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Chapitre I – Etude bibliographique

3. La spéciation des métaux en solution-biodisponibilité/toxicité

des environnements sédimentaires. Il n'est donc pas impossible que dans certaines conditions les isotopes stables du Cu puissent être utilisés seuls ou en combinaison avec d'autres isotopes stables pour en tracer les sources.

El Azzi et al. (2013) et d’autres auteurs en archéologie (Klein et al. 2004 ; 2010) ont en revanche conclu que les δ65

Cu obtenus dans différents sols contaminés ne varient pas assez pour permettre l’identification des sources. Markl et al. (2006) concluent également que les isotopes du cuivre ne peuvent être utilisés facilement pour déterminer des sources spécifiques de cuivre aussi bien en géologie, en biologie ou en archéologie.

L’ensemble des études sur l’isotopie du cuivre montrent bien la difficulté d’interpréter une signature isotopique naturelle. En effet, bien que de nombreuses études aient été réalisées en laboratoire sur des minerais de cuivre ou dans le but de décrire des processus majeurs, la succession de processus dans le cycle du Cu dans l’environnement rend les interprétations hasardeuses. De ce fait, des réservoirs comme la biomasse, les activités anthropiques ainsi que de nombreux processus biologiques ou aux interfaces restent à caractériser.

3. La spéciation des métaux en solution-biodisponibilité/toxicité

3.1 Définition

Dans les eaux naturelles, les métaux en solution existent sous différentes formes chimiques ou espèces (ions libres hydratés, complexes avec des ligands organiques, inorganiques). L'ensemble de ces formes spécifiques constitue la spéciation de cet élément (Templeton et al. 2000). Ce n'est pas la concentration totale d'un métal mais celle de ses formes spécifiques, qui contrôle la réactivité et la biodisponibilité/toxicité d'un métal dans les eaux.

Concernant la biodisponibilité/toxicité, c'est généralement la concentration du métal libre sous sa forme ionique qui détermine la toxicité/biodisponibilité, du moins pour les espèces phytoplanctoniques (Morel et al. 1978; Sunda 1989).

3.2 Modélisation de la spéciation

Il existe de nombreux codes permettant de calculer la spéciation à l'équilibre d’un élément dans les milieux aquatiques (Benedetti et al. 1995; Tipping 1994). Les modèles les plus communément utilisés sont Visual MINTEQA2 (Allison et al. 1991) et PHREEQ-C

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(Parkhurst 1995). La modélisation de la complexation avec la matière organique naturelle est quant à elle abordée de deux manières. Le modèle WHAM (Tipping 1994) repose sur une approche mécanistique discrète avec un nombre de sites clairement défini; le modèle NICA-Donnan (Benedetti et al. 1995; Benedetti et al. 1996; Kinniburgh et al. 1996) fait appel à une approche mécanistique continue où les sites réactifs se distribuent de façon continue.

Malheureusement, les concentrations des ligands organiques dans les eaux naturelles sont très mal connues. De plus, les constantes de complexation qui définissent les interactions entre ces ligands et les métaux sont aussi mal connues. Enfin ces modèles de calcul de spéciation supposent que les solutions sont à l'équilibre ce qui est rarement le cas dans les eaux naturelles. La détermination de la fraction ionique libre d'un métal dans un milieu aquatique reste un grand défi pour la chimie environnementale comme l'ont souligné Tusseau-Vuillemin et al. (2003).

3.3 Modélisation de la biodisponibilité/toxicité

Le modèle de l'ion libre (FIAM) (Morel 1983) fut le premier modèle théorique permettant d'expliquer la biodisponibilité du métal libre pour les organismes simples. Par la suite est apparu le Biotic Ligand Model (BLM) (Di Toro et al. 2001). Dans ces modèles, la cellule biologique comporte des sites de surface susceptibles de complexer les métaux. Le flux de métaux incorporés dans la cellule est proportionnel à la concentration de métal fixé sur ces sites. Les différences entre ces deux modèles sont dans la prise en compte explicite (FIAM) ou implicite (BLM) des constantes de stabilité des ions entrant en compétition avec les métaux pour la complexation à la surface des cellules. Ces modèles prédisent que la complexation d'un métal réduit sa biodisponibilité. Le BLM a été récemment étendu avec succès aux micro-crustacés (Santore et al. 2001; De Schamphelaere et al. 2002) et au phytoplancton (Campbell et al. 2002; De Schamphelaere et al. 2005). Cependant, des exceptions aux prédictions du BLM ont été mises en évidence expérimentalement (Campbell et al. 2002). Ces modèles ne sont valides que si l'internalisation des métaux par la cellule est un processus lent au regard de la complexation à la surface des cellules et donc qu'un équilibre s'établit entre les complexes de surface et la solution, ce qui n'est pas toujours le cas. Par ailleurs, ces modèles supposent que l'internalisation des métaux se fait par un transport cationique, lequel peut être modifié par un effet de compétition (Vasquez et al., 2000) ou à une modification de la perméabilité de la membrane liée à la présence de divers composés (Penntinen et al., 1998).

