• Aucun résultat trouvé

La relation aux autres festivaliers

Dans le document Un territoire de rock (Page 70-73)

Profil 7. Les Classique-Jazz-Rock

4. La relation aux autres festivaliers

4.1. Une ambiance bon-enfant

« Ben moi je trouve que c’est assez bon enfant, moi j’ai jamais trop eu de

problème… des gens qui m’agressent ou quoi que ce soit, j’ai toujours rencontré des gens, on parle avec eux, des fois ils sont un peu alcoolisés, des fois c’est moi qui suis un peu alcoolisé… Enfin le dialogue, la parole, c’est toujours ça qu’est bien aussi dans ce festival et dans les autres aussi je pense, on peut parler librement, y se passe un truc et y a quelqu’un

d’autre à côté, on en parle ensemble et la relation est assez facile quoi… »

(Bruno, 21 ans, étudiant)

Le climat global porté par l’ambiance festive reste bon enfant. Encore plus prononcée au camping, cette relation positive, basée sur l’entraide, « l’apéro » et la fête, favorise le fait d’aller vers les autres. Sur le lieu central, cette proximité est moins exacerbée, les festivaliers partagent une connivence plus réservée qu’au camping, une manière d’être ensemble dans la fête et la musique. Les relations sont d’emblée amicales et chaleureuses même face à l’inconnu, les différences d’âges ou de goûts sont immédiatement acceptées :

« C’est l’esprit festival, c’est ce qu’on recherche, on a l’impression qu’on

peut aller voir tout le monde… la confiance non, c’est un mot un peu trop fort, je pense, qu’on peut communiquer, qu’y a pas forcément de barrière, qu’on est tous en dehors du quotidien, qu’on vient tous pour la même chose et voila, on a tous plus ou moins la même vision de la fête ou des concerts ou de ce genre de chose… c’est pour ça que je disais l’esprit

festival, ça se trouve pas forcément qu’aux Eurockéennes… » (Léa, 23 ans,

chargée d’étude)

« Une très bonne relation : stone, franchement, tranquille. Un peu le

flower power... pour faire une petite métaphore de ça. J’ai fait plein de festoches, et je me suis jamais embrouillé, c’est pas comme en boîte. Il y a parfois des petites altercations, mais ça passe vite, limite si après on va

boire une bière ensemble. » (Alban, 23 ans, militaire)

Comme ils le disent eux-mêmes : les gens sont là pour « se lâcher », « se faire » du bien mais pas dans le respect d’autrui. Cette apparente tolérance est motivée par le fait de pouvoir avoir des relations, un peu « hors normes », avec les gens pour sortir du quotidien et échanger plus directement sans tabous :

« Je dirais qu’il y a… c’est pas de l’amitié, mais de la convivialité, on se tutoie tous, il y a pas de tabous, on va pas se regarder le nombril, mais… tout le monde est comme il est. On fait des rencontres, on reste en relation,

on s’envoie des photos puis plus rien, c’est rigolo. » (Isabelle, 47 ans,

secrétaire)

4.2. Une communauté de festivaliers ?

Si l’ambiance des Eurockéennes n’est pas sans rappeler l’esprit libertaire des années 1960-1970 et des festivals « grand format » qui ont vu le jour à cette période, peut-on pour autant parler d’une communauté de spectateurs ? Interrogés directement sur cette question, les festivaliers ne manquent pas de rappeler l’ambiguïté de ce terme. On constate ainsi une très nette différence de perception du mot « communauté » suivant l’âge et la génération du festivalier. Pour les plus anciens, la démarche communautaire s’insère dans un système de vie qui parait très éloigné de la réalité du festival, fut-elle exceptionnellement décontractée. Pour ceux-là, la réponse est donc plutôt négative. Pour les plus jeunes, le fait d’« être ensemble » pour partager de la musique, est un bon synonyme de la notion de communauté. Mais, là encore une certaine volonté de démarcation demeure : être ensemble mais rester différents. Pour ceux-ci, la communauté éphémère des Eurockéennes existe, et s’incarne bien dans la notion plus contemporaine de communauté, très en vogue aujourd’hui grâce aux réseaux sociaux virtuels, notamment dans leur capacité à créer des rassemblements massifs (cf. les apéros géants de Facebook). Au final, le sentiment de faire partie d’une communauté – quel que soit son sens – reste mitigé. Il y a autant de personnes qui adhèrent à cette idée que de personnes qui la rejettent.

La question du partage permet d’affiner la description du sentiment communautaire qu’éprouvent certains festivaliers. Si la musique reste l’élément central, il s’agit plus d’une certaine d’ouverture à son égard plus qu’une communauté de goûts :

« Comment je définirais cette communauté, je sais pas, on est tous

ensemble pour voir de la musique, pour s’éclater… festif, bon c’est toujours le même mot qui revient à chaque fois… Des valeurs de musique, de fête… pas forcément des goûts musicaux mais le plaisir de voir des groupes en concert, de découvrir des groupes qu’on connaît pas forcément

mais qu’on n’aurait pas découvert à la radio… voila quoi » (Arthur, 21

ans, étudiant)

Bien qu’éphémère, les festivaliers profitent de cette parenthèse avec le quotidien et déploient des sociabilités, parfois elles aussi éphémères, qui inscrivent le festival dans une sorte de rituel :

« Moi en plus j’ai tendance à retrouver les même gens. Je les vois que là.

