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2.4 Techniques de caractérisation

2.4.1 Les caractérisations chimiques fines de surface

2.4.1.1 La spectroscopie de photoélectrons X ou XPS

Cette technique permet l’obtention d’informations chimiques d’extrême surface (sur une épaisseur inférieure ou égale à 10 nm). Elle est, de plus, non destructive et permet l’obtention de données quantitatives. L’XPS (pour X-ray Photoelectron Spectroscopy), ou ESCA (Electron Spectroscopy fo Chemical Analysis), a été mis au point dans les années 1960 à Uppsala en Suède dans l’équipe de Kai SIEGBAHN, ce qui lui valut le prix Nobel de physique en 19811.

Principe de l’XPS

Cette technique repose sur une interaction rayonnement-matière. A l’aide d’une source de rayons X monochromatisée (cathode en aluminium, AlKα = 1486,6 eV dans notre cas), la surface de l’échantillon à analyser est irradiée. Il en résulte, entre autre, l’émission d’électrons de la surface, appelés photoélectrons, dont l’énergie cinétique va pouvoir être mesurée grâce à un analyseur et un détecteur (Figure 2.4). D’après la loi de conservation de l’énergie, on peut alors écrire :

2.4. TECHNIQUES DE CARACTÉRISATION

Figure 2.4 – Principe général de l’XPS par le schéma de répartition des énergies dans l’échantillon et dans le spectromètre, l’énergie de liaison étant référencée par rapport au niveau de Fermi. (B. V. = bande de valence, B. C. = bande de conduction)

Etot = hνRX = EC + ElF(ndl) + φspectro (2.1)

Avec hνRX l’énergie connue du rayonnement X, EC l’énergie cinétique détectée du photoélectron, ElF(ndl) l’énergie de liaison de l’électron initial dans l’orbitale ndl et φspectro le travail de sortie des électrons du spectromètre utilisé (non montré sur la figure). Dans le cadre de cette étude, ce travail de sortie a été fréquemment mesuré grâce à un étalon d’or (EF

l (Au 4f7/2) = 84,0 eV) et sa valeur est de 4,3 eV. Il va donc être aisé de remonter à l’énergie de liaison de l’électron à la surface du matériau, et cette énergie est caractéristique de l’élément auquel l’électron appartient et de son environnement chimique (degré d’oxydation et liaison chimique).

Aspects qualitatifs de l’XPS

L’observation simple d’un spectre général, où l’on va balayer une grande gamme d’énergies cinétiques, et donc aussi d’énergies de liaisons des électrons, permet l’obtention

Figure 2.5 – Exemple d’un spectre général et d’un spectre à haute résolution en énergie (Al 2p) obtenus par XPS sur un échantillon d’aluminium pur poli miroir

des éléments constitutifs de la surface. Par exemple, pour un échantillon d’aluminium pur juste poli, on détecte 3 éléments chimiques : l’aluminium, l’oxygène et le carbone (Figure 2.5 spectre général). Plusieurs aspects des spectres XPS généraux peuvent être

observés sur cette figure :

– Le bruit de fond est continu sur tout le domaine d’énergie. Un certain nombre de photoélectrons vont subir des collisions inélastiques au cours de leur remontée à la surface de l’échantillon et donc perdre de l’énergie.

– Les déplacements chimiques qui permettent de déterminer l’environnement chi-mique des atomes dont l’électron est issu. Lorsque deux atomes sont en liaison chimique, ils mettent en commun leurs électrons de valence. Les électrons de cœur qui vont être émis vont alors traverser la barrière de potentiel constituée par les électrons de valence et leur énergie va être modifiée. Pour la plupart des éléments, plus le degré d’oxydation d’un élément va être important, plus cette barrière sera grande et donc les photoélectrons sortiront avec une énergie cinétique plus faible (i.e. une énergie de liaison plus importante). Il est donc par exemple possible de

distinguer un métal de son oxyde.

