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Les mécanismes d’apparition et de développement des scolioses idiopathiques ne sont pas connus. Toutefois l’exploration de plusieurs phénomènes a permis d’apporter quelques résultats pertinents.

1.3.1 Facteurs déclenchant génétiques, biologiques et mécaniques et évo- lution des courbures

Concernant les causes initiales du développement scoliotique, les origines génétiques sont encore très mal comprises. En 1968, Wynne-Davies (1968) a montré que le risque d’avoir une AIS était augmenté avec une prévalence de 6% à 11%, lorsqu’un membre de la famille avait eu cette pathologie. L’étude d’un échantillon de jumeaux monozygotes (Kesling and Reinker (1997)) a montré une prévalence de 73% tandis qu’elle était de 36% pour les jumeaux dizygotes. Ainsi, si un facteur génétique a possiblement été détecté, il n’explique pas seul les causes initiales des scolioses idiopathiques de l’adolescent.

D’autres études ont mis en évidence un possible lien entre la sensibilité du patient à certaines hormones comme la leptine ou la ghreline (Sales de Gauzy et al. (2015) ; Cheng et al. (2015)) et l’apparition des scolioses. Cette hypothèse est renforcée par l’indice de masse corporelle des adolescents scoliotiques qui est inférieur à la moyenne. Cependant, ces recherches n’ont pas suffit à expliquer les causes des scolioses.

Des facteurs mécaniques ont été recherchés, notamment dans l’étude de van der Plaats et al. (2007). Il est supposé une asymétrie de croissance des corps vertébraux à l’origine du développement des AIS. L’hypothèse d’une période critique lors de la croissance a été étudiée à plusieurs reprises (Drevelle et al. (2010) ; Villemure et al. (2004)) car elle semble cohérente avec une observation clinique effectuée par (Duval-Beaupère and Lamireau (1985)), dont le principal résultat est illustré par la figure 1.12. On note une forte accélération des déformations pendant le pic de croissance de l’enfant. Ici l’asymétrie, nécessitant une quantification par l’imagerie clinique, n’a toutefois pas été relevée.

Le rôle des facteurs mécaniques déclenchant ou aggravant ont été étudiés par l’intermédiaire de modèles numériques (Lafage et al. (2004) ; Drevelle et al. (2010)), toutefois, les résultats sont restés descriptifs et aucune corrélation objective avec des données cliniques n’a permis de

Figure 1.12 – Évolution moyenne de l’angle de Cobb d’une scoliose idiopathique en fonction de l’age du patient décrit par Duval-Beaupère (Duval-Beaupère and Lamireau (1985)).

1.3.2 Couplage délétère entre disque et corps vertébral

A l’échelle du segment vertébral, les scolioses idiopathiques font toujours apparaître une déformation progressive des disques intervertébraux. Une question ouverte est la suivante : cette déformation est-elle dûe à un changement des propriétés mécaniques du disque ou à d’autres phénomènes extérieurs. Will et al. (2009) ont étudié l’évolution de l’angle de Cobb de la scoliose en fonction de l’âge osseux du patient. Cette étude a permis de montrer que le disque intervertébral, ou à minima les tissus mous intervertébraux pourraient être à l’origine de l’accentuation de l’angle de Cobb par modification des propriétés mécaniques. Par consé- quent, le remodelage pathologique des vertèbres ne pourrait être que consécutif à l’asymétrie de contraintes générées par la déformation des tissus intervertébraux ; disques et ligaments pourraient donc jouer un rôle important dans l’AIS.

Les travaux menés en amont de cette étude par Stokes (2007) proposent un schéma d’inter- action entre les disques et les vertèbres pour illustrer la notion de couplage délétère dans les phénomènes scoliotiques, figure 1.13.

Figure 1.13 – Représentation du cercle vicieux d’intéraction entre la croissance des vertèbres et la déformation des disques présentée par Stokes (2007).

1.3.3 Biochimie du disque intervertébral

Des travaux ont mis en évidence la détérioration des disques intervertébraux de patient atteints de scoliose. Bushell et al. (1979) ont montré que le taux de collagène dans les nucleus des disques à l’apex de la déformation scoliotique était plus important que dans les disques sains. Ils ont également montré que la quantité de collagène dans l’annulus était anormalement distribuée dans les disques scoliotiques. Cependant, ils concluent plutôt à une conséquence des fortes déformations qu’à une cause.

Bartels et al. (1998) ont mesuré in-vivo la concentration en oxygène et en lactate des disques sains, scoliotiques et dégénérés, mais aucune difference significative n’a été décrite. Ultérieu- rement, Bibby et al. (2002) ont mené une nouvelle étude expérimentale sur la viabilité des cellules des disques de scolioses idiopathiques. Une plus faible viabilité des cellules a été détec- tée du côté convexe de la courbure scoliotique. De plus, les disques à l’apex de la déformation avaient un nombre de cellules plus faible que les autres et présentaient une concentration en oxygène plus faible et en lactate plus forte que la moyenne. Ces observations objectives tendent à montrer le rôle significatif de la déformation géométrique et par conséquent des contraintes mécaniques dans la réponse biochimique tissulaire du rachis.

D’autres études expérimentales ont été menées sur des modèles animaux pour explorer l’évo- lution des disques intervertébraux soumis à des contraintes semblables à celles générées par les scolioses. Laffosse et al. (2010a) a simulé une scoliose dans un modèle porcin en bloquant de manière asymétrique la croissance vertébrale. Une densification de la microarchitecture osseuse des plateaux vertébraux comprimés a été quantifiée. Les plateaux vertebraux étant le lieu principal des échanges de nutriments avec le disque, l’altération des propriétés de trans- port peut participer au couplage délétère précédemment décrit (Stokes (2007)), figure 1.13, et globalement détruire l’homéostasie du segment vertébral.

A notre connaissance, le rôle de l’état énergétique du disque mais également des tissus mous du segment n’a jamais encore été exploré de manière significative. Or, des études dans le domaine cardiovasculaire ont montré l’impact des déformations et contraintes mécaniques initiales sur la réponse statique et dynamique de la structure et sur son devenir (Fung (2013), Olsson and Klarbring (2006)). On retrouve toutefois plusieurs travaux qui ont abordé le rôle des éner- gies de déformation mécanique dans le rachis (Noailly et al. (2007), Estivalezes et al. (2012), Von Forell et al. (2014), Hortin and Bowden (2016)) et notamment le rachis scoliotique.

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Limitations d’une méthodologie de modélisation bioméca-