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: Une scolarisation nécessaire

149. La scolarisation est un point d’ancrage contre la délinquance, dès lors, afin de rendre celle-ci efficace, les mineurs non accompagnés doivent intégrer le cursus scolaire à tout âge (A), bien que ce ne soit pas le cas aujourd’hui. De surcroît, comme il a été étudié plus tôt, les procédures conférant le statut de mineur non accompagné et la protection s’y afférent peuvent être très longues, dès lors, l’insertion dans le système scolaire doit intervenir de manière anticipée (B).

A- L’indifférence de l’âge du mineur

150. Le droit à la scolarisation du mineur. De nombreux textes internationaux et au sein du droit interne viennent consacrer le droit à la scolarisation des mineurs. Le droit à l’instruction est garanti à toute personne au sein du protocole additionnel à la CESDH en son article 2, à cet égard « nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction ». Les États signataires de ladite convention se sont engagés à la respecter, dès lors ce droit à l’éducation est une obligation positive imposée à ces derniers, et partant à la France. Pour les mineurs en particulier, l’article 28 de la CIDE édicte « le droit de l’enfant à l’éducation ». Au sein du droit interne, l’article L.111-1 du Code de l’éducation énonce que

« Le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté ». Fort de toutes ces dispositions, le droit à l’instruction est un droit fondamental qui doit être effectivement exercé par l’Etat français, et ce d’autant plus qu’il est consacré par le bloc de constitutionnalité au sein du Préambule de la Constitution de 1946.

151. Le droit à l’éducation pour les mineurs étrangers. Le droit à l’éducation tel que prévu par les textes précités a vocation à s’appliquer à toute personne. En effet, tant les normes nationales qu’internationales ne font de distinction entre des mineurs nationaux et étrangers, fort heureusement. Cette obligation d’offrir une instruction aux mineurs imposée à l’Etat s’applique alors à tous les mineurs résidant sur le territoire français. Une circulaire en date de 2012 , bien que peu ancienne, relève alors que « l’école est un droit pour tous 216 les enfants résidant sur le territoire national quels que soient leur nationalité, leur statut migratoire ou leur parcours antérieur ». Dès lors, nul doute quant au droit des mineurs non accompagnés à être éduqués et donc scolarisés au sein de l’éducation nationale. De surcroît, le Conseil d’Etat affirme que le fait de priver un enfant isolé de toute possibilité de scolarisation est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale . 217

Circulaire du 2 octobre 2012 n°2012-141 relative à l’organisation de la scolarité des élèves allophones

216

nouvellement arrivés, NOR REDE1236612C.

CE, 15 février 2017 n°407355

217

152. Le mineur de plus de 16 ans. Si l’article L.131-1 du Code de l’éducation prévoit que le droit à l’instruction est une obligation « pour chaque enfant dès l'âge de trois ans et jusqu'à l'âge de seize ans », qu’en est-il alors pour les mineurs de plus de 16 ans ? Les mineurs non accompagnés recueillis en France ont souvent plus que cet âge prévu par l’article, peuvent-ils avoir droit à l’éducation ? Par principe, rien ne l’empêche et tout le conseille. La Défenseure des droits affirme que la limite d’âge obligatoire de 16 ans ne fait en rien obstacle à une personne de plus de 16 ans d’être scolarisée si elle le demande . 218 Fort de ce qui précède, les jeunes adolescents qu’ils soient français ou étrangers ont droit à cette éducation. Dès lors, en présence d’une telle demande émanent d’un enfant l’Etat se doit de lui garantir la possibilité d’être scolarisé. Plus qu’un droit, il faudrait que les mineurs non accompagnés soient tous scolarisés, peu importe leur âge, seul un refus express de leur part une fois leur 16 ans révolus pourrait exonérer l’État de cette obligation.

153. De surcroît, afin de respecter les obligations internationales et le droit français, l’Etat doit insérer le jeune dans le système scolaire dès son arrivée sur le territoire.

