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LA RÉFORME DU CADRE

RÉGLEMENTAIRE EUROPÉEN DES

COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES

« Les grands réseaux européens constituent un terrain d’élection, pour l’action, et surtout pour l’invention réglementaire. »

INTRODUCTION DU CHAPITRE 2

La Commission européenne a conduit entre 1999 et 2002 un des plus vastes et ambitieux projets de réforme réglementaire au monde, qui a abouti à la mise en place d’une nouvelle structure de gouvernance pour réguler les marchés de communications électroniques44. Cette réforme s’est traduite par les cinq principaux changements suivants :

• la refonte des directives de libéralisation et d’harmonisation en six textes fondamentaux ;

• l’articulation du droit de la concurrence et des règles sectorielles des télécommunications et de l’audiovisuel ;

• la création d’une nouvelle structure de gouvernance régissant la coordination, de nature contractuelle, entre les régulateurs nationaux et les institutions européennes ;

• la redéfinition des droits, des responsabilités et des pouvoirs décisionnels des régulateurs nationaux ;

• la création, par une décision de la Commission européenne, du Groupe des Régulateurs européens (GRE) qui réunit 33 régulateurs nationaux45.

La structure de coordination issue de la réforme est complexe, d’une part, en raison de la multiplicité des acteurs impliqués dans la nouvelle division du travail réglementaire, et d’autre part, du fait des conflits de pouvoir entre institutions, ayant pour enjeux le rôle et la place des régulateurs nationaux dans le dispositif institutionnel et juridique communautaire.

44 Les services de communications électroniques comprennent les services de télécommunications et les

services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion, à l’exclusion des services consistant à fournir un contenu transmis à l’aide de réseaux et de services de communications électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale sur le contenu.

45 Les membres du GRE sont les autorités nationales de régulation des 27 Etats membres de l’Union

européenne, des 4 Etats membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE) (Suisse, Norvège, Islande et Liechtenstein) et des 2 Etats candidats à l’adhésion (Croatie et Turquie).

Chapitre 2

Nous avons choisi de nous focaliser sur ce changement institutionnel original, et de nous intéresser plus particulièrement aux mécanismes de coordination, de nature contractuelle, régissant les relations entre les régulateurs nationaux et les institutions européennes. Le passage d’un mode de coordination par le contrôle de la Commission européenne à une régulation par la coordination, caractérisée par le travail en réseau des régulateurs nationaux, consacre un nouveau mode de coopération interinstitutionnelle par délégation des pouvoirs des Etats.

L’approche contractuelle que nous adoptons distingue notre travail de recherche de la plupart des analyses relatives au cadre réglementaire des communications électroniques. En effet, ces analyses se concentrent essentiellement sur l’aspect de la convergence des technologies pour expliquer la nécessité de réexaminer le dispositif juridique européen (NIHOUL et RODFORD [2004] p. 60). Bien que déterminant, cet argument nous semble insuffisant pour expliquer à lui seul la réforme, la nature et la multiplicité des arrangements institutionnels qui en résulte.

D’une part, nous mettons en évidence les facteurs économiques et les enjeux politiques ayant conduit au réexamen des directives, et d’autre part, nous examinons attentivement les nouvelles règles du jeu pour réguler les marchés. Notre objectif est de fournir l’arrière-plan aux questions théoriques soulevées par la régulation décentralisée d’un marché de services publics de réseau, et d’ancrer notre démarche dans la lignée des travaux contemporains de la théorie des coûts de transaction et de l’analyse de la réglementation des services publics de réseau.

Ce chapitre comprend deux sections. La section 1 analyse les facteurs explicatifs de la genèse du nouveau dispositif juridique européen. La section 2 étudie les conséquences de la réforme pour la régulation des marchés et, plus particulièrement, les mécanismes quasi-contractuels régissant la coordination des pouvoirs entre les institutions réglementaires nationales et européennes.

SECTION 1. LA GENÈSE DU NOUVEAU CADRE

RÉGLEMENTAIRE EUROPÉEN

Le 7 mars 2002, un nouveau cadre réglementaire relatif aux services et aux réseaux de communications électroniques a été définitivement adopté par le Parlement européen et le Conseil des ministres de l’Union européenne, au terme d’un « réexamen »46 entamé par la Commission européenne en 199947. Le cadre réglementaire fixe les tâches incombant aux autorités réglementaires nationales et établit une série de procédures visant à garantir l’application harmonisée des règles dans l’ensemble de l’Union.

