La Silla Llena : un réseau intellectuel 2

Source : Capture d’écran réalisée par l’auteur

La Silla Vacia définit cette rubrique comme « un espace d’opinion et de débat

où les experts de différents secteurs se réunissent pour construire du savoir de manière collective ». Cela fait écho à la définition de forum proposée par Eric Sotto, à savoir « un espace documentaire numérique coopératif ». (Sotto, 2017) Plus loin dans cet article, l’auteur explique que le forum est un espace auto-géré par des auteurs et des éditeurs, celui-ci favorise la construction de connaissances et l’émergence de nouvelles formes d’expression. La Silla Llena propose quinze thématiques de discussions : la paix (Paz), la côte caraïbe (Caribe), l’éducation (Educación), la société (Social), Bogotá et ses environs (La Cachaca), innovation (innovación), monde rural (rural), la condition féminine (mujeres). Chacunes de ces catégories donne accès à différents

types de contenus : les profils des experts associés, les colonnes et podcasts qu’ils réalisent, un espace de débat ainsi que l’agenda des conférences associées.

Source : Capture d’écran réalisée par l’auteur

Il faut premièrement écrire en tant qu’expert. La Sociologie du débat public définit cette notion comme un statut secondaire dérivé d’une fonction première : scientifique, journaliste, entrepreneur... Par définition , l’expert justifie d’une expérience dans un domaine académique ou professionnel qui lui permet de mobiliser, traduire et diffuser un certain nombre de connaissance dans le contexte d’un débat d’idée. Dans cette logique, les experts qui interviennent dans La Silla Llena sont pour la majorité des enseignants chercheurs issus des universités partenaires de La Silla

Vacia spécialisés dans le domaine des Sciences Humaines, il y a également des leaders

d’opinions par exemple engagés dans la reconnaissance des droits des minorités, la protection de l’environnement. La Silla Llena ouvre un espace de débat public dans lequel participe des leaders d’opinions et d’organisations sociales, des membres du Congrès, des entrepreneurs et des académiques (Gomez Montero, 2017 ). Au regard de la sous-représentation des experts académiques dans les médias traditionnels9, cette rubrique propose une alternative aux intellectuels souhaitant véhiculer des analyses sur différents sujets de société.

9 _{N.B : Cf Partie 1.A.1.2.1}

Plusieurs d’éléments caractéristiques du réseau social sont présents dans cette section. C’est ici que les profils d’internautes sont utiles car ils permettent de s’abonner au flux de discussion d’un débat et d’être tenu au courant de son évolution au grâce au système de notifications. Selon Danah Boyd et Nicole Ellison les réseaux sociaux sont « des services Web qui permettent aux individus de construire un profil public ou semi - public dans le cadre d’un système délimité, d’articuler une liste d’autres utilisateurs avec lesquels ils partagent des relations ainsi que de voir et de croiser leurs listes de relations et celles faites par d’autres à travers la plateforme » (Cardon, 2011). Isabelle Compiègne définit la notion de profil comme un personnage virtuel crée par l’internaute pour se personnifier, cette représentation lui sert d’interface le plus fréquemment utilisée dans les jeux et forums de discussion. Sur La Silla Vacia, les profils d’utilisateurs s’illustrent de la manière suivante :

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Ce profil est constitué de trois interfaces accessibles en haut à gauche : ver (Voir) donne accès à une vue d’ensemble du profil d’utilisatrice de Juanita Léon ; l’onglet Mis publicaciones (Mes publications) donne une liste des post publiés,

Seguimiento (abonnés) affiche l’ensemble des profils suivi. Ces éléments nous amènent

à penser qu’au travers de cette rubrique, La Silla Vacia entends véhiculer un sentiment de communauté parmi ses internautes. D’après Howard Rheigold, les communautés en

ligne sont « des agrégats sociaux qui émergent du Net lorsqu’un nombre suffisant de personnes mènent des discussions publiques assez durables pour former des réseaux interpersonnels dans le cyberespace » (Mercanti-Guerin, 2010).

La Silla Llena est régie par une charte de fonctionnement qui fixe les modalités

d’accès et d’interaction entre les utilisateurs. Les thèmes de discussion sont exclusivement proposés par les modérateurs de La Silla Vacia. Autrement dit, tout sujet qui s’écarte de cet éventail des possibles ne peut être publié. La rédaction propose trois formats de contenus aux utilisateurs : la colonne, le débat et le podcast. Pour publier, les experts sont dans l’obligation d’avoir un profil mis à jour régulièrement et personnalisé. Le dernier point est important car la charte d’utilisation mentionne explicitement qu’aucun profil ne peut représenter un parti politique ou une entreprise commerciale. La charte d’utilisation interdit tout prosélytisme politique, campagne promotionnelle à des fins commerciales. Toute personne engagée dans une campagne électorale ou appartenant à une organisation associée ne peut publier sur cet espace. Les modérateurs se réservent le droit de modifier certains contenus ou de les supprimer s’ils ne sont pas conformes à l’esprit de La Silla Vacia.

Nous avons relevé les six contenus recommandés par La Silla Llena afin de réaliser une analyse10 de contenu. Nous avons pu identifier cinq colonnes d’opinion et un débat. Les colonnes d’opinion abordent des thématiques variées : société, ruralité, économie. Le nombre de vues par colonnes se limite à une moyenne de 650, cependant on peut noter d’importante disparités en fonction des sujets. Sur cinq colonnes, trois d’entre elles ne dépassent pas les 100 vues tandis que les deux restantes dépassent les 1.000 vues. On peut observer une prépondérance du texte par rapport aux illustrations qui oscillent entre des photographies, de la vidéo et des graphiques. Ce sont des sujets longs avec en moyenne de 2.223 mots par articles. Il s’agit d’articles très documentés qui incluent en moyenne une dizaine d’hyperliens (à l’exception de deux sujets). Cependant, aucun de ces sujets n’a été commenté. Ce point tend à nuancer la portée sociale de cet espace dans la mesure où finalement l’interaction (sélective et communicative) y est très faible. Le dernier contenu que nous avons analysé est un débat d’opinion autours de la question suivante « Comment devrions nous célébrer la

Journée dédiée à l’Environnement ? » Ce débat a été commenté par six intervenants : deux ingénieurs agronomes, deux enseignantes-chercheur, une économiste et une consultante au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) en Colombie. L’ensemble des commentaires ont été ajouté le jour de la publication du débat, et chacun d’entre eux reprennent la structure d’une démonstration. Ce contenu favorise le développement d’une interactivité communicative. Cependant, il est intéressant de noter qu’en réalité les participants du débat ne se répondent pas. Aucun des postes ne fait mention du précédent. Autrement dit, les auteurs viennent ici pour proposer une réponse argumentée à la question initiale plutôt que d’échanger et de construire un savoir commun sur un sujet donné.