C’est une petite communauté, oui. Tout le monde est sympa, accueillant.

[…] J’y vais plutôt les yeux fermés. […] Sur le chemin [pour aller du

camping aux scènes], je discute de rugby, de foot, du boulot, les gens sont curieux des autres. Au moins on débat. C’est l’avantage du petit chemin, on a le temps de discuter, le long des voies ferrées. Les gens sont faciles d’abordage. On peut discuter. L’ambiance est relâchée. On peut balancer

Si cette communauté éphémère s’incarne dans un certain nombre de valeurs ou de points communs, tels que le goût pour la musique, les idées politiques plutôt de gauche, l’ouverture d’esprit, le goût de la découverte et du débat, le respect de la différence, etc., elle s’incarne également en acte par le fait même de participer régulièrement au festival. Faire partie de la communauté ou de la grande famille des Eurockéennes, c’est aussi venir et revenir au festival comme une sorte de pèlerinage, trois jours entre parenthèses de la vie quotidienne.

Là encore, les sociabilités qui se jouent pendant le festival participent à cette ambiance si particulière qui est, pour beaucoup de festivaliers, synonyme de liberté :

« C’est un partage vraiment profond, c’est une communion dans la musique et dans les échanges. Je viens pour la musique mais je viens aussi pour les échanges. Je pense oui, musicalement parlant et dans cette communion. Les gens viennent pour la musique mais aussi pour rechercher ça, les gens sont un peu désinhibés. On est dans une société un peu difficile, les gens viennent aussi pour se lâcher, c’est permis de se lâcher, c’est important la permission de se lâcher sans être jugé. On peut se permettre certaines choses (dans la façon de s’habiller…) y’a pas de protocoles. On est dans une société tellement aseptisée. Quelque part c’est

une liberté. » (Fabienne, 61 ans, retraitée)

Pourtant, vue de l’extérieur, cette ambiance n’est pas toujours perçue de manière positive et peut même faire l’objet de certains a priori, notamment auprès de la population locale :

« C’est l’esprit Eurockéennes… le contact, c’est ça essentiellement,

l’ambiance… Oui… on retombe sur les mêmes trucs finalement hein, c’est les gens qui sont ouverts… si les cons viennent y tiennent pas longtemps, hein ? … ou alors ils n’osent pas venir… Les premières années, nous, on n’osaient pas venir, on en entendait tellement sur les Eurocks… que quand on arrivait, y a avait un nuage de fumée au-dessus du site… c’était la drogue, y a avait une image… Vu de l’extérieur, ça faisait peur ! Le tout

c’est de franchir le pas et puis c’est bon… » (Frédéric, 55 ans, médecin)

La population des festivaliers est relativement mélangée, si bien qu’en réalité, plusieurs communautés cohabitent les unes avec les autres :

« Une communauté ? Non de plusieurs communautés ! Ce que j’aime bien

ici c’est qu’y a un peu toutes les tranches d’âges, tous les styles, y’a pas un même style comme la musique est assez diverse, y’a des styles différents, on rencontre d’autres gens, y’a même des étrangers qui viennent. On

rencontre d’autres gens. » (Mathilde, 28 ans, chargée d’étude)

La description du festivalier-type par les festivaliers eux-mêmes permet d’affiner cette idée de plusieurs communautés ou tribus qui cohabitent et se rencontrent, au-delà de l’image d’Epinal du jeune, torse nu avec une bière à la main qui aime la musique et l’apéro !

« Comment je vois le festivalier-type ? Un verre de bière à la main, très cool, qui dort pas beaucoup. Il y en a qui viennent déguisés !!! Des gens

complètement aware ! Cool ! » (Isabelle, 47 ans, secrétaire)

Ce qui est intéressant dans cet exercice, c’est ce mélange de distance et de proximité que les festivaliers entretiennent avec ce stéréotype :

« Le festivalier-type ? C’est déjà pas moi… C’est décontracté… parce que

je... Attend ! Moi, je suis quand même décontractée assez festive… donc finalement, oui pourquoi pas moi aussi ! Si, si quand même, genre si il pleut, je m’en fous d’avoir les cheveux mouillés, ça ne me dérange pas. Y a des endroits où tu irais pas comme ça, mais les Eurockéennes, c’est bon

quoi, tu peux ! » (Patricia, 61 ans, professeur des écoles)

« Selon moi, ça dépend, y a moi ou les autres, je dirai plutôt jeune, mais ça

dépend parce que y a des cinquantenaires qui viennent s’éclater aussi… Mais je dirai jeune, qu’a envie de faire la fête, qu’a envie d’avoir de la

musique dans les oreilles et qui se prend pas trop la tête… » (Bruno, 21

ans, étudiant)

Dans le document Un territoire de rock (Page 70-73)