La compréhension des objectifs et des circonstances de la genèse du cadre réglementaire nous apparaît une étape indispensable pour apprécier la pertinence et l’efficacité de la réforme, identifier les facteurs ayant conduit aux changements organisationnels, et juger du nouveau design institutionnel de la régulation.

La plupart des analyses relatives au nouveau cadre juridique se concentrent essentiellement sur le contexte technologique pour expliquer la nécessité de réexaminer le dispositif réglementaire européen. Bien que déterminant, cet argument nous semble insuffisant pour expliquer à lui seul la réforme, la nature et la multiplicité des arrangements institutionnels qui en résulte.

Après avoir abordé le contexte technologique du réexamen (section 1.1.), nous analysons les facteurs économiques notamment la diversité des situations de concurrence sur les marchés (section 1.2.), puis les enjeux politiques qui ont conditionné la forme de la nouvelle structure de régulation (section 1.3.).

46 Plusieurs directives communautaires encadrant le secteur des télécommunications comportaient une

clause de réexamen à différentes dates, dont certaines pour la fin 1999, d’où le terme de « réexamen 1999 » qui a été parfois employé.

47 Le 10 novembre 1999, la Commission européenne a publié une communication intitulée « vers un

nouveau cadre pour les infrastructures de communications électroniques et les services associés » et engagé une consultation publique sur ce document.

Chapitre 2

1.1. Le contexte technologique

Si le contexte technologique est l’un des facteurs explicatifs du réexamen de l’ancien cadre réglementaire, il nous paraît utile de distinguer dans notre analyse, d’une part, l’influence de la convergence sectorielle, et d’autre part, le développement des réseaux et des services européens transnationaux. Tandis que la convergence des technologies de l’informatique et des télécommunications a de profondes répercussions sur l’intégration des réseaux et la diversification des services, et de fortes incidences sur leur encadrement réglementaire, la constitution de grands réseaux transfrontières interconnectés et interopérables exige une coordination européenne complexe pour établir et appliquer les règles entre les Etats membres.

1.1.1. La prise en compte de la convergence sectorielle

L’évolution technologique était initialement considérée par les opérateurs de télécommunications comme monolithique et unidirectionnelle. Les innovations étaient soigneusement sélectionnées et introduites progressivement au sein des réseaux publics pour être généralisées de manière homogène autour de standards nationaux ou internationaux (PHAN [1996]).

Cependant, l’adoption de technologies issues des industries électronique et informatique modifia fortement le secteur des télécommunications. Grâce aux progrès effectués dans les circuits intégrés, le traitement numérique de l’information s’imposa progressivement à partir des années 1970. Lors de leur transmission, les signaux numérisés sont beaucoup plus facilement restituables à l’identique que les signaux analogiques, sensibles en particulier aux perturbations électromagnétiques et aux distorsions liées à l’affaiblissement du signal. La numérisation48 a permis d’améliorer l’efficacité des deux fonctions de base d’un système de télécommunication : la commutation, c’est-à-dire le pilotage des flux d’information dans le réseau, et la transmission, c’est-à-dire le transport de ces flux (DANG NGUYEN et PHAN [2000] p. 27). En somme, la numérisation a contribué à améliorer le rendement des réseaux, la

48 La numérisation consiste à coder le signal sous la forme de signaux discrets (0 ou 1) appelés « bits »

pour permettre la production et la diffusion de l’information, alors que dans le mode analogique le signal varie de manière continue.

qualité et la nature des services. Elle a également rendu transparente la nature du signal (voix, données ou image), et mis fin au cloisonnement du secteur.

Ces changements permettent de transmettre les données sur tous les réseaux et d’y accéder à partir d’une large gamme de terminaux. Le progrès technique a rendu possible une forte diversification des services et leur autonomie croissante par rapport à l’exploitation des réseaux. Ce processus est connu sous le nom de « convergence ». En fait, une double convergence est aujourd’hui à l’œuvre : une convergence des réseaux de données et des réseaux servant au transport de la voix, d’une part, et une convergence des réseaux de télécommunications et des réseaux audiovisuels, d’autre part49.

