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La régulation du cycle cellulaire par Staufen1

2. Résultats

3.2. La régulation du cycle cellulaire par Staufen1

Le fait que les niveaux de STAU1 soient modulés au cours du cycle cellulaire suggère que cette modulation est importante pour ses fonctions régulatrices du cycle. Ainsi, il a été démontré qu’une expression forcée de Staufen1 dans les cellules transformées retarde la sortie de mitose, et ralentit considérablement la prolifération de ces cellules. Des études récentes indiquent la possibilité que STAU1 puisse jouer un rôle dans l’apoptose (222, 227), la survie cellulaire (223) et la quiescence (192). Nos résultats indiquent que cet effet inhibiteur sur la prolifération dans les cellules du cancer colorectal HCT, ne passe, ni par l’activation des voies apoptotiques, ni par celles qui mènent à la sénescence ou mêmes par celles qui font sortir les cellules du cycle cellulaire (section 2.1.12. figure 2), et suggère plutôt un effet de ralentissement global des cellules dans leur progression. Une autre possibilité est qu’une forte expression de Staufen1 soit délétère pour les cellules tumorales, ce qui explique les faibles niveaux d’expression de STAU1 exogène dans ces cellules. Cela pourrait relater une sélection

protectrice de la part des cellules transformées pour exprimer la protéine STAU1. Cette sélection garantit la survie cellulaire, même si elle en ralentit la vitesse de division.

Dans des cellules non transformées, comme les fibroblastes de poumon IMR90 ou bien les cellules hTert-RPE, STAU1 semble promouvoir la prolifération en général, et les transitions G1/S et G2/M en particulier. Ces résultats sont d’autant plus percutants que l’inhibition de l’expression de STAU1 affecte négativement l’expression de gènes pro- prolifération comme E2F1, DP1, SKP2, Cyclin B, MCM4 et KI67 (section 2.2.9. figure 5). Cette régulation négative des gènes impliqués dans la régulation positive des transitions du cycle cellulaire est accompagnée par la hausse d’expression de gènes impliqués dans les points de contrôle et l’inhibition de la progression du cycle. On peut citer CHK2, MRE11 et p21. En harmonie avec ces résultats, des études faites sur la différenciation des cellules C2C12 en myotubes montrent que le maintien forcé d’un niveau d’expression stable de STAU1 est une approche pro-prolifération et anti-différenciation et ce, en se basant sur deux observations : la première est que la baisse des niveaux d’expression de STAU1 est requise pour le processus de différenciation. La deuxième est que cette importance est due au fait que STAU1 favorise une traduction active du facteur c-MYC, connu pour ses rôles activateurs de la prolifération cellulaire et inhibiteurs de la différenciation. La baisse de Staufen1 pendant le processus de régulation est partielle, et la population de STAU1 persistante semble jouer un rôle positif dans la différenciation, par des mécanismes dépendants et indépendants du SMD ( section 1.3.8.4).

Le fait que STAU1 soit multi-fonctionnel suggère qu’il existe plusieurs sous- populations de la protéine dans la cellule. Dans le cadre du cycle cellulaire, une modulation de son expression pourrait toucher d’une manière différentielle l’une ou l’autre de ces sous- populations, et impliquerait par conséquent une modulation de la balance fonctionnelle entre épissage, transport, traduction et SMD. Une approche préliminaire faite précédemment dans notre laboratoire aspirait à suivre le SMD en fonction du cycle cellulaire, et ce, à travers l’étude de l’interaction entre STAU1 et UPF1, son partenaire requis pour la dégradation des transcrits cibles (229). Selon ces résultats préliminaires obtenus dans les HEK293T, la stabilisation croissante de STAU1 jusqu’à l’entrée de la mitose, juste avant sa dégradation

partielle, est accompagnée d’une perte d’association significative avec UPF1, suggérant une perte d’efficacité du SMD en faveur d’autres mécanismes d’action.

