le cône est d’une surface approximative de 180 ha pour un bassin de réception d’environ 2000 ha.

Fig. 2.7. Illustrations de l’évolution historique des appareils torrentiels du bassin de Barcelonnette.

Les travaux de Lecarpentier (1963) et ceux plus récents de Remaître et al. (2002, 2005a, 2005b) et Remaître (2006), sont orientés sur l’activité récente des appareils torrentiels et plus précisément sur les laves torrentielles. Les torrents de la vallée de l’Ubaye, malgré un aménagement du RTM

pour en réduire leur activité (Fig. 2.7a), restent actifs et dangereux pour les populations et pour les aménagements comme le prouvent les laves torrentielles du torrent de Faucon de 1996 et 2003 (Fig. 2.7b ; Remaître, 2006). Les torrents les plus actifs sont localisés en rive droite de l’Ubaye avec : le Riou Bourdoux,Sanières,Faucon, l’Abéous, et le Bourget. A eux seuls ils concentrent 72% des évènements du bassin de Barcelonnette depuis 1850 (Remaître, 2006). Outre le climat agressif, l’origine des laves torrentielles dans les torrents du versant Adret est multiple (Remaître, 2006) :

(i) Leurs sources se situent dans les nappes de charriage qui produisent une quantité

de débris non négligeable (Fig. 2.7c) ;

(ii) Ils affouillent majoritairement les éboulis formés dans les flyschs et les calcaires

des nappes de charriage puis les ‘Terres noires’ et les dépôts morainiques contrairement aux torrents du versant Ubac qui ne sont pas connectés au tablier d’éboulis ;

(iii) Leur profil en long est caractérisé par des pentes fortes dans le bassin de

réception ;

(iv) Par leur fort pouvoir érosif (sapement de base), les torrents sont susceptibles de

déstabiliser les formations superficielles le long des berges et ainsi déclencher des

mouvements de versant’ (Lecarpentier, 1963 ; Remaître, 2006). Certains se localisent dans les bassins de réception, d’autres dans la partie médiane le long des berges (Remaître, 2006).

Ainsi, depuis 15 000 ans la torrentialité a largement participé au modelage des versants avec des juxtapositions et des emboîtements de formations superficielles et la construction des cônes de déjection imposants comme ceux du Riou Bourdoux (Fig. 2.7d) ou celui de Faucon. Les formations qui en découlent (alluvions, colluvions formations diverses de pentes) sont souvent difficiles à différencier : les faciès et les caractéristiques géotechniques étant très proches (Remaîtreet al., 2002).

1.1.5. Un contexte climatique particulier

Le climat de la vallée de Barcelonnette est un climat méditerranéen combiné à un climat montagnard (Fig. 2.8). Globalement le régime pluviométrique est sec et les modules annuels s’échelonnent entre 680 et 1100 mm par an22. Les postes situés à l’intérieur du bassin de Barcelonnettetraduisent des ‘vallées sèches intra-alpines’ (Remaître, 2006).

Les caractéristiques du climat méditerranéen se résument par un fort ensoleillement annuel

(+ 2700 h.an-1), une sécheresse estivale, des amplitudes thermiques diurnes marquées, une forte variabilité des précipitations interannuelles (735 ± 400 mm pour 1928-2004). Les précipitations annuelles se concentrent sur quelques jours (103 jours en moyenne, Remaître, 2006). Ainsi, les saisons les plus arrosées sont d’abord l’automne puis le printemps (> 60% des précipitations annuelles), les épisodes pluvieux sont longs. L’hiver et l’été sont plus secs, les précipitations estivales sont liées à des orages intenses et très localisés marqués par une relative sécheresse préalable (Flageollet et al., 1999 ; Remaître, 2000 ; Malet et al., 2001, Remaître, 2006).

Les caractéristiques du climat montagnard sont liées aux faibles températures hivernales

(130 jours de gel par an) et d’importantes précipitations sous forme de neige qui peut demeurer jusqu’au mois de juin. Au poste météorologique de Barcelonnette, la température moyenne annuelle est de 9.5°C pour la période 1928-2004.

22 Les chiffres moyens énoncés sont repris de la thèse de Remaître (2006). Les moyennes sont calculées selon six postes pluviométriques Météo France disponibles. Deux postes sont situés dans l’axe du bassin (Barcelonnette et Jausiers) et quatre postes sont localisés aux alentours immédiats du bassin de Barcelonnette (La Condamine et St-Paul en Haute-Ubaye, Allos dans la vallée du Verdon, Uvernet-Fours dans la vallée du Bachelard).