– Les spectres XPS peuvent s’avérer très complexes de par la diversité des structures secondaires qu’ils peuvent avoir :

• On peut voir ici la désexcitation par émission d’électrons Auger : lors du pro-cessus de photoémission, l’atome photoionisé possède une lacune électronique

2.4. TECHNIQUES DE CARACTÉRISATION

dans un niveau de cœur. Cette lacune peut être comblée par un électron d’une énergie supérieure. Lors de la désexcitation, l’énergie libérée peut être émise sous forme de photons (fluorescence) ou alors peut servir à éjecter un autre électron de cœur : il s’agit de l’électron Auger.

• Les pertes d’énergies discrètes par excitation de plasmon : Lorsque la surface a un caractère métallique, une partie de l’énergie cinétique du photoélectron peut servir à l’excitation des électrons de conduction. Cette excitation collective d’électrons de conduction engendre des pics satellites appelés plasmons.

Dès lors, il est possible d’ajuster l’énergie de passage de l’analyseur dans le but d’augmenter la résolution en énergie. Ainsi, il est possible de mesurer le spectre de cœur Al 2p de l’aluminium à haute résolution comme le montre la Figure 2.5 Al 2p. Il est alors aisé de décomposer le spectre de l’aluminium en sa composante correspondant à l’aluminium métallique et sa composante correspondant à l’aluminium oxydé AlIII.

Enfin, les niveaux de cœur des différents éléments se décomposent en utilisant le couplage spin-orbite. Toutes les orbitales atomiques peuvent s’écrire selon la nomen-clature nlj avec n le nombre quantique principal, l le nombre quantique secondaire et j le moment angulaire de spin. Dès que l≥1 (toutes les orbitales sauf les s), les photoélectrons issus de ces orbitales peuvent donner des doublets ayant des énergies de liaison différentes et dont l’écart est indépendant de la matrice dans lequel l’élément se trouve. Le rapport des aires du doublet est aussi un paramètre fixe qui dépend de la dégénérescence de chaque état de spin. Par exemple, pour le niveau de cœur 2p, où n=2 et l=1, j sera égal à 12 ou 32. Le ratio des aires correspondant aux deux spins (2p1/2 et 2p3/2) sera 1:2 correspondant à 2 électrons dans l’orbitale 2p1/2 et à 4 électrons dans l’orbitale 2p3/22. Ces ratios ont été pris en compte dans le fit des énergies des orbitales p d et f, et sont indiqués dans le Tableau 2.6.

2. L’aluminium est un cas particulier car le couplage spin-orbite de l’orbitale 2p n’est pas évident sur le spectre. C’est pour cette raison que l’intensité totale du pic correspondant à l’orbitale 2p est utilisée de façon classique.

Orbitales Atomiques Valeurs de j Ratio des Aires s 1 2 n.a. p 1 2;32 1:2 d 3 2;52 2:3 f 5 2;72 3:4

TABLEAU 2.6 – Ratio des aires en fonction des valeurs de moment angulaire de spin pour les différentes orbitales atomiques

Par exemple, pour le zirconium, le niveau de coeur le plus intense est l’orbitale Zr3d, qui forme un doublet (3d3/2 et 3d5/2) ayant un écart en énergie de liaison égal à 2,43 eV et un ratio d’intensité 2:3.

Expression de l’intensité des signaux : aspects quantitatifs

Une fois décomposé, le spectre XPS peut être traité quantitativement. L’intensité de chaque pic (proportionnelle à l’aire sous la courbe) est reliée à la quantité d’éléments émetteurs selon une loi de type Beer-Lambert. Plus précisément, l’intensité des photo-électrons émis par un élément A dans une matrice AB à une profondeur z, notée IA

AB est donnée par :

IABA (z) = k.T (EC).σA. z Z 0 DAAB(z). exp −z λA AB. sin(θ) ! dz (2.2) Avec :

– k : une constante liée à l’appareillage utilisé qui inclut le flux de photons, l’aire de l’échantillon analysée (environ 0,2 mm2) et le rendement du détecteur,

