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La recherche prospective de variantes DPYD

2. RÉSULTATS

2.4 La recherche prospective de variantes DPYD

2.4.1 Description de l’étude

Une étude prospective multicentrique a évalué l’utilité clinique du dépistage prospectif de la déficience en DPD au moyen d’une approche multiparamétrique [Boisdron-Celle et al., 2017]. Cette approche est basée sur 1) la détection de quatre variantes DPYD (c.1905+1G>A, c.2846A>T, c.1679T>G et c.295-298delTCAT), 2) le ratio [DHU]:[U] sanguin prétraitement ainsi que 3) certaines caractéristiques démographiques, comme le sexe et l’âge. Le détail de l’algorithme décisionnel associé à cette approche n’a toutefois pas été divulgué.

Au total, 1 116 patients atteints d’un cancer colorectal dont le plan de traitement incluait le 5-FU ont été admis à l’étude entre 2008 et 2012. Dans le groupe A, le statut DPD a été évalué de façon prospective et la dose initiale de 5-FU ajustée selon la capacité métabolique de chaque patient. Une surveillance

pharmacocinétique a ensuite été effectuée afin d’adapter davantage la dose administrée. Dans le groupe B, le 5-FU a été administré à une dose standard sans évaluation prétraitement du statut DPD. Cependant, un échantillon sanguin a été prélevé en début d’étude afin de procéder à une évaluation rétrospective du statut DPD chez les patients de ce groupe. La distribution des patients dans les groupes A et B a été déterminée en fonction de la pratique clinique habituelle de chaque institution. La toxicité a été évaluée selon les critères CTCAE (version 3.0) durant les deux premiers cycles du traitement. L’évaluation des effets indésirables de grade 4-5 constituait l’objectif principal de l’étude.

Les caractéristiques des patients sont présentées dans le tableau H1 en annexe.

Environ la moitié d’entre eux (51 %) ont été traités dans un contexte adjuvant. La majorité a reçu le 5-FU en combinaison avec l’oxaliplatine (63 % dans le groupe A et 76 % dans le groupe B) alors que 19 % des patients du groupe A et 14 % de ceux du groupe B l’ont reçu avec l’irinotécan.

2.4.2 Description des résultats

2.4.2.1 Utilité clinique du dépistage prospectif de la déficience en DPD Boisdron-Celle, 2017 : Parmi les 718 patients qui ont bénéficié d’un dépistage prospectif (groupe A), 15 (2,1 %) étaient porteurs d’une variation génétique DPYD (tableau 15). Selon l’approche multiparamétrique, 24 patients présentaient une déficience partielle et un patient (homozygote pour l’allèle c.1905+1G>A), une déficience complète en DPD. Les 24 patients ont été traités avec une dose initiale réduite suivie d’un ajustement individuel selon les données de la surveillance pharmacocinétique. Pour le patient ayant une déficience complète, le 5-FU a été remplacé par un autre inhibiteur de thymidylate synthase. Au cours des deux premiers cycles, neuf patients (1,2 %) dans le groupe A ont développé des effets indésirables de grade 4, dont un présentant une déficience partielle en DPD. Chez ce patient, une déficience en uridine diphosphate glucuronosyltransférase 1A1 (UGT1A1)6 a également été décelée (UGT1A1 7/7), sans ajustement de dose pour l’irinotécan.

L’évaluation du statut DPD des patients du groupe B a été entreprise de façon rétrospective. Onze patients (2,8 %) étaient porteurs d’une variante DPYD.

L’approche multiparamétrique a révélé que 34 patients présentaient une déficience partielle et un patient, une déficience complète en DPD. Des effets indésirables de grade 4-5 ont été observés chez 12 patients (3,0 %) au cours des deux premiers cycles; 4 d’entre eux avaient une déficience partielle en DPD. Une toxicité

multiviscérale de grade 5 a été observée chez une femme de 65 ans traitée selon le protocole FOLFOX4 dans un contexte adjuvant pour une tumeur au côlon de stade T3N1. L’évaluation rétrospective du statut DPD à l’aide de l’approche

multiparamétrique a indiqué que la patiente avait une déficience complète en DPD et portait la variante c.2846A>T à l’état hétérozygote.

6 L’uridine diphosphate glucuronosyltransférase 1A1 est une enzyme hépatique impliquée dans le métabolisme de l’irinotécan.

Tableau 15 Utilité clinique du dépistage prospectif de la déficience en DPD au moyen de l’approche multiparamétrique

PARAMÈTRE ÉVALUÉ

Déficience partielle, n (%) Analyse multiparamétrique, n

Source : Boisdron-Celle et al., 2017.

[DHU] : concentration en dihydrouracile; het : hétérozygote; hm : homozygote; [U] : concentration en uracile.

Les résultats en caractères gras sont statistiquement significatifs.

* Traitement selon le protocole FOLFOX4. La patiente a reçu une dose de 4 536 mg de 5-fluorouracile (2 400 mg/m2 sur 48 heures).

L’étude a été interrompue prématurément suivant la décision d’un comité d’experts indépendant, en raison de préoccupations éthiques. Les données disponibles ont démontré une réduction significative du taux de patients qui ont manifesté des effets indésirables de grade ≥ 4 lorsque le statut DPD avait été déterminé avant le traitement (1,2 % vs 3,0 %; p = 0,0406). Le détail des ajustements thérapeutiques appliqués dans le groupe A n’a toutefois pas été rapporté par les auteurs. De plus, les résultats pourraient avoir été affectés par la proportion plus élevée de cas de déficience en DPD dans le groupe B par rapport au groupe A (5,53 % vs 1,39 % selon le phénotype DHU/U et 8,54 % vs 3,34 % selon l’approche

multiparamétrique). Les auteurs sont d’avis que l’évaluation préthérapeutique de la déficience en DPD devrait être considérée pour tous les patients dont le plan de traitement comprend un régime à base de fluoropyrimidines.

Les recommandations de divers organismes internationaux concernant la recherche prospective de variantes DPYD sont présentées à la section 2.6.

EN BREF

La toxicité associée à une approche prospective basée uniquement sur le génotypage d’allèles DPYD n’a pas été comparée globalement à celle observée chez les patients traités d’emblée avec une dose standard de fluoropyrimidines, sans égard au génotype.

L’utilisation prospective de l’analyse multiparamétrique pour déceler la déficience en DPD a permis de montrer une réduction de la fréquence des cas de toxicité sévère.

Le déséquilibre observé dans la répartition des patients atteints d’une déficience en DPD, l’absence de détails sur les critères qui définissent l’état de déficience et sur les réductions de doses appliquées limitent la portée des résultats présentés.