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La recherche de l'efficacité comme moyen de renouveler les services offerts

Dans le document LA NOTION DE SERVICE PUBLIC (Page 55-58)

Réduire les coûts : un objectif louable !

"Faut-il entreprendre une étude comparative du coût des bibliothèques par rapport à d'autres équipements culturels ? Comparer la BNF à l'Opéra ou les BMVR aux centres dramatiques (...) ? Que recherche-t-on au demeurant ? A définir les contours d'un service rentable et donc rémunérateur ?"189 Ces questions incitent bien évidemment à la mesure : la notion de rentabilité économique n'est pas transposable en soi aux bibliothèques et il serait absurde de rechercher plus que l'équilibre des recettes et des dépenses, comme principe de bonne gestion.

Mais rechercher l'efficacité et l'efficience est autre chose : la première signifie que les résultats seront conformes aux objectifs initiaux ; la seconde que ces résultats seront obtenus en cohérence avec les moyens dont on dispose. Entendons donc plutôt "efficacité économique" dans une acception proche du principe "d'optimisation" des dépenses, en tant que volonté de réduire les investissements improductifs, voire les gaspillages.

A ce titre-là, nous avons déjà vu que des expériences de mutualisation et de coopération permettaient de faire des économies sur des fonctions et des espaces communs, en optimisant la dépense publique sur des projets par ailleurs originaux. Il est cependant question aujourd'hui de démarches moins traditionnelles : l'automatisation des prêts et des retours est en cours dans de nombreux établissements, qui équipent leurs ouvrages de puces RFID190 facilitant aussi des opérations de gestion plus lourdes, comme le récolement des collections.

Ce qui fait sens de nouveau dans ces choix est de libérer les personnels chargés de ce travail pour les rendre plus attentifs à l'accueil du public (meilleure disponibilité pour renseigner les usagers, liberté de cheminer dans les salles pour des aides ponctuelles plus personnalisées, etc.) mais aussi pour faire basculer les compétences vers des services plus "innovants" tels que la rédaction de produits documentaires, l'accueil de groupes scolaires, les actions de communication, etc. L'économie se fait ici dans la mobilisation d'agents sur des fonctions nouvelles, à effectifs constants : ces réorganisations peuvent donc avoir des incidences tout à fait positives sur les services rendus. Elles ne sauraient cependant être envisagées sans le corollaire indispensable à toute mutation importante dans une organisation : la formation des agents.

Certaines expériences d'externalisation peuvent éveiller le même intérêt. La société privée québécoise Biblio RPL présentait ainsi (en 1997-1998) l'intérêt de faire appel à ses services pour le catalogage des ouvrages : estimant le coût de catalogage par titre dans une bibliothèque publique à 17 $, sans compter "certains autres coûts récurrents tels que celui lié à la dérivation de notices, de la papeterie, de l'entretien des lieux (et) de ceux liés aux outils de

189Jean-Claude Groshens (Président du Conseil supérieur des bibliothèques). Questionnements généraux, Bulletin d'information de l'ABF, n

°184-185, 1999, p. 78

190Radio Frequency Identification

travail, des équipements informatiques etc. Le service Biblio RPL vous permettra d'effectuer des économies de 30 à 60% selon le genre de documents traités et les options choisies, par rapport aux coûts de traitement à l'interne"191. La directrice de la bibliothèque de Lachine au Québec, cliente de Biblio RPL, évaluait à l'époque l'économie effectuée à 40%, en ne prenant en compte que le salaire des bibliothécaires, le coût du catalogage et de la reliure... Nous n'avons certes pas la même "culture" gestionnaire qu'au Québec et le contrôle des coûts ne saurait être recherché pour lui-même : externaliser, c'est en effet avant tout "une opportunité de renforcer, développer ou diversifier l'activité des services documentation en direction de leur public"192. Nous pouvons pourtant imaginer combien de services nouveaux ou meilleurs pourraient rendre les bibliothèques françaises en externalisant au moins une partie des tâches de catalogage qui occupent encore aujourd'hui la quasi totalité des personnels de catégorie B.

Des financements nouveaux pour changer d'image

La tendance à la réduction des budgets et l'encouragement à la recherche de financements extérieurs, réalité aujourd'hui en France, a constitué le quotidien des bibliothèques britanniques dès la fin des années 1990. Un rapport de la British Library Association de 1996 énonçait clairement les objectifs des institutions : baisser les coûts de 65%, réduire le budget des livres de 47% et celui des périodiques de 42% ; face à cela : augmenter l'offre de services électroniques de 30%, les horaires d'ouverture de 40% et le nombre de places assises de 27%193. Dans ce contexte-là, l'incitation des bibliothèques d'universités à développer leurs ressources propres est devenue très forte : location de locaux pour l'accueil de groupes extérieurs, organisation de formations et d'expositions ou encore tarification de services informatiques, le principe de faire payer certains services est devenu courant. Il a fallu aussi inventer de nouvelles sources d'entrée d'argent : publication de collections d'articles, de thèses et d'actes de congrès, production de logiciels informatiques et de documents multimédias, vente de fournitures de bureau et fournitures pour ordinateurs, mais aussi cartes téléphoniques, timbres, rafraîchissements et boissons...

