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Titre I. Une responsabilité financière soumise à des régimes juridiques différents

Chapitre 1. La responsabilité financière pour faute de gestion

La responsabilité financière pour faute de gestion

111. Les contrôles de la gestion des finances publiques furent renforcés, en France, au lendemain de la Libération (1945), ceci dans un contexte marqué par les incertitudes économiques, et financières et par la persistance des manquements aux règles d’emploi des crédits budgétaires 214. Au Cameroun, c’est au début des années 1962, c’est-à-dire au lendemain de son accession à la souveraineté internationale 215, que cette volonté de renforcer le contrôle des finances publiques a été mise en œuvre, avec la création d’un Conseil de discipline de l’exécution des dépenses publiques 216. Il faut rappeler qu’avant l’indépendance du Cameroun, aucune structure n’était mise sur pied pour sanctionner les actes des ordonnateurs ; une telle situation consacrait l’immunité juridictionnelle de ces derniers 217. Les ordonnateurs n’ayant pratiquement pas à répondre de leurs agissements, une responsabilité de type répressif fut instituée et sa mise en œuvre confiée, à ce qui deviendra au fil des différentes mutations institutionnelles, au CDBF.

112. Finalement, la consécration juridique du régime de la responsabilité pécuniaire des ordonnateurs est née de la volonté du législateur de sanctionner, et surtout de prévenir la commission d’irrégularités financières. Mieux, cette idée, souligne Mme Cuvillier, traduit « un souci de préserver l’équilibre budgétaire, mais aussi, par extension, de veiller à ce que

les ordonnateurs aient pris toutes les diligences nécessaires pour dépenser mieux » 218.

113. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement, car, comme l’écrit justement le Professeur Siétchoua, le respect du principe de l’équilibre budgétaire par les ordonnateurs « tient à la nécessité, pour ces derniers, d’observer scrupuleusement l’autorisation budgétaire

et de n’engager les dépenses que dans la mesure déterminée par les crédits tels que votés par

214 Pierucci (C.), Cour de Discipline Budgétaire et Financière, in Orsoni (G.) (dir.), Dictionnaire encyclopédique

de Finances publiques, Economica, 2e éd., 2017, p. 262

215 Article 33 de l’ordonnance n°62/0F/4 du 7 février 1962 portant régime financier de la République Fédérale du

Cameroun.

216 Dès 1958, au Cameroun oriental, le contrôle des Services de l’État fut confié à l’Inspection des affaires

administratives auprès du gouvernement du Cameroun, tandis qu’au Cameroun occidental, l’examen des comptes de tous les comptables et de toute personne chargée du recouvrement fut confié au « Accountant General ». Après l’indépendance en 1960, la Chambre des comptes est créée au sein de la Cour suprême du Cameroun oriental, alors que la situation est stable au Cameroun occidental.

217 Article 8 de la loi n°74/18 du 5 décembre 197 relative au contrôle des ordonnateurs.

218 Cuvillier (L.), L’évaluation de l’efficacité de la dépense publique dans le contrôle de la gestion opéré par les

le Parlement » 219. Sur ce point précis, tout comme sur l’ensemble du raisonnement qui fonde ses décisions, l’attitude du CDBF, est semblable à celle de son homologue français. Ces institutions doivent sanctionner les fautes de gestion ainsi que les manquements ayant concouru à ces fautes, par une mise en débet ou une amende selon les cas. De toute façon, si l’objet du (de la) CDBF est davantage de sanctionner les irrégularités de nature budgétaire commises par les ordonnateurs (section 1), il reste que la responsabilité de ces derniers devant cette instance rencontre des limites importantes, tant pour des raisons de fait (petit nombre d’affaires) que pour des raisons de droit (exonérations de responsabilité) ; seule cette dernière catégorie sera envisagée dans le cadre de ce chapitre (section 2).

Section 1. La consécration de la responsabilité financière des ordonnateurs

114. La responsabilité pécuniaire, qui a pour objet principal « la réparation d’une

situation qui porte atteinte aux finances publiques » 220, est exclusivement encourue par

l’ensemble des ordonnateurs principaux, secondaires ou délégués en recettes ou en dépenses. Dans le droit commun, et comme il a été déjà indiqué, cette responsabilité trouve son fondement dans les articles 1240 et suivants du Code civil 221. Au Cameroun, le fondement de cette responsabilité est à rechercher tantôt dans la loi n°74/18 du 5 décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs, tantôt dans la loi n°2018/012 du 11 juillet 2018 portant RFÉ 222.