Enfin, le bassin de Barcelonnette présente des caractéristiques d’un climat continental. Ces caractéristiques sont marquées par des réchauffements diurnes forts, des amplitudes thermiques journalières importantes et de nombreux cycles gel/dégel. Ces différents traits sont particulièrement renforcés par une opposition ‘Adret/Ubac’ et par l’orientation générale du relief (est/ouest, Malet et al., 2003). Ainsi, de cette opposition ressort une persistance du manteau neigeux sur le versant Ubac contrairement au versant Adret, qui est parfois sujet à une fonte très rapide et soudaine, entraînant des apports d’eau considérables vers l’aval (Sivan, 2000).

Fig. 2.8. Diagramme ombrothermique de la station climatique de Barcelonnette (1975-2004 ; d’après

Remaître, 2006).

Ces différents traits climatiques sont favorables aux instabilités gravitaires avec :

(i) Une phase de préparation du matériau pendant les hivers froids et les printemps

humides ;

(ii) Une phase de déclenchement lors des orages estivaux et des précipitations plus

longues d’automne (Maquaire et al., 2003).

Les phénomènes de laves torrentielles correspondent à des orages très localisés (Remaître, 2006). Concernant les ‘mouvements de versant’ stricto sensu, il reste difficile de corréler leur

déclenchement aux moyennes pluviométriques. En effet, dans la majorité des cas il subsiste un

manque de données historiques, notamment sur les dates de déclenchement des évènements (Malet et al., 2006 ; Thiery et al., 2006). Ainsi, pour déterminer les seuils de précipitations nécessaires au déclenchement de différents types de ‘mouvements de versant’, il est nécessaire d’avoir recours à des modèles numériques à base physique prenant en compte les intensités de précipitations et les caractéristiques hydro-géotechniques des phénomènes (Malet et al., 2007). Cette approche est utilisée pour l’étude du déclenchement d’un mouvement de type translationnel dans le bassin de Barcelonnette.

1.1.6. Une occupation du sol marquée par l’empreinte de l’homme

Si le climat particulier de la vallée favorise une végétation étagée, allant de l’étage collinéen à l’étage alpin, l’occupation du sol du bassin de Barcelonnette est marquée par trois traits

principaux : (i) une quasi exclusivité des résineux (pins noirs d’Autriche, pins cembros, mélèzes,

pins à crochets, Arnaud, 2007), (ii) un contraste ‘Adret/Ubac’ fortement marqué et (iii) une

Comme dans beaucoup d’autres bassins montagneux des Alpes-de-Haute-Provence, la végétation est ou a été largement influencée non seulement par le climat mais aussi par le facteur anthropique (Jorda, 1980, 1993). Par exemple, si le début du Subboréal, évoqué précédemment, équivaut à une reprise d’incision synonyme de changement climatique, il traduit aussi le changement de végétation dû à l’intervention anthropique sur le paysage. En effet, les travaux de Jorda (1980, 1992) et Miramont (1998) mettent en évidence des traces d’incendies qui, combinés à l’essartage sur les versants et aux pratiques pastorales, ont fortement contribué à l’augmentation de l’activité torrentielle dans le bassin de Barcelonnette.

Ainsi, depuis l’époque romaine, où l’homme s’installe véritablement, les terres du bassin de Barcelonnetteont été exploitées (notamment les cônes de déjection plus fertiles). Au Moyen Age, une nette croissance de la population produit une intensification de l’activité agro-pastorale et un défrichement généralisé qui sera maximum au début du 19ème s. Cette absence de couverture forestière est en partie responsable d’une recrudescence de l’activité torrentielle (Sivan, 2000). Ainsi, une série de reboisements et de corrections23 des torrents est engagée par les services de RTM (Chondroyannis, 1992 ; Delsigne et al., 2001, Remaître, 2006).

Si l’influence du défrichement est connue sur l’activité torrentielle, qu’en est-il pour les instabilités de versants ? Beaucoup de ‘mouvements de versant’ se situent sous forêts (Weber, 2001) ; et si les arbres ont des effets positifs sur la stabilisation des versants (interception des précipitations, renforcement de la résistance du sol au cisaillement), ils peuvent aussi avoir un effet négatif (augmentation de la capacité d’infiltration du sol, surcharge pour les sols, etc. ; Greenway, 1997). Par conséquent, la cessation de l’exploitation agricole des versants et celle de l’entretien du milieu naturel (recolonisation anarchique, abandon des canaux de drainage, etc.) peuvent constituer des facteurs non négligeables pour le développement des ‘mouvements de versant’ (Augier et Rebmann, 1990).