Dès lors, se posent les questions de l’adaptation du cadre réglementaire à ces évolutions et de la structure des institutions réglementaires. Dans la mesure où des marchés composés d’un certain nombre de produits substituables s’étendent sur deux secteurs réglementés ou davantage, un risque de distorsion de la concurrence peut découler de l’application de réglementations sectorielles différentes. Ce problème est aggravé par une tendance croissante des firmes à opérer dans plusieurs secteurs réglementés. En effet, les opérateurs de télécommunications, les câblo-opérateurs et les fournisseurs de services Internet s’engagent de plus en plus dans la prestation de services qui couvrent ces trois domaines d’activités (OCDE [1998] p. 4).

La convergence rend de plus en plus obsolète la séparation traditionnelle des fonctions réglementaires entre les secteurs, et requiert un régime réglementaire cohérent. Le nouveau cadre réglementaire vise justement à prendre en compte ces évolutions en évitant de favoriser une technologie au détriment d’une autre. Cette approche, encore appelée « neutralité technologique », consiste à introduire une réglementation autorisant la fourniture d’un même service sur des réseaux différents régis par des règles communes.

49 La Commission européenne a publié en 1997 un Livre vert sur la convergence des secteurs des

télécommunications, des médias et des technologies de l’information, qui fit l’objet d’une discussion par

Chapitre 2

1.1.2. Le développement des réseaux et des services européens transnationaux

Traditionnellement, les infrastructures de réseaux sont perçues comme des éléments politiques favorables à l’unité nationale, et l’une de leurs fonctions essentielles fut précisément de renforcer la cohésion territoriale et de servir des objectifs politiques, sociaux et économiques de dimension nationale (MERGER [1995]). Les communications électroniques comme d’autres industries de réseaux ont un rôle considérable dans le développement régional, le progrès industriel et le développement économique des pays européens.

Dans les années 1990, la construction de la Communauté européenne nécessita la réorganisation, à grande échelle, des réseaux pour établir et développer des « réseaux transeuropéens » (SALSBURY [1995] p. 397). La constitution de grands réseaux transfrontières exigea une coordination européenne complexe pour laquelle le contexte politico-juridique joua un rôle prépondérant. En effet, l’Union européenne comme entité politique fixe le cadre dans lequel les réseaux économiques et techniques évoluent. Un titre particulier du Traité est d’ailleurs consacré à cette question, et organise l’action de la Communauté européenne en vue d’établir et de développer des réseaux transeuropéens, interconnectés, interopérables, et de favoriser leur accessibilité notamment dans les régions insulaires, enclavées et périphériques aux régions centrales. Le développement des réseaux de communications électroniques revêt une importance tout aussi essentielle pour stimuler la croissance dans une Europe élargie. Selon les conclusions de la Présidence du Conseil européen de Bruxelles (16 et 17 octobre 2003), « la possibilité de disposer de hauts débits et la promotion de leur large diffusion, s’accompagnant de réseaux efficaces, sont particulièrement nécessaires dans une économie fondée sur la connaissance, où la transmission des informations joue un rôle capital pour accroître la compétitivité ».

Cependant, un élément important réside dans l’absence, jusqu’ici, d’un marché unique européen, même si des acteurs paneuropéens sont apparus dans le secteur des communications électroniques. En 2005, les fusions-acquisitions dans le secteur ont atteint une valeur de 70 milliards d’euros, un record depuis l’année 2000. Or l’absence d’un marché unique renforce le besoin d’établir et d’appliquer de manière coordonnée des règles entre les Etats membres face à l’émergence de problèmes résolument

supranationaux, la recherche d’économie d’échelle et la mise en œuvre de stratégies paneuropéennes.

La figure n°2 ci-après décrit les flux de trafic bidirectionnel supérieurs à 200 millions de minutes échangées sur les réseaux publics téléphoniques entre chaque paire de pays européens en 2002, année de la réforme. L’aire de chaque cercle est proportionnelle au volume du trafic annuel sortant total de chaque pays. Sur les voies pour lesquelles le trafic dans une direction représente plus de 60% du total, une flèche indique la direction dans laquelle s’écoule le trafic téléphonique. L’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France sont les trois plus gros marchés en volume de minutes échangées.