B- Une scolarisation anticipée

154. Une scolarisation pas à la hauteur des enjeux. La scolarisation est donc essentielle pour les jeunes se présentant comme mineurs non accompagnés, tant pour lutter contre la délinquance que pour leurs assurer un avenir. Cependant, l’insertion dans le système scolaire de ces jeunes « n’est pas à la hauteur des enjeux dans beaucoup de départements » . En effet, dans certains de ces départements, la scolarisation n’intervient 219 pas avant la fin de la procédure d’évaluation qui peut, comme il a été vu précédemment, être très longue . Dès lors, l’avenir du mineur qui dépend en grande partie de cette 220 scolarisation ou des formations professionnalisantes est « mal assuré » . 221

DÉFENSEUR DES DROITS, Rapport, Les mineurs non accompagnés au regard du droit,… op. cit.

218

H. BOURGI ET AUTRES, Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires sociales et de

219

la commission des lois constitutionnelles,… op. cit.

Idem.

220

Idem.

221

155. Des procédures retardant la scolarisation. De surcroît, les procédures permettant d’intégrer les jeunes mineurs étrangers au sein de l’éducation nationale sont trop longues et trop complexes . Dès lors, certains enfants restent plus d’un an sans avoir 222 accès à ce droit à l’instruction pourtant garanti par grand nombre de dispositions nationales et internationales. En effet, les mineurs non accompagnés étant des jeunes étrangers sont soumis antérieurement à leur scolarisation à des évaluations par le centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (CASNAV) . Dès lors, cette procédure vient aussi retarder la 223 scolarisation des jeunes dans la mesure où les entretiens avec la CASNAV s’effectuent en moyenne plus de 2 mois après la prise en charge des jeunes . Bien que la scolarisation 224 adaptée soit nécessaire, par exemple grâce à des enseignements de français intensifs, un écart immense entre le droit et la pratique se crée. 225

156. Une nécessaire pré-scolarisation. En adéquation avec les recommandations formulées par les sénateurs , il est ici affirmé que la scolarisation doit intervenir le plus 226 rapidement possible. En effet, dès lors qu’ils ne sont pas manifestement majeurs, les jeunes doivent être scolarisés, ou tout au moins pré-scolarisés, et ce, avant même la fin de leur évaluation. A fortiori, la scolarisation doit intervenir dès la phase de mise à l’abri des jeunes. Les jeunes doivent pouvoir insérer le système scolaire avant le début d’une rentrée scolaire, il ne peut être attendu septembre . La Défenseure des droits recommande aussi 227 en ce sens que « le temps de l’évaluation des jeunes gens se disant mineurs non accompagnés soit mis à profit pour engager immédiatement les procédures d’accès à l’éducation. En effet, la décision administrative de refus de prise en charge elle-même n’est pas une décision définitive dans la mesure où la personne évaluée majeure conserve la possibilité de saisir le juge des enfants de sa situation » . En effet, si la personne est 228 finalement majeure, il faudra la déscolariser, mais n’étant pas en possession de telle preuve, toute personne se présentant comme mineure non accompagnée doit être scolarisée

Idem.

222

Idem.

223

Idem.

224

J. FIALAIRE (dir.), Du droit à l’éducation à la protection de l’enfance, entre bonheur et bien être,

225

Nantes, LexisNexis, 2019.

H. BOURGI ET AUTRES, Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires sociales et de

226

la commission des lois constitutionnelles,… op. cit.

Idem.

227

Défenseur des droits, 5 novembre 2021, décision n°2021-230.

228

dans l’attente. Le désagrément causé par une telle déscolarisation n’est rien en vue des bénéfices apportés aux jeunes réellement mineurs qui seront scolarisés de manière anticipée.

157. S’il est si important d’offrir le droit à l’instruction ou à la formation aux enfants de manière anticipée, et le plus rapidement possible, c’est car cette scolarisation aura un impact important sur l’intégration de ce dernier dans la société.