1.1.7. Les instabilités de versant

Cette présentation générale montre que le bassin de Barcelonnette a largement été modelé par

les glaciers puis par l’activité des torrents et les instabilités gravitaires. Il suffit d’observer la

carte géologique (BRGM, 1974) ou de s’appuyer sur les travaux d’Antoine et al. (1995) pour constater que 21% de la surface de la carte géologique au 1/50 000ème sont affectés par les

instabilités de versant. Si l’on se réfère à cette carte et en ne gardant que le bassin de Barcelonnette

stricto sensu, cette proportion s’élève à 17% du bassin.

En reprenant les travaux de Légier (1977) et de Weber (2001), 66% des mouvements de terrain se sont déclarés au sein des ‘Terres noires’ du Callovo-Oxfordien recouvertes ou non par des formations quaternaires. Les mouvements sont en majorité stabilisés et/ou dormants. Certains secteurs apparaissent comme très actifs comme Bois noir au sud-est de Jausiers ou encore la zone du Riou des Ribes à l’ouest du torrent de Poche (Koehle, 1994 ; Weber, 2001). Deux grandes catégories d’instabilités de versants peuvent y être distinguées : les mouvements ‘profonds’ et les mouvements ‘superficiels’ :

(i) Les mouvements ‘profonds correspondent soit aux glissements-coulées actifs, soit

aux grands mouvements translationnels complexes ou rocheux fossiles. Les glissements-coulées sont représentés par la Valette sur le versant Adret, Poche et Super-Sauze, sur le versant Ubac (Malet, 2003). Ils prennent naissance dans les nappes de charriage ou les marnes noires ainsi que dans la couverture morainique ;

23 Ces travaux ont constitué à reboiser les zones défrichées aux cours des derniers siècles (environ 11 000 ha de terrain ont été reboisés de 1864 à 1950), et à mettre en place puis entretenir un réseau d’ouvrages torrentiels (digues, seuils, canalisations, etc.). Ils sont actuellement à la charge des services du RTM. Pour plus de détail se référer à Remaître (2006).

(ii) Lesmouvements ‘superficiels, plus nombreux, se localisent sur les interfluves et le long des berges. Ils affectent principalement les marnes noires et les dépôts morainiques et/ou détritiques.

Si la carte géologique à l’échelle du 1/50 000ème retranscrit fidèlement les secteurs affectés par ces instabilités de versants passées, il reste difficile de discerner pour chaque phénomène :

(i) Leurs différentes caractéristiques géomorphologiques (état de surface,

caractéristiques morphométriques, intensité, etc.) ;

(ii) Leur typologie (mouvements profonds, superficiels, translationnels, rotationnels,

etc.) ;

(iii) Leur activité (actifs, latents, fossiles).

Les cartes géomorphologiques de Salomé et Beukenkamp (1988), réalisées à l’échelle du

1/25 000ème pour l’ensemble du bassin, ou celles plus locales et levées au 1/10 000ème par Augier et

Rebmann (1990), Koehle (1994), Bossu (1995) ou Quintlé (1995), sont plus détaillées notamment concernant la typologie des ‘mouvements de versant’ et leurs limites spatiales. Ainsi, deux grands

typessont généralement discernés sur ces cartes : les glissements rotationnels et les glissements

translationnels. Toutefois, les levés étant effectués de manière subjective par des méthodes

différentes et à des échelles diverses, des décalages de limites et d’interprétation des phénomènes demeurent (Carrara et al., 1995 ; Wills et Mc Krinck, 2002). Ainsi, sur la figure 2.9, dans le secteur de Bois Noir, quatre cartes levées par quatre personnes distinctes présentent des différences notables de limites et d’interprétations morphologiques.

a. Orthophoto du secteur de Bois Noir (IGN, 2004). b. Carte géologique de Barcelonnette au 1/50 000ème

(BRGM, 1974). c. Carte des ‘mouvements de versant’ levée au 1/25 000ème par analyse de photographies aériennes (Quintlé, 1995). d. Carte géomorphologique levée au 1/25 000ème par analyse de photographies aériennes et observations de terrain (Salomé et Beukenkamp, 1988). e. Carte géomorphologique levée au 1/10 000ème par analyse de photographies aériennes et observations de terrain (Koehle, 1994).