Figure n°2 : Les flux annuels de trafic téléphonique entre les pays européens

(en millions de minutes)

Chapitre 2

1.2. Les facteurs économiques

La révision d’une part substantielle de la réglementation communautaire a été d’autant plus importante que les communications électroniques sont un secteur stratégique pour l’économie des Etats membres de l’Union européenne. Les réseaux de communications électroniques50 font partie des infrastructures essentielles dont les retombées bénéficient à l’ensemble de l’économie et des citoyens européens. Entre 1999 et 2000, les baisses de prix conjuguées dans les secteurs des communications électroniques et de l’électricité ont réduit directement de 0,1 point de pourcentage le taux d’inflation global de la zone euro (BANQUE CENTRALE EUROPEENNE [2001]). Le secteur des communications électroniques représente 1,5% des dépenses de consommation, entre 1,5% et 2,5% du total des intrants des secteurs secondaire et tertiaire, et 3% du volume total des échanges de biens et de services dans la zone de l’OCDE (BOYLAUD et NICOLETTI [2001] p. 20). Une étude réalisée pour la Direction générale pour la Société de l’Information de la Commission européenne auprès de 44000 ménages montre qu’en 2002, 97% de ces ménages avaient accès aux communications fixes et/ou mobiles (INRA [2002]). La Suède, le Luxembourg, le Royaume-Uni et la France ont des taux de pénétration égaux ou supérieurs à 90% (COMMISSION EUROPEENNE [2001b]).

Le secteur des services de communications électroniques51 est l’un des plus importants de l’économie de l’Union européenne à plusieurs titres. En 2006, l’Union européenne a représenté 30% du marché mondial des services de communications électroniques, avec un chiffre d’affaires de 273 milliards d’euros dont 85,8 milliards

50 D’après l’article 2a) de la Directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002

JO L108/38, un réseau de communications électroniques désigne un système de transmission et, le cas échéant, les équipements de commutation ou de routage et les autres ressources qui permettent l’acheminement de signaux par câble, par voie hertzienne, par moyen optique ou par d’autres moyens électromagnétiques, comprenant les réseaux satellitaires, les réseaux terrestres fixes (avec commutation de circuits ou de paquets, y compris l’Internet) et mobiles, les systèmes utilisant le réseau électrique, pour autant qu’ils servent à la transmission de signaux, les réseaux utilisés pour la radiodiffusion sonore et télévisuelle et les réseaux câblés de télévision, quel que soit le type d’information transmise.

51 D’après l’article 2c) de la Directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002

JO L108/39, le service de communications électroniques désigne le service fourni normalement contre rémunération qui consiste entièrement ou principalement en la transmission de signaux sur des réseaux de communications électroniques, y compris les services de télécommunications et les services de transmission sur les réseaux utilisés pour la radiodiffusion, mais qui exclut les services consistant à fournir des contenus à l’aide de réseaux et de services de communications électroniques ou à exercer une responsabilité éditoriale sur ces contenus.

pour les services de voix fixe52. Ce marché compte 426 millions d’abonnés au téléphone mobile cellulaire53, dont 15 millions d’abonnés aux services mobiles de troisième génération, soit une densité moyenne de 93 pour 100 habitants, 207 millions de lignes téléphoniques principales fixes54, soit une densité de 55 lignes pour 100 habitants, et 53 millions de lignes fixes d’accès à large bande, soit une densité de 11,5 pour 100 habitants. Par ailleurs, le secteur emploie 1,25 million de personnes, soit 0,7% de l’emploi total européen (COMMISSION EUROPEENNE [2006]).

Outre les caractéristiques économiques du secteur dont la régulation doit tenir compte, deux autres facteurs déterminants peuvent être invoqués pour expliquer la genèse du nouveau cadre réglementaire : la situation oligopolistique du marché européen des services, qui supposait d’adopter une approche renouvelée de la régulation, et la diversité des situations nationales aux plans concurrentiel et tarifaire, qui appelait à poursuivre la politique d’harmonisation des années 1990.

