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La spectrométrie de masse à haute résolution 2.4

Depuis une dizaine d’années des spectromètres de masse à haute-résolution (high- resolution mass spectrometer, HRMS) disposant d’analyseurs capables d’avoir accès à la masse exacte comme le spectromètre de masse à temps de vol (time of flight, TOF) ou encore les Orbitrap sont devenus plus accessibles. Les HRMS étaient dans un premier temps utilisés principalement dans un but qualitatif, mais sont maintenant aussi utilisés pour quantifier des contaminants organiques grâce à l’apparition de systèmes hybrides dotés d’un quadripôle. On compare souvent la performance des analyseurs par leurs pouvoirs de résolution qui est définie par la capacité à fournir des signaux qu’on peut distinguer pour deux pics de masses voisines (m1 et m2). Il ne faut pas confondre la résolution avec le pouvoir de résolution. La résolution

est la plus petite différence de masse entre deux pics de masses proches définies par δm = m2 –

m1. Le pouvoir de résolution RP se calcule par RP = m/δm, avec m la masse du second pic et

δm la plus petite différence de masse pour deux pics résolus. On admet que deux pics sont résolus quand l’intensité de la vallée entre ces pics égale 10% du pic le plus faible. Plusieurs appellations du pouvoir de résolution sont disponibles dans la littérature, notamment le pouvoir de résolution RPà full width at half maximum (FWHM) qui mesure δm50% à la moitié d’un pic résolu [158, 159, 168, 180]. C’est l’appellation que nous utiliserons dans ce manuscrit. Ainsi, l’habilité à distinguer des ions de composition élémentaire différente ayant des masses moléculaires très proches est déterminée par le pouvoir de résolution. Des pouvoirs de résolution importants sont donc nécessaires pour pouvoir distinguer des pics de masse très proches [158, 168, 180]. On estime qu’un spectromètre de masse est considéré à haute résolution si son pouvoir de résolution RP > 10 000 (FWHM à m/z 200). Alors que les spectromètres de masse quadripolaire les plus efficaces sont capables d’atteindre un pouvoir de résolution autour de 1 000 (FWHM à m/z 200), un TOF pourra atteindre un pouvoir de résolution de 60 000 (FWHM à m/z 200) et un appareil doté d’un analyseur Orbitrap peut atteindre un pouvoir de résolution jusqu’à 600 000 (FWHM à m/z 200) [180-182].

Les HRMS permettent une mesure précise des masses moléculaires ou masses mono- isotopiques. Une grande précision est alors nécessaire pour mesurer une masse avec justesse. La précision sur la masse mesurée par une valeur d’erreur mesurée en partie par million (ppm). Il s’agit en fait d’une comparaison de la masse exacte mesurée (Masseexp) et de la

masse exacte théorique (Masseth) de la molécule étudiée. On la calcule avec la formule

suivante :

Erreur (ppm) = Masseth- Masseexp Masseth

× 106

Une tolérance d’une erreur de 5 ppm maximum a été utilisée pour nos analyses par spectrométrie de masse à haute résolution ce qui permet d’acquérir une certaine spécificité dans nos analyses [183].

L’utilisation de la spectrométrie de masse à haute résolution dans le domaine environnemental comporte plusieurs avantages. Tout d’abord, son utilisation pour quantifier des contaminants organiques est intéressante puisqu’elle permet d’éviter des faux positifs provenant de composés isobares que le triple quadripôle n’est parfois pas capable de résoudre. Son utilisation en mode FS permet par ailleurs de balayer de larges plages de masse autant dans un but qualitatif que quantitatif avec la possibilité d’une analyse rétrospective. Enfin, avec l’aide d’un logiciel adapté au traitement des données générées par le spectromètre de masse à haute résolution, une recherche de contaminants non ciblée est possible.

L’Orbitrap

2.4.5

L’Orbitrap correspond à l’analyseur d’un HRMS basé sur un concept inventé par Alexander Makarov [184]. La Figure 2-8 montre une vue en coupe de cette trappe. L’Orbitrap est constitué d’une électrode extérieure en forme de tonneau et d’une électrode centrale en forme de fuseau. Les ions sont injectés perpendiculairement à l’électrode interne par un petit interstice situé dans l’électrode extérieure. Une tension continue est appliquée entre les deux électrodes axiales. Les ions présents entre les deux électrodes se mettent alors à tourner selon une trajectoire elliptique d’un rayon r autour de l’électrode centrale tout en oscillant latéralement dans un mouvement périodique de va-et-vient le long de l’axe z ainsi leur

trajectoire dans l’espace ressemble à une hélice [182, 183]. Les oscillations axiales des ions dans la direction z dépendent seulement du rapport m/z en amplitude et en fréquence et pas de l’énergie cinétique des ions injectés, cette particularité donne un mouvement d’ion cohérent [182, 183]. Par ailleurs, les ions arrivent entre les deux électrodes par paquet d’ions d’une même masse avec quelques nanosecondes de différence. Cette différence de temps d’injection permet de donner un mouvement cohérent aux ions d’une même masse et de réduire l’effet de charge d’espace [183]. Cette cohérence procure une détection sensible et donne accès à la haute résolution, par ailleurs, les ions dont le mouvement n’est pas cohérent autour de l’électrode centrale ne donnent pratiquement pas de bruit de fond [183]. Le courant induit par les oscillations de ces ions est mesuré de manière différentielle entre les deux électrodes puis amplifié et enfin converti par la méthode de la transformée de Fourier en fréquence. On déduit ensuite la masse et l’intensité correspondantes qui constituent le spectre de masse [168, 180, 183].