Malgré ces divergences, l’interprétation des facteurs de prédisposition (statiques) et

déclenchants (dynamiques) sont généralement les mêmes suivant les différents travaux. Ainsi,

lorsqu’on met en relation les facteurs de prédisposition et les ‘mouvements de versant’, on retrouve :

(i) Le facteur géologique avec la nature lithologique des terrains et des formations

superficielles et la structure. Ainsi, se distinguent les mouvements se déclenchant

essentiellement dans les marnes noires (la structure interne et minéralogique des marnes étant largement favorables), les mouvements se déclenchant dans la couverture quaternaire ; les mouvements se déclenchant dans les flyschs de l’Autapie recouvertes ou non par une couverture morainique ; et enfin, les mouvements touchant les autres formations charriées (Légier, 1977 ; Weber, 2001). Pour le facteur

structural, beaucoup d’instabilités de versant sont proches des contacts anormaux

entre le soubassement autochtone et les nappes charriées et/ou des failles. Ainsi, les contacts anormaux constituent des plans de discontinuité hydrologiques majeurs

entre des formations perméables (calcaires et flyschs) et des formations imperméables (marnes noires). Enfin, ladiscontinuité entre les formations quaternaires et le substratum ou les plans de schistosité conformes à la pente constituent des plans d’écoulement préférentiels favorisant les surfaces de

rupture ;

(ii) Lefacteur de ‘préparation qui correspond à la phase de préparation des matériaux

par les processus de gel/dégel, de dessiccation/humectation ;

(iii) Le facteur topographique avec une majorité de ‘mouvements de versant’ sur des

pentes moyennes à fortes (> 15°) sur l’ensemble du bassin et une opposition

Adret/Ubac’. Ainsi, 80% des phénomènes sont localisés sur le versant Ubac. Ce

dernier ayant des versants exposés majoritairement vers le nord et l’ouest connaît un ensoleillement plus faible, une humidité plus élevée et un enneigement supérieur au versant Adret. L’infiltration et l’humectation plus longues des formations

quaternaires à forte capacité de rétention favorisent alors les instabilités ;

(iv) Lefacteur ‘fluviatile et torrentiel’ se manifeste essentiellement par sapement basal

qui favorise l’entretien de l’instabilité des berges. Ainsi, une grande partie des petits

‘mouvements de versant’ se localisent le long des berges des torrents ;

(v) Le facteur ‘occupation du sol’ se distingue par une diversité de la couverture végétale des versants affectés par les ‘mouvements de versant’.Ils se déclenchent aussi

bien sous forêts (Bois Noir) que sur les prairies, sur des landes alpines ou sur une

couverture mixte. Pour certains secteurs, surfaces cultivées ou forêts non entretenues

avec canaux de drainage et/ou des systèmes d’irrigation abandonnés, l’écoulement de l’eau dans les formations superficielles est directement à mettre en relation avec certains phénomènes.

Quant aux facteurs déclenchants, ils sont encore mal connus. Ils se résument aux intensités

de précipitations et à leur cumul pré-évènement (Flageolletet al., 1999 ; Malet et al., 2007). Il n’y a

pas de rythmicité définie. Toutefois, l’inventaire historique effectué pour la période 1850-1995 (Amiot et Nexon, 1995) montre que peu de ‘mouvements de versant’ se déclenchent en avril, octobre, novembre et décembre alors qu’un grand nombre est enregistré en mai, août et septembre (Amiot et Nexon, 1995 ; Weber, 2001). Un cumul des précipitations élevé peut suffire au déclenchement de certains types de mouvements (Fig. 2.10a) alors que pour d’autres ce sont

des évènements climatiques exceptionnels qui participent activement à leur déclenchement

a. Précipitations annuelles, moyenne mobile sur 5 ans et enregistrement des glissements de versant. b. Situation type de déclenchement de ‘mouvements de versant’ pour le bassin de Barcelonnette.

Fig. 2.10. Relation entre les ‘mouvements de versant’ et les précipitations (adapté de Malet et al., 2007).

1.2. Le bassin versant du Moulin (Draix) : site d’étude secondaire

Les Bassins Versants Représentatifs Expérimentaux (BVRE) du Cemagref, inscrits dans des

Terres noires’ et marqués par des paysages de ‘badlands’, constituent un site de choix pour

valider les différents travaux menés dans le bassin de Barcelonnette. En effet, les ‘mouvements de

versant’ s’y développant présentent des caractéristiques proches de ceux du bassin de

Barcelonnette (notamment les mouvements banc sur banc aux mêmes facteurs de

prédisposition). Ainsi, les résultats des différents modèles d’analyse spatiale acquis pour le

bassin de Barcelonnette seront transposés sur le bassin versant du Moulin (cf. § 1.2.2) pour les valider.