Dans la même perspective, et afin d’évaluer le degré d’implication de STAU1 dans la traduction tout au long du cycle cellulaire, nous avons suivi l’association de STAU1 avec les polysomes dans les extraits de cellules synchronisées à différents transitions (figure 1).

Figure1

.

Expérience préliminaire montrant que l’association entre Staufen1 et les polysomes varient en fonction du cycle cellulaire.

Les cellules hTert-RPE Asynchrones (AS) ont été sorties du cycle (G0) par privation de sérum pendant 24 heures, ensuite relâchées dans un milieu complet pendant 12 heures (G1/S) et 18 heures (G2/M). Les cellules (AS), celles en (G0), en (G1/S) et en (G2/M) sont collectées et les extraits cellulaires sont fractionnés par un gradient de sucrose afin de séparer les différentes fractions ribosomiques et polysomiques. Ces différentes fractions sont analysées par immunobuvardages de type Western, afin de détecter la protéine STAU1, ainsi

que les protéines ribosomales RPS6 (marqueur de la sous-unité 40S des ribosomes). Comme il a été rapporté auparavant (201), STAU1 se retrouve dans les fractions ribosomiques et polysomiques. À la quiescence, la proportion de STAU1 localisée dans les fractions lourdes est fortement diminuée et se retrouve enrichie à la transition G1/S pour diminuer encore une fois à la transition G2/M.

Ces résultats préliminaires montrent que la localisation de STAU1 aux polysomes varie dans le cycle cellulaire, et suggèrent que ses fonctions associées à la régulation de la traduction sont activées d’une manière préférentielle à la transition G1/S.

Il serait intéressant de démêler toute la dynamique fonctionnelle de STAU1 dans le contexte de la prolifération et de la division cellulaire. Les études antérieures de RIP (168, 169), RIPiT (207) ou de hiCLIP (208) menées à grande échelle, avaient déjà identifié des populations d’ARNm associées à STAU1, ou aux complexes RNP de STAU1. Cependant, ces études utilisent comme modèles les lignées HeLa ou HEK293, deux lignées de cellules transformées et particulièrement instables sur le plan génétique. La variabilité génétique et transcriptionnelle entre les différentes lignées cellulaires transformées, et même au sein de la même lignée, récemment démontrée dans la revue Nature (236), explique la grande hétérogénéité des résultats entre les différentes études. De plus, ces immunoprécipitations ont été réalisées sur des cellules asynchrones, ce qui fait que les cibles identifiées ne sont pas associés spécifiquement aux phases du cycle cellulaire. Enfin, l’approche, majoritairement utilisée pour ces travaux, consiste à immunoprécipiter des protéines STAU1 exogènes. Ceci ajoute donc une limite de plus quant à la spécificité et au réalisme des cibles identifiées. Afin d’étudier spécifiquement la dynamique des ARNm associés à STAU1 au cours du cycle cellulaire, une immunoprécipitation à l’ARN de la protéine STAU1 endogène, et dans des cellules hTert-RPE serait pertinente. Ces cellules seront bloquées puis relâchées pour être collectées à différentes phases du cycle cellulaire. L’utilisation de l’approche par hiCLIP, dépendamment des phases du cycle de division, permettra non seulement de valider les cibles potentielles de STAU1, mais elle mettra en évidence les sites et les structures de liaison en fonction de la progression du cycle cellulaire. Il serait ainsi intéressant de visualiser la dynamique de liaison de STAU1 avec ses cibles (alternances entre séquences en 5’UTR,en 3’UTR et au CDS, dynamique des structures secondaires ciblées, association au duplex intra et

intermoléculaires, implication des Long ARN non codants). Une purification des complexes protéiques de STAU1, couplée à l’analyse par spectrométrie de masse donnerait également un éclairage sur la dynamique d’interaction protéine-protéine dépendamment du cycle cellulaire. Les informations obtenus quant à la corrélation entre cibles post-transcriptionnels et partenaires protéiques, fourniront clairement des pistes sur le mode d’action de STAU1 vis-à- vis de ses cibles au cours des épisodes de prolifération (Épissage, transport, traduction et SMD).