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8. L’HARMONIE DES MÉDIANTES 154

8.1 La théorie 157

Les mouvements de tierces font référence à l’idée de substitution (Caron 2002, p. 58)142. En majeur, le mouvement diatonique de tierce descendante induit le relatif (C – Am) et celui de la tierce ascendante induit le contre relatif (C – Em). En mineur, ces mouvements sont inversés. Le mouvement diatonique de tierce ascendante induit le relatif (Am – C), celui de la tierce descendante induit le contre relatif (Em – C). Les mouvements de tierces se catégorisent en deux groupes, soit les médiantes naturelles et les médiantes chromatiques (Volek 1988). Les médiantes naturelles contiennent deux notes communes de l’accord auquel elles sont subordonnées et mettent en lumière le relatif et le contre relatif du ton. Elles sont mineures quand l’accord auquel elles sont subordonnées est majeur et majeures quand l’accord à laquelle elles sont subordonnées est mineur. Les médiantes chromatiques se subdivisent en deux familles distinctes. La première famille incorpore les médiantes qui ont une note commune et une fausse relation chromatique. Précisons que l’expression fausse relation chromatique utilisée dans le cadre de l’harmonie des médiantes se produit lorsque dans la même voix ou entre deux voix « l’altération d’une note n’est pas la même entre les deux accords » (Caron 2001).

142 « Dans ce cas, la cadence se produit sur le troisième degré avec une tierce majeure, étrangère au ton initial […] Le

troisième degré joue alors un rôle de substitut de V […] Ajoutons que, dans le contexte de l’évolution du langage fauréen, l’emploi cadentiel du troisiéme degré traduit l’importance croissante de l’harmonie des médiantes » (Caron 2002, p. 58)

Exemple 57 : G. Fauré, « Automne », mes. 15-16. Fausse relation chromatique dans une même

Exemple 58 : G. Fauré, « Le Parfum impérissable », mes. 7-8. Fausse relation chromatique dans

des voix différentes

Si les fausses relations chromatiques sont généralement à éviter dans l’harmonie de la common practice (sauf en certaines occasions), celles-ci font partie intégrante de la grammaire harmonique des médiantes. Les médiantes chromatiques de la première famille sont majeures quand l’accord auquel elles sont subordonnées est majeur et mineures quand l’accord auquel elles sont subordonnées est mineur. La deuxième famille ne comporte aucune note commune et deux fausses relations chromatiques. Ces médiantes sont mineures quand l’accord auquel elles sont subordonnées est majeur et majeur quand l’accord auquel elles sont subordonnées est mineur

Tableau 7 : Tableau des types de médiantes

Le rôle de l’harmonie des médiantes se décline sous plusieurs formes. D’un point de vue macroscopique, l’harmonie des médiantes joue un rôle structurel et d’un point de vue microscopique, elle joue un rôle prolongationnel. Par exemple, le parcours tonal modulant de la mélodie « Chant d’automne » se déploie par médiantes.

Tableau 8 : G. Fauré, « Chant d’automne », plan des zones tonales. Mes.1-9 9-15 15-18 19-20 21-22 23-28 28-31 La m Mi min Sol M La m Si m Mi m La m Zone du ton principal Modulation dominante mineure Zone Médiante de la dominante Marche harmonique IV/IV – IV - V R 1 IV/IV – IV - V modulation dominante mineure Modulation Retour au ton principal I = IV IV = II I = IV/IV VI = III V/IV = V I = III (en FaM)

L’harmonie des médiantes peut induire le concept de la division égale de l’octave, soit par saut de tierces mineures ou majeures. Le même principe peut aussi articuler un parcours harmonique symétrique par saut de tierces mineures ou majeures.

Mes. 31-40 40-48 48-56 57-77

FaM Do M La m La M

Zone tonale de sous- médiante Zone tonale de médiante Ped. de dominante cadentielle

Zone tonique majeure

Exemple 59 : G. Fauré, Nocturne No 13, mes 55 – 59. Parcours tonal par division égale de

l’octave143.

Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’harmonie des médiantes fait référence à l’idée de relatif (sous-médiante) et de contre-relatif (médiante). Aussi, ce type d’harmonisation joue un rôle de médiation entre les grandes fonctions tonale T – SD – D. Si le relatif de T correspond au contre-relatif de SD, le contre-relatif de T correspond, quant à lui, au relatif de D. « Les médiantes sont peut-être à mi-chemin entre la tonique et sa quinte, mais, comme nous l’avons déjà proposé, en passant de I à III ou iii majeur spécifique, cette triade tertiaire sur la médiante devient un médiateur, un stade intermédiaire entre la tonique et une autre harmonie ailleurs » (Tagg 2014, 442), soutient Philip Tagg à propos du rôle de l’harmonie des médiantes144. Par ailleurs, comme le préconise Jaroslav Volek, les médiantes peuvent aussi jouer un rôle fonctionnel et structurant. Lors de la mise en place de geste cadentiels, les médiantes peuvent agir dans la préparation à la cadence comme dans la cadence récurrente III – V – I qui caractérise

143 Reproduction de l’analyse de Caron (Caron 2002, p. 70)

144 Mediant may be midway between a tonic and its fifth but, as already suggested, by moving I to a major key specific

III or iii, that tertial triad on the mediant becomes a mediator, an intermediary step between the tonic and another harmony elsewhere.

l’époque post-romantique. Dans le domaine de la musique populaire, le musicologue Philipp Tagg fait état de plusieurs gestes cadentiels impliquant les médiantes comme la cadence dorienne i – bIII – IV – i (Tagg 2014, p. 437‑438).

Cependant, le mouvement de tierces n’induit pas nécessairement un changement de fonction tonale, mais plutôt un procédé transformationnel qui prolonge une fonction tonale en particulier par le truchement de procédés de substitution plus ou moins complexes. Le mouvement de tierce constitue l’ingrédient de base qui articule le discours transformationnel. Toutes les théories sur l’harmonie des médiantes évoquées précédemment ont pour but de rendre compte du parcours évolutif de l’accord initial d’un point de vue microscopique ou d’une tonalité principale d’un point de vue macroscopique. Si le système néo-riemannien rend bien compte des procédés transformationnels des accords de triades à deux notes communes, force est de constater que lorsque les accords sont plus éloignés, l’agrégat des lettres requises afin de décrire la transformation rend l’analyse laborieuse et tarabiscotée. De plus, ce modèle conceptuel de base ne s’applique pas aux accords à quatre sons qui ont une incidence importante dans l’analyse du corpus fauréen.

Dans ce chapitre, nous présentons un modèle conceptuel qui rend compte de certains parcours transformationnels particuliers étudiés dans le répertoire de Fauré et de Portishead. Ce modèle se veut simple et efficace. Il est élaboré par la fusion de plusieurs modèles de la théorie néo-riemannienne déjà existants. De plus, il est bonifié par quelques éléments mis de l’avant afin de rendre compte de phénomènes qui n’ont pas encore été modélisés. Par exemple, ce modèle tente de circonscrire le parcours transformationnel généré par les accords à quatre voix. Le modèle transformationnel que nous avons élaboré fusionne les conceptualisations néo- riemanniennes de Richard Cohn (Cohn 1996), Brian Hyer (Hyer 1995), David Lewin (Lewin 1982) ainsi que celle de Adrian P. Childs (Childs 1998) qui défend un nouveau modèle transformationnel concernant les accords septième de dominante de même que septième mineure et quinte diminuée. Notre contribution consiste à bonifier le modèle transformationnel à quatre voix afin de rendre compte des interrelations qui n’ont pas été étudiées dans le modèle de Adrian P. Childs.

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