1.2.1. Contexte général

Situé à 15 Km au nord-est de Digne-les-Bains, les BVREdu Cemagref (le Brusquet,le Francon, le Laval et le Moulin) sont localisés dans la moyenne vallée du Bouinenc. Affluent majeur de la rive gauche de la moyenne Bléone, il prend naissance sur le versant ouest de la Montagne du Cheval Blanc (2323 m) vers 1450 m d’altitude, à la jonction entre la source des Foutounes (1689 m) et les sources du Cheval Blanc (1528 m). Après avoir traversé des couches lithologiques marneuses, marno-calcaires et calcaires, il se jette dans la Bléone à 678 m d’altitude.

a. Vue sur les vestiges de terrasses des torrents de Draix. b. Vue sur le secteur de Draix depuis l’amont du BVRE du Moulin. Les glacis d’accumulation sont attaqués de toute part par l’intense activité érosive au sein des ‘Terres noires’. c. Vestiges de glacis d’accumulation. d. Ravines dans les ’Terres noires’ du BVRE du Laval, surmontées par des restes de formations superficielles allochtones supposées du Pléistocène supérieur.

Fig. 2.11. Morphologie générale des bassins versants de Draix.

De manière générale, les BVRE sont dominés par plusieurs lignes de crêtes. Au nord, une ligne de crête de direction ouest/est qui s’abaisse régulièrement vers l’Ouest. Elle rejoint le sommet du Cheval Blanc au col de la Cèpe (903 m), passe par le sommet de Pompe (1748 m) et la Tête du Laval (1140 m). A l’ouest, domine la crête de la Blache (1263 m), d’orientation nord-est/sud-ouest, entaillée sous la forme d’une gorge par le Bouinenc. Enfin, au Sud, les sommets du Couard (1988 m) et du Cucuyon (1886 m) dominent des vestiges de glacis d’accumulation (Fig. 2.11b et 2.11c), où sont localisés les villages d’Archail ou de Draix.

La structure géologique environnante est complexe et est issue de la mise en place de la nappe de Digne (Haccard et al., 1989). Tout comme dans les autres parties des Préalpes méridionales (Baronnies,Diois, ...), les séries lithologiques du Jurassique et du Crétacé(Fig. 2.12) se caractérisent par des couches marneuses et marno-calcaires issues de la période de sédimentation vocontienne. Les calcaires sont peu représentés, sauf par les calcaires du Lias inférieur, du Tithonique et du Coniacien qui arment la majorité des escarpements et crêtes. Les différentes couches ont subit les nombreuses phases tectoniques ‘Pyrénéo-provençales’ qui se manifestent par des séries de plis et de failles d’axes nord-ouest/sud-est ou nord-est/sud-ouest et la mise en place de la nappe de Digne (Bravardet al., 1987 ; Haccard et al., 1989). Si la structure joue donc un grand rôle sur la formation du paysage, les vestiges de périodes d’accumulation et d’incision du quaternaire, notamment des périodes Pléistocène et Holocène sont tout aussi visibles (Ballais, 1996 ; Thiery, 2000). Ainsi, se juxtaposent d’amont en aval :

(i) Des crêts et des croupes, d’origine structurale et d’axes divers, dégagés dans les calcaires du Tithonique (Barre de Pompe, sommet de Pompe, sommet du Couard) et du Coniacien (Montagne du Cheval Blanc) très résistants à l’érosion (Fig. 2.11c) ;

(ii) Des versants ravinés et de vastes dépressions taillées sous forme de ‘badlands’

dans les couches lithologiques tendres et tectonisées, parfois séparés par des lambeaux de glacis d’accumulation plus ou moins étagés (Figs. 2.11a, 2.11b, 2.11.c ; Thiery, 2000) ;

(iii) Un réseau hydrographique souvent inadapté à la structure laissant supposer son antécédence (Haccard et al., 1989) ainsi que des terrasses étagées et/ou emboîtées qui dominent de quelques mètres les drains principaux.

Le détail de la genèse des paysages dans le Moyen Bouinenc peut être trouvé dans Haccard et al., (1989), Ballais (1996) et Thiery (2000).

Fig. 2.12. Extrait de la carte géomorphologique au 1/10 000ème de la vallée du Bouinenc. L’extrait est centré

sur les bassins versants du Laval et du Moulin (Thiery, 2000).

1.2.2. Le bassin versant du Moulin

En dehors de son intérêt scientifique, le choix de ce site de validation a été guidé (i) par les travaux que j’ai pu y mener en DEA (Thiery, 2000) et par la suite, dans le cadre de plusieurs projets de recherches (PNRH, 2001-203 ; ACI-FNS ECCO, 2003-2005) et (ii) par les travaux précédents menés sur les instabilités gravitaires centrés sur le bassin versant du Moulin