115. En France, c’est la CDBF qui est chargée de sanctionner les atteintes aux règles régissant les finances publiques, commises par toute personne intervenant dans la gestion publique, principalement mais pas exclusivement les ordonnateurs 223. En vérité, les ordonnateurs peuvent voir leur responsabilité pécuniaire engagée, s’ils ont causé par leur faute propre un dommage à l’entité publique. Comme en matière de responsabilité administrative, la faute de gestion commise par l’ordonnateur, qui est une faute personnelle, c’est dire une faute détachable de tout lien temporel ou matériel avec le service, l’oblige à en répondre, sauf si l’ordonnateur n’a agi que dans l’intérêt de la collectivité dont il dépend 224 (§ 1) au terme d’une procédure particulière (§ 2).

219 Siétchoua (C.), Note sous CS-CA 26 janvier 1995, Y. J. E., Jugement n°14, Juridis périodique, 2000, p. 56. 220 Article 10 du décret n°2013/16 du 15 mai 2013 portant Règlement général de la comptabilité publique. 221 L’article 1457 du Code civil québécois pose les conditions de la responsabilité civile, où la personne qui

cause préjudice à autrui par sa faute est « tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel ».

222 Gaullier-Camus (F.), La responsabilité financière des gestionnaires publics, Thèse, Droit public, Université

de Bordeaux, 2018, p. 445.

223 Les infractions réprimées par la CDBF sont énoncées aux articles L. 313-1 et suivants du CJF.

§ 1. Le fondement de la responsabilité financière des ordonnateurs

116. Du point de vue purement juridique, la faute n’est pas une notion causale mais uniquement le fondement de la responsabilité, c’est-à-dire la condition de son engagement. En droit public financier, la responsabilité pécuniaire suppose qu’il soit possible de mettre à la charge d’un ordonnateur une faute de nature à entraîner sa responsabilité (A), si tant qu’il existe aussi un préjudice « financier » (B), ainsi qu’un lien de causalité entre le manquement constaté et le préjudice subi (C). Dans tous les cas, en matière financière, quand ces conditions sont réunies, le préjudice subi par l’organisme public doit être réparé 225.

A. L’ambigüité dans la définition de la faute de gestion

117. En apparence, la faute de gestion commise par l’ordonnateur recouvre une mosaïque de comportements et de situations sans liens véritables. D’abord, elle est perçue, non pas comme une erreur de gestion, mais comme une notion rattachée à l’une des infractions sanctionnables. Ensuite, la faute de gestion est une infraction constituée, tantôt par une abstention fautive, par un acte fautif, tantôt elle apparaît comme une infraction autonome

226. Enfin, elle est définie comme une violation de dispositions légales et réglementaires 227.

Le législateur camerounais, à travers la loi n°74/18 du 5 décembre 1974, a procédé à une énumération détaillée, mais non exhaustive, des fautes susceptibles d’être commises par les ordonnateurs. Ces dernières sont constituées de deux groupes : le premier groupe est relatif aux fautes commises par les agents de l’État et des collectivités publiques et le second aux dirigeants des entreprises publiques et parapubliques. En l’absence d’une précision dans sa définition législative, la notion de faute de gestion reste controversée (1), même si le (la) CDBF, à travers ses décisions, participe à la construction de cette définition (2).

1. La faute de gestion, une notion « rebelle » à la systématisation législative

118. Alors que les actions en recherche de responsabilité se font de plus en plus courantes, la faute de gestion fait partie de ce que la doctrine classique en droit des finances publiques appelle communément « le flou juridique » 228. Cette notion n’est définie ni par le législateur français (a), ni par le législateur camerounais, du moins pas avant l’adoption de la

225 Ghestin (J.), Viney (G.) et Jourdain (P.), Les conditions de la responsabilité, LGDJ., 4e éd., 2013, p. 1320. 226 Descheemaeker (C.), Cour de discipline budgétaire et financière, Jcl. A., 2017, Fasc. 1270, n°119 à 131. 227 Hadji-Artinian (S.), La faute de gestion en droit des sociétés, LexisNexis, 2002, p. 220.