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3.4 Les approches opérationnelles de l'étude de la spéciation

Compte tenu des difficultés à calculer la spéciation des métaux en solution et à prédire leur biodisponibilité/toxicité à l'aide des modèles, des approches opérationnelles ont donc été développées afin de déterminer la spéciation des éléments traces métalliques dans les eaux naturelles et en particulier les concentrations des espèces biodisponibles ou toxiques. Dans leur revue des techniques opérationnelles de spéciation, van Leeuwen et al. (2005) distinguent les techniques dynamiques et les techniques à l'équilibre (Tableau II).

Tableau II : Caractéristiques des techniques dynamiques de spéciation des métaux, et comparaison avec les capteurs basés sur l'équilibre. (van Leeuwen et al. 2005). na = non applicable.

Méthode Bases physico-chimiques Longueur de diffusion

caractéristique Espèces mesurées Techniques dynamiques

Voltamétrie Diffusion en milieu témoin Macroelectrode, microelectrode Métaux libres + complexes dynamiques

GIME (Gel-Integrated

Microelectrode) Diffusion radiale dans le gel Microelectrode radiale, r0

Métaux libres + complexes à pénétration dynamique

DGT (Diffusive Gradients in Thin

Film) Diffusion plane dans le gel Epaisseur du gel, δg

Métaux libres + complexes à pénétration dynamique

PLM (Permeation Liquid

Membrane)

Diffusion plane dans l'échantillon et le la membrane

Epaisseur couche de diffusion, δs Métaux libres + complexes dynamiques (membrane diffusion control)

Epaisseur de membrane, δm

Métaux libres (membrane diffusion control)

Techniques à l'équilibre ISE (Ion Selective Electrodes) Equilibre ou Membrane à l’état

d'équilibre na Métaux libres

DET (Diffusive Equilibration in

Thin film) Gel à l'équilibre/échantillon na Toutes les espèces pénétrantes

PLM Equilibre / Solution acceptrice na Métaux libres

DMT (Donnan Membrane

Technique) Equilibre / Solution acceptrice na

Métaux libres + une partie de complexes cationiques pénétrant

CLE- AdSV (Competing Ligand

Exchange−Adsorptive Stripping Voltammetry)

Equilibre / MLad dans

l'échantillon na

Métaux libres + complexes plus faible que Mlad

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La voltamétrie, la GIME et les DGT sont des techniques dynamiques, les autres comme la PLM ou la DMT impliquent un équilibre. Cependant, ces deux techniques peuvent fonctionner en mode dynamique suivant la manière dont elles sont utilisées.

Les techniques dynamiques reposent sur la diffusion du métal libre (M) ou de complexes métalliques (ML) à travers une interface constituée par exemple d'un gel (DGT, GIME). La labilité d'un complexe métallique (ML) est définie par le rapport entre sa vitesse de dissociation chimique (MLèM+L) et celle de son transport dans la couche de diffusion du capteur dynamique utilisé (Buffle & Horvai 2000). La labilité d'une espèce dépend non seulement de l'espèce considérée (les métaux libres et complexés n'ont pas la même mobilité) mais aussi de l'épaisseur de cette couche de diffusion ou du temps de diffusion. Le critère de labilité est donc dépendant de la technique utilisée.

Les capteurs dynamiques présentent des similarités avec les cellules microbiologiques. Il y a par exemple des analogies entre la diffusion à travers un gel (DGT, GIME) et à travers la paroi membranaire d'un microorganisme. Cependant, une espèce labile n'est pas nécessairement biodisponible. Elle est potentiellement biodisponible, en fonction du flux de métal à travers la membrane plasmique (van Leeuwen et al. 2005). Comme la labilité est spécifique du capteur, la biodisponibilité est spécifique à l'organisme considéré.

3.5 La technique DGT

La DGT développée dans les années 1990 par Davison et Zhang (Davison et al. 1994) est certainement la technique de spéciation dynamique la plus utilisée.

Un capteur DGT est constitué par une membrane chélatante (Chelex) située à l'arrière d'un hydrogel composé généralement par un gel d’agarose contenant un polymère de polyacrylamide. L'ensemble est séparé de la solution par une membrane filtrante (Fig.3).

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Figure 3 : Schéma d’un capteur DGT (D’après Davison et al. 1993)

Les espèces dissoutes, non colloïdales, diffusent à travers le gel (Zhang & Davison 1999) et un gradient linéaire de concentration s'établit entre la solution et la résine (Fig.4)

Figure 4 : Coupe schématique à travers un dispositif de DGT en contact avec une solution, montrant le gradient de concentration à l'état stationnaire. (D’après Davison et al. 1993).

Basé sur les lois de diffusion (loi de Fick), la concentration des métaux labiles dans la solution est donnée par l'équation suivante :

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