Ces solutions paraissent à première vue difficilement transposables en France194 ; il est vrai d'ailleurs que la politique de perception de recettes extérieures peut porter atteinte aux activités fondamentales de la bibliothèque, de même que les actions en direction de clients extérieurs peuvent nuire aux activités essentielles de la bibliothèque. Ce qui fait peur ici c'est, avec l'introduction de la notion de client, la disparition du principe de l'égalité de traitement très cher à la France : l'agent peut se sentir "astreint au service de clients qui ne sont pas tous égaux, car on distingue désormais les "grands comptes" (gros clients)"195. Il faut en même temps faire la part des choses et reconnaître que ces démarches peuvent contribuer à mettre une bibliothèque en vue, et promouvoir son image au sein de son université ou de sa collectivité. Il n'est qu'à voir à quel point l'action de la RMN (Réunion des Musées nationaux) a dépoussiéré l'image des musées en France. Créé dès 1896, cet établissement transformé en EPIC en 1990196 a été chargé de nouvelles missions, dont la diffusion culturelle autour

191Cité par Cécile Touitou, Externalisation et privatisation, Bulletin des bibliothèques de France, n°2, 2008, p. 20-27

192ADBS. L'externalisation dans les services documentation : premiers résultats d'une enquête nationale, Documentaliste - Sciences de l'information, n°6, 2003, p. 373-374

193Voir Graham Bulpitt. Les services tarifés dans les bibliothèques anglaises, Bulletin d'information de l'ABF, n°184-185, 1999, p. 50-55

194Quoique certaines bibliothèques françaises offrent déjà des services payants : la bibliothèque Cujas abrite un service de recherches bibliographiques juridiques facturées aux professionnels qui les font faire (le CERDOC) ; de même le laboratoire photo de la Bibliothèque inter-universitaire de médecine (BIUM) de Paris vend ses travaux de reproductions.

195En résistance à ces évolutions, les "Robins des Bois" à Électricité de France, ont refusé de couper le courant à ceux qui ne peuvent pas payer. Cf Danièle Linhart. Comment l'entreprise usurpe les valeurs du service public, Le Monde diplomatique, n°666, 2009, p.20

196Établissement public à caractère industriel et commercial, sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Communication. Décision du 14 novembre 1990.

d'expositions et autres événements. La RMN regroupe aujourd'hui 35 musées et fait beaucoup pour l'enrichissement et "la meilleure connaissance du patrimoine culturel, en facilitant sa découverte par tous les publics"197. Parmi ces actions, la déclinaison et la vente de produits dont des catalogues d'exposition, des reproductions d'œuvres d'art mais aussi des objets plus insolites, au sein de ses nombreuses boutiques, ont fortement contribué à populariser les musées et à les faire connaître sous un jour à la fois "élégant" et moderne auprès du grand public.

Ce grand public sait peut-être moins que la RMN compte aussi des mécènes, parmi lesquels Airbus, AGF, Christian Dior ou Nissan... Le mécénat, en effet, représente une piste de financement largement exploité aujourd'hui. Naturelle côté américain et britannique, familier du sponsoring et du fundraising, cette démarche l'est moins en France. Pourtant la BNF finance une partie de ses expositions à l'aide d'opérations de mécénat depuis 1999 ; elle compte aussi parmi ses services une "Délégation au mécénat" et organise chaque année un grand "Dîner des mécènes"198... Ces opérations-là nécessitent toujours de soigner sa communication et son image et d'être à l'écoute des évolutions de la société, pour se montrer moderne, attractif et "en phase" avec elle. Bien sûr il faut se garder de tomber dans la pure séduction commerciale et c'est bien là le risque qu'encourraient des institutions culturelles uniquement financées par la sphère privée, mais pour l'heure il est bien seulement question de ressources complémentaires : c'est dans ce cadre-là que le mécénat, et plus globalement l'incitation à rechercher des financements extérieurs, peut se révéler propice à plus de dynamisme.

L'avenir des partenariats

On ne saurait négliger à cet égard l'intérêt des partenariats publics-privés. Cette forme de contrat a été introduite en France par l'ordonnance du 17 juin 2004 et la possibilité d'y recourir élargie et facilitée par la loi du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariats. Plus qu'une répartition des rôles entre éditeurs et bibliothécaires pour le traitement des ouvrages, par exemple (fourniture des information relatives au travail de saisie pour leur catalogage), on songe à de véritables partenariats, c'est-à-dire des contrats par lesquels les personnes publiques confient à des tiers "une mission globale relative au financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou d'équipements nécessaires au service public, à la construction ou à la transformation des ouvrages ou équipements ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion"199.

C'est le cas de l'offre numérique qui nous intéresse notamment ici : il ne semble plus concevable d'imaginer aujourd'hui une offre de documents numériques purement publique, ne serait-ce que parce que ce secteur porte aujourd'hui une dimension économique aussi lourde en chiffre d'affaire que stratégique en terme de valorisation d'autres activités (voir les enjeux colossaux que constituent pour Google son projet de "bibliothèque numérique mondiale").

Relativement aux sommes d'argent en jeu, mais aussi parce que les bibliothèques pourraient sans conteste tirer partie de compétences présentes ailleurs, les partenariats public-privé ne doivent pas être exclus des modes d'action possibles des bibliothèques aujourd'hui. Le modèle économique proposé par Gallica 2, à cet égard, "en offrant à partir d'une même recherche l'accès gratuit aux documents libres de droit tout en renvoyant quant au reste à des

197Mieux connaître la RMN [en ligne] <http:www.rmn.fr/francais/mieux-connaitre-la-rmn> (Consulté le 20 décembre 2009)

198Voir la page d'accueil de la rubrique "Mécénat / Partenariats" : le texte introductif est aussi court qu'explicite : "la BNF recherche le concours de partenaires financiers" <http://www.bnf.fr/pages/mecenat/accueil.htm> (Consulté le 20 décembre 2009)

199Jacques Chevallier. Le service public. Paris : PUF, 2008, p .108

plateformes où les droits sont gérés par des éditeurs (...), offre un bel exemple de tentative de mutualisation et de coopération où service public et entreprises se retrouvent au service de l'intérêt public"200.

Qualité et évaluation au service d'une réflexion sur les

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