228 Mpessa (A.), Le CDBF à l’épreuve de la protection de la fortune publique au Cameroun, Juridis périodique,

loi n°2018/012 du 11 juillet 2018 portant RFÉ et des autres entités publiques (b) ; elle est donc souvent laissée à l’appréciation de la doctrine chargée de systématiser ladite notion.

a) La faute de gestion, une notion imprécise en droit français

119. Initialement, le législateur français n’a pas expressément énuméré les fautes de gestion commises par les ordonnateurs. En effet, l’expression « faute de gestion », qui figurait seulement dans le titre de la loi n°48-1484 du 25 septembre 1948 (abrogée par la loi n°95-851 du 24 juillet 1995), n’a été reprise ni dans le texte, ni dans les développements relatifs aux infractions punissables. Plus simplement, aucune disposition de cette loi ne faisait écho à cette mise en exergue d’une notion issue du droit commercial, qui désigne la faute des dirigeants sociaux par violation des règles de gestion. Seulement, il s’est contenté d’énumérer les infractions ou irrégularités passibles de sanctions devant la CDBF 229. D’ailleurs, il faut rappeler ces propos du président Descheemaeker selon lesquels, la CDBF « n’a pas pour objet

de sanctionner la mauvaise gestion [notamment le défaut de surveillance ou le défaut

d’organisation d’un ordonnateur qui n’organise pas son service de façon à en assurer un fonctionnement correct], mais seulement des irrégularités de nature budgétaire et comptable [agissements contraires aux intérêts de l’organisme résultant de la violation des règles budgétaires], ce qui n’est pas la même chose » 230. Ainsi, la faute de gestion serait davantage constituée par un actif fautif, et non par une abstention fautive.

120. À la vérité, l’introduction dans le titre de cette loi du 5 septembre 1948 des termes de « gestion » et de « fautes » dénotait d’une certaine ambiguïté 231. C’est fort de ce constat que certains universitaires français ont tôt fait de relever les limites inhérentes à la détermination d’une faute de gestion 232. À ce titre, le Doyen Saïdj affirmait déjà que, « la

faute de gestion est certainement celle qui pose les problèmes les plus épineux en matière de compétence de la Cour de discipline, et plus généralement de responsabilité des

administrateurs » 233. Cette logique se trouve indirectement confortée lorsqu’il faut établir une

distinction entre la faute de gestion « par omission » (défaut d’organisation, défaut de

229 Bouvier (M.), Esclassan (M.-C.) et Lassale (J.-P.), Finances publiques, LGDJ, 17e éd., 2018, p. 467.

230 Descheemaeker (C.), La responsabilité des ordonnateurs devant les juridictions financières, in La

comptabilité publique, continuité et modernité, Actes du colloque du Comité pour l’histoire économique et financière de la France, tenu à Bercy les 25 et 26 novembre 1993, CHEFF, 1995, p. 320.

231 Groper (N.), op. cit., p. 8.

232 Damarey (S.), Finances publiques, Gualino, 2010, pp. 367-368.

233 Saïdj (L.), La responsabilité devant la Cour de discipline budgétaire et financière, Lamy Collectivités

surveillance ou négligence par exemple) et la faute de gestion « par action » (comportements frauduleux ou agissements contraires aux intérêts de l’organisme).

121. Cette distinction, qui paraissait fermement établie, semble de nos jours se perdre dans nombre d’écrits en l’absence de précision sur le cadre législatif auquel les auteurs se réfèrent. Or, c’est bien cette difficulté qu’évoquait le Président Descheemaeker, lorsqu’il soulignait, avec pertinence, que « le débat autour de la notion de faute de gestion est pour

partie sémantique, [ladite] faute étant davantage une violation de principes qu’une violation

de textes » 234. On se souvient que dans un arrêt du 7 juillet 1978, le Conseil d’État avait

confirmé sa jurisprudence sur la faute de gestion qui, pour lui, « est une violation d’un

principe et non d’un texte », rejetant ainsi un pourvoi en cassation dirigé contre l’arrêt de la

Cour de discipline budgétaire rendu cinq années plus tôt 235. En tout état de cause, la CDBF ne saurait se faire juge de l’opportunité des décisions prises, elle doit seulement déterminer et apprécier les infractions commises au regard des dispositions applicables 236.