– T(EC) : facteur de transmission de l’analyseur (dépendant de l’énergie cinétique du photoélectron analysé),

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– σA : La section efficace de photoionisation pour l’élément A. Elle correspond à la probabilité d’émettre un photoélectron à partir d’une orbitale d’un atome lorsqu’il est irradié par un photon d’énergie hν. Les calculs ont été réalisés avec les valeurs de sections efficaces théoriques calculées par Scofield [104],

– DA

AB(z) : la densité de l’élément A dans la matrice AB à la profondeur z, – λA

AB : le libre parcours moyen inélastique des électrons de l’élément A dans la matrice AB. Il correspond à la distance moyenne parcourue par l’électron entre deux chocs inélastiques. La méthode Tanuma, Powell et Penn appelée TPP-2M [105] a été utilisée pour estimer les valeurs, grâce au programme QUASES-IMFP-TPP2M, sauf pour l’aluminium où les valeurs ont été adaptées de Marcus et al. [106],

– θ : l’angle de détection des photoélectrons par rapport à la surface. Il est, dans l’ensemble des études, égal à 90° donc le sin(θ) est égal à 1.

L’intégration de l’équation 2.2 se fait selon un modèle représentant la surface étudiée. Dans cette thèse, la couche TCP est approximativement considérée comme homogène sur ses premiers nanomètres et d’une épaisseur “infinie" pour l’XPS, c’est-à-dire beaucoup plus grande que le libre parcours moyen inélastique des électrons dans la couche TCP. En effet, on peut voir que l’intensité du signal est proportionnelle à exp−dλ , donc 95% du signal provient d’une profondeur inférieure ou égale à 3λ ; or ici, 3λ quel que soit l’élément choisi, ne dépasse pas 10 nm, et la couche a une épaisseur d’environ 100 nm, d’où la notion d’épaisseur “infinie” des couches TCP pour l’XPS.

Dès lors, en intégrant entre 0 et ∞, l’intensité de l’élément A émise par une matrice AB homogène devient :

IABA = k.T (EC).σA.DABA AAB (2.3)

Appareillage XPS et paramètres expérimentaux

Le spectroscope utilisé est un ESCALAB© 250 de la société Thermo Electron. Il est équipé de 3 chambres principales (Figure 2.6) :

Figure 2.6 – Photo du spectroscope ESCALAB© 250

– un sas d’introduction qui permet le passage rapide de la pression atmosphérique à une pression de 10−3 mbar,

– une chambre de préparation qui permet de décaper ou de chauffer l’échantillon et d’un LEED (Low Energy Electron Diffraction, non utilisé au cours de cette étude). La pression y est d’environ 10−8 à 10−9 mbar,

– une chambre d’analyse où l’analyse a lieu et où la pression est de 10−9 mbar à 10−10 mbar

La source utilisée est la raie monochromatisée Kα émise par une anode en aluminium, d’une longueur d’onde ≈ 0,834 Å et donc d’une énergie E(AlKα) = hν = 1486,6 eV . Les spectres généraux ont été enregistrés avec une énergie de passage de 100 eV et un pas de 1 eV, les niveaux de coeur sont enregistrés avec une énergie de passage de 20 eV et un pas de 0,1 eV. Les données ont été traitées avec le logiciel Avantage©de Thermo Electron en utilisant un bruit de fond de type Shirley, les pics sont formés avec un ratio Lorentzien/Gaussien de 30/70. Enfin, la correction des effets de charge est aujourd’hui encore compliquée. Les niveaux de coeur des différents composés ne subissent pas le même effet de charge car ils se trouvent à des altitudes différentes sur la surface. Quand une détermination chimique a été réalisée, les spectres ont été calibrés grâce à l’énergie du carbone C 1s de contamination, qui a une énergie de liaison de 285±0,2 eV, mais

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cela ne permet pas d’ôter toute incertitude sur la position précise en énergie de certains éléments.

2.4.1.2 La spectrométrie de masse d’ions secondaires à temps de vol ou