Figure 2-8. Schéma de l’Orbitrap selon une coupe axiale adapté de Thermo Fisher Scientific. L’Orbitrap est très utilisé dans les domaines de la protéomique et de la métabolomique. Il permet aussi de faire du dépistage de plusieurs centaines de contaminants grâce à la possibilité de balayer de larges plages de masse en mode FS ce qui est très utile pour la recherche de composés. Hurtaud-Pessel et al. ont utilisé l’Orbitrap couplé à la chromatographie liquide pour faire le dépistage non ciblé des antibiotiques vétérinaires

présents dans la viande de porc. Ils ont trouvé 63 antibiotiques ayant des m/z compris entre 215 et 1042 ainsi que plusieurs produits de dégradation dans leurs échantillons [185]. Ces appareils ne peuvent toutefois pas limiter la plage de masse analysée et ne disposent pas de système permettant une fragmentation. Le développement de spectromètre de masse à haute résolution hybride disposant d’un quadripôle en amont de l’analyseur et d’une cellule de collision permettant de faire la fragmentation des ions a permis d’étendre les possibilités d’analyse avec ces types d’appareils.

Le Q-Exactive

2.4.6

Le Q-Exactive est un HRMS hybride produit par la compagnie Thermo Fisher Scientificdoté d’un quadripôle avant l’Orbitrap et d’une cellule de collision. Cet appareil très polyvalent qui peut aussi bien être utilisé pour l’identification et la caractérisation de grosse molécule que pour la quantification de petites molécules [186]. Un schéma du Q-Exactive est présenté à la Figure 2-9 décrivant les différentes parties de ce spectromètre de masse. Après ionisation, les ions vont être dirigés vers le S-Lens constitué d’une série de lentilles qui va accélérer et transmettre les ions dans le système. Le S-Lens va augmenter la quantité d’ions transmis dans le spectromètre de masse comparé au système précédent et permettre une plus grande sensibilité. Ce faisceau d’ions est ensuite dirigé vers le quadripôle par l’intermédiaire du flatapôle. Le quadripôle va filtrer le faisceau d’ions pour obtenir la gamme de masse désirée ou sélectionner un ou plusieurs ions en particulier. Ces ions vont ensuite être accumulés dans une trappe d’accumulation, la C-Trap ou être fragmentés dans la cellule de collision avant analyse par l’Orbitrap. La possibilité de filtrer et de fragmenter les ions pour former des ions produits avant leur analyse par l’Orbitrap est un fonctionnement comparable à celui du triple quadripôle avec toutefois des différences. Le Q-Exactive donne accès à la masse exacte par l’intermédiaire de l’Orbitrap et accumule les ions par l’intermédiaire de la C- Trap avant analyse contrairement au triple quadripôle qui fonctionne en continu [186, 187]. En ce qui concerne les spécifications techniques, le Q-Exactive a un pouvoir de résolution allant de 17 500 à 140 000 (FWHM à m/z 200) et une gamme de masse pouvant atteindre m/z 6 000.

Figure 2-9. Schéma du Q-Exactive adapté de Thermo Fisher Scientific.

Plusieurs modes d’acquisitions disponibles sur le Q-Exactive sont comparables avec ceux utilisées sur un triple quadripôle et peuvent être utilisées en fonction du type d’analyse recherché [188]. Le mode FS permet de balayer de larges gammes de masses sélectionnées par le quadripôle. Ce mode peut être aussi bien utilisé dans un but qualitatif que quantitatif et donne une grande quantité d’information sur l’échantillon analysé. Le quadripôle peut aussi sélectionner plusieurs ions spécifiques et les accumuler dans la C-Trap avant analyse par l’Orbitrap pour avoir accès au mode SIM dans un but quantitatif. L’expérience MS/MS appelée suivi des réactions de fragmentation parallèle (parallel reaction monitoring, PRM) est aussi possible en sélectionnant les ions désirés avec le quadripôle et en les fragmentant dans la cellule de collision pour analyser les ions fragments avec l’Orbitrap. Fedorova et al. ont fait l’analyse de plusieurs drogues d’abus présentes dans les eaux usées avec ce mode et ont obtenu des limites de quantification comprises entre 1,5 et 11 ng L-1 [189]. C’est ce mode d’analyse qui a été utilisé pour quantifier les antibiotiques vétérinaires dans notre étude pour sa spécificité et sa capacité à filtrer une grande partie des composés interférant par l’intermédiaire du quadripôle. Le mode FS a été plus utilisé dans un but qualitatif, mais il peut aussi être utilisé pour quantifier les contaminants. L’identification de contaminants notamment

des métabolites des antibiotiques vétérinaires a été réalisée en utilisant le mode d’acquisition par données dépendantes (data-dependantacquisition, DDA) couplé au mode FS qui consiste à balayer une large plage de masse et de fragmenter tous les ions (ou certains préalablement choisis dans une liste) ayant une intensité supérieure à un seuil choisi. Ce mode peut être très utile pour confirmer la présence d’un contaminant par comparaison du patron de fragmentation obtenu dans un échantillon avec celui obtenu un standard. Wang et al. ont identifié et quantifié 451 résidus de pesticides présents sur des fruits en utilisant ce mode d’analyse [190]. Par ailleurs avec l’aide d’un logiciel adapté à la recherche non ciblée et d’une base de données, les données du mode FS peuvent permettre de faire un dépistage non ciblé de contaminants en reliant la masse exacte mesurée à une structure moléculaire [190]. Weiss et al. ont utilisé ce principe pour identifier huit composés non identifiés provenant d’un essai biologique [191]. Finalement, le Q-Exactive est un outil analytique intéressant pour l’analyse environnementale permettant aussi bien la quantification de contaminants organiques, l’identification et la recherche d’inconnus ou de métabolites.

Problématiques et objectifs des travaux de recherche