122. Par la loi n°95-1251 du 28 novembre 1995 relative à l’action de l’État dans les plans de redressement du Crédit lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs 237, telle que abrogée par la loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014, le législateur français va introduire dans le CJF une nouvelle infraction rédigée sur la base de la jurisprudence développée sur la faute de gestion, mais en y faisant une infraction autonome limitée aux entreprises publiques ; il s’agit de la « faute grave de gestion ». Mais, cette infraction sera limitée aux personnes chargées d’une responsabilité au sein des entreprises publiques 238. Les termes de cette loi, couramment appelée « amendement Crédit lyonnais », sont d’une clarté incontestable. En effet, « toute personne […] chargée de responsabilités au sein de l’un des [établissements publics à caractère industriel et commercial] qui, dans l’exercice de ses fonctions, aura causé

un préjudice grave à cet organisme, par des agissements manifestement incompatibles avec les intérêts de celui-ci, par des carences graves dans les contrôles qui lui incombaient ou par des omissions ou négligences répétées dans son rôle de direction sera passible de l’amende

[…] ».

234 Descheemaeker (C.), Cour de discipline budgétaire et financière, Jcl. A., 2017, Fasc. 1270, n°120. 235 CE 7 juillet 1978, Massip, req. n°94.837, Rec. 301, AJDA 1978 p. 446.

236 CDBF 19 juillet 1974, Société d’Économie Mixte d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national

de Paris-La-Villette, req. n°26-70, GAJ fin, 4e éd., 1996, n°51.

237 Loi n°95-1251 du 28 novembre 1995 relative à l’action de l’État dans les plans de redressement du Crédit

lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs (abrogée par la loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015).

238 En dehors de cette hypothèse, la qualification de la faute de gestion n’apparaît ni nécessaire, ni suffisante à la

123. Sous réserve de cette exception, la notion de faute de gestion a généralement été rattachée à l’une des infractions sanctionnables prévues à l’article L. 313-4 du CJF. D’ailleurs, certains auteurs français de référence en matière de finances publiques reconnaissent que « le critère de la faute sanctionnable est uniquement d’ordre juridique. Elle

s’apprécie au regard des obligations qui, en droit, incombent à l’ordonnateur ou plus largement aux agents intervenant dans la gestion des deniers publics. Ce sont seulement les

manquements à ces obligations qui ont le caractère d’irrégularités sanctionnables » 239. Dès

lors, la CDBF, qui a une conception stricte des fautes sanctionnables, a toujours rattaché la faute de gestion à la violation de principes et non la violation de textes. Dès lors, le comportement constitutif d’une faute de gestion apparaît en effet en tant qu’infraction, et non en tant que circonstance aggravante d’une autre infraction.

124. La Cour a eu l’occasion, dans l’espèce Piette, de sanctionner des fautes de gestion entendues dans ce sens. Dans un considérant fort mémorable, elle indiquait qu’en, «

omettant de consulter le conseil d’administration, en n’organisant pas une suffisante publicité, négligences qui ont eu pour conséquence la cession d’un important matériel à un prix particulièrement bas, le sieur Piette a méconnu les règles de gestion de la SNCAN, lesquelles découlent non seulement des textes applicables aux sociétés anonymes et des statuts, mais aussi des principes traditionnels et constants qui sont la base même d’une saine

gestion industrielle et commerciale » 240.

125. Avant la loi n°95-1251 du 28 novembre 1995, abrogée par la loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, la faute de gestion avait été exclue de la compétence de la juridiction de la CDBF 241. Par conséquent, les fautes susceptibles de faire l’objet de sanctions étaient limitées aux seules infractions visées aux articles 2 à 6 de la loi n°48-1484 du 25 septembre 1948, c’est-à-dire celles commises par des ordonnateurs qui, dans l’exercice de leurs fonctions, auraient causé un préjudice à l’organisme au sein duquel elles exercent des responsabilités 242. À l’origine strictement définie, la notion de faute de gestion fut largement étendue par la loi n°95-1251 du 28 novembre 1995. Elle concerne désormais, non seulement, des agissements manifestement incompatibles avec les intérêts de l’organisme

239 Bouvier (M.), Esclassan (M.-C.) et Lassale (J.-P.), op. cit., p. 467.

240 CDB 22 mai 1957, Piette, Sté nationale de constructions aéronautiques du Nord, Rec. CDB. 13 ; pour un

développement complémentaire, voir Descheemaeker (C.) et Potton (J.-F.), La Cour des comptes et les entreprises publiques, La documentation française, Comité d’histoire de la Cour des comptes, 2016, p. 74.