1.2.1. Les caractéristiques économiques du secteur des communications électroniques

Les communications électroniques présentent, par rapport à d’autres industries productrices de biens et de services, certains aspects particuliers tenant à leurs caractéristiques économiques et à la rapidité du changement technologique (OCDE [2002] p. 9). Les principales caractéristiques du secteur, dans le contexte des pays membres de l’Union européenne, qui influent sur les comportements des acteurs du marché, sont les suivantes :

- le contrôle des éléments d’infrastructure essentiels : des éléments d’infrastructure essentiels, tels que les boucles locales, constituent des ressources productives dont les entreprises utilisatrices ne peuvent se passer, car elles sont incapables de les dupliquer à des coûts raisonnables, et dont l’offre est contrôlée par un ou quelques opérateurs dominants (GLAIS [2001] p. 287). Le caractère non duplicable

52 Dans l’ensemble de l’Union européenne, le chiffre d’affaires des services de communications

électroniques a augmenté de 4,6% entre 2003 et 2004. Le secteur représentait 2,5% du PIB de l’Union européenne en 2003 (EUROSTAT [2003]).

53 Un abonné au téléphone mobile est un abonné à un service public automatique de téléphonie mobile

permettant l’accès au réseau téléphonique public avec commutation utilisant la technologie cellulaire.

54 Une ligne principale est une ligne téléphonique qui relie l’équipement terminal de l’abonné au réseau

Chapitre 2

de ces infrastructures, tout au moins à brève échéance, requiert tout d’abord que leur accès soit ouvert dans des conditions satisfaisantes aux utilisateurs potentiels. Cela implique de vérifier le caractère non discriminatoire des charges d’accès au réseau, en particulier lorsque le gestionnaire des infrastructures (généralement l’ancien monopoleur historique) se positionne aussi en qualité d’offreurs de services sur les marchés situés en aval et ouverts à la concurrence. Les réseaux de communications électroniques présentent des coûts fixes très élevés au niveau des infrastructures essentielles à la fourniture de l’accès. La construction et l’exploitation des infrastructures donnent lieu à des économies d’échelle importantes, à des investissements lourds et spécifiques, amortis sur une longue durée et peu reconfigurables, i.e. ils peuvent difficilement être démontés ou affectés à d’autres usages que ceux initialement prévus. L’avantage dont bénéficie l’opérateur historique, à cet égard, l’incite à user de sa position dominante pour enrayer la concurrence.

- la spécificité des actifs et des coûts irrécouvrables élevés : les communications électroniques sont généralement caractérisées par d’importantes économies d’échelle et de champ, des investissements spécifiques et irrécouvrables sans coût, et par le fait que leurs consommateurs englobent la totalité de la population des électeurs. Chacune de ces caractéristiques a des implications importantes. Premièrement, elles créent des problèmes contractuels qui empêchent les mécanismes classiques du marché d’atteindre un optimum de premier rang (WILLIAMSON [1988] ; BARZEL [1989] ; NORTH [1990] ; LEVY et SPILLER [1996]). Deuxièmement, les investissements dans les réseaux de communications électroniques entraînent des coûts élevés imputables à l’acquisition d’actifs matériels et immatériels qui ne peuvent être recouvrés au moyen de leur redéploiement en dehors du marché pertinent. Ces coûts irrécouvrables ne peuvent pas être amortis sur une courte période après le début des activités de fourniture des services. Il en résulte que l’opérateur historique peut ériger une barrière efficace à l’entrée de concurrents. Troisièmement, ces investissements importants avec un niveau élevé de politisation ont pour conséquence d’exposer les quasi-rentes au risque d’expropriation administrative. Cette expropriation peut prendre plusieurs formes dont la fixation des prix au-dessous des coûts moyens de long terme et des exigences particulières relatives à l’investissement, à l’achat d’équipement ou aux conditions des contrats de travail (LEVY et SPILLER [1996]).

- les externalités de réseau : la valeur des réseaux de communications électroniques augmente avec le nombre d’utilisateurs. Lorsque ces derniers envisagent de souscrire un abonnement auprès d’un opérateur ou d’un prestataire de services, la

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