241 Degoffe (M.), L’extension de la faute de gestion, AJDA, 1996, n°3, p. 206.

242 La CDBF a été instituée par la loi n°48-1484 du 25 septembre 1948 plusieurs fois modifiée avant sa

dans lequel l’ordonnateur exerce sa responsabilité, ou des carences graves dans les contrôles qui lui incombent, mais aussi des omissions ou négligences répétées dans son rôle de direction. Il apparaît clairement que ces agissements peuvent être constitués par une abstention ou par un acte fautif.

126. Pour autant, avant cette loi, des sanctions pouvaient être prononcées en raison des « carences graves dans les contrôles » ou de négligences graves répétées dans le rôle de direction 243, ou encore en cas de carences constatées à l’occasion d’un acte déterminé ou d’une opération donnée 244. Ainsi, il apparaît qu’au fil des réformes, le législateur français, à l’instar de son homologue camerounais, a défini de façon progressive des infractions, dont la constatation impose désormais à la Cour une appréciation souveraine plus subjective 245.

b) La faute de gestion, une notion progressivement clarifiée en droit camerounais 127. Initialement, et à travers la loi n°74/18 du 5 décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs, le champ d’application ratione materiae des irrégularités et fautes de gestion commises par les ordonnateurs était déterminé par le procédé de l’énumération formelle à laquelle s’ajoutait, ce qui est considéré comme une clause générale, prouvant suffisamment que ces irrégularités avaient simplement une valeur indicative. Dès lors, aucune différence n’était faite entre les notions de faute de gestion et d’irrégularité : l’une étant pris pour le synonyme de l’autre. Cela se traduit dans la rédaction des dispositions en la matière, puisque les irrégularités y sont définies en référence aux fautes de gestion. D’après la loi n°74/18 du 5 décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs, « est considérée comme

irrégularité […], toute faute de gestion préjudiciable aux intérêts de la puissance publique

[…] » 246. Évidemment, il y a là une malheureuse confusion entre les concepts de « fautes de gestion » et « irrégularités ». En réalité, il serait malvenu de considérer que l’irrégularité est un signe de mauvaise gestion, du moins au sens économique du terme, et a fortiori que le respect de la réglementation suffit à assurer une bonne gestion.

128. En l’état actuel du droit camerounais, la faute de gestion recouvre « tout acte,

omission ou négligence commis par tout agent de l’État, d’une collectivité territoriale

243 Degoffe, (M.), op. cit., p. 206 ; CDBF 6 novembre 1992, Caisse primaire d’assurance maladie de Melun

(Seine-et-Marne), req. n°96-262, Rev. Trésor 1993 p. 782.

244 CDBF 22 novembre 1989, Chiganne, Ayax et autres c/ Société anonyme La Signalisation, req. n°83-238. 245 Thébault (S.), L’ordonnateur en droit public financier, LGDJ, 2007, p. 297.

246 Article 3 de la loi n°74/18 du 5 décembre 197 relative au contrôle des ordonnateurs, gestionnaires et gérants

décentralisée ou d’une entité publique […] manifestement contraire à l’intérêt général » 247. Ainsi son périmètre, qui est large, va des fautes de gestion constituées par un acte fautif (violation des règles d’exécution budgétaire) 248, aux fautes de gestion constituées par une abstention fautive (défaut de surveillance ou la négligence) 249. Si le législateur camerounais de 1974 ne faisait pas une distinction formelle entre fautes de gestion et irrégularités commises par l’ordonnateur, ces fautes et irrégularités étaient détectées au cours de l’instruction des affaires soumises au CDBF 250.

129. À l’occasion de la controverse que provoque la discussion sur le concept de faute de gestion, l’analyse de la doctrine camerounaise montre l’absence d’une certaine unité autour de cette notion. Tandis que certains estiment que la faute de gestion est constituée uniquement par un acte fautif, en ce qu’elle s’entend de « toute faute préjudiciable aux

intérêts de la puissance publique, en violation des règles du régime financier de l’État et/ou

de celles régissant les sociétés d’État » 251 ; d’autres, en revanche, l’appréhendent largement

au point de l’assimiler, sans raison, à la non atteinte des objectifs et résultats fixés. Justement sur ce plan, M. Aba’a Oyono définit la faute de gestion comme « l’acte juridique unilatéral

par lequel l’Institution administrative compétente, qu’est le Contrôle supérieur de l’État,

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