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12/ La myélofibrose primitive (MFP)

12.2/ Diagnostic génétique

12.4.2/ La réaction stromale et les altérations du microenvironnement

L’importance des altérations du stroma médullaire dans la pathogenèse de la maladie est étayée par le lien entre le degré de fibrose médullaire, la néoangiogenèse et le pronostic des patients (Mesa, Hanson, Rajkumar, Schroeder, & Tefferi, 2000) (Boveri et al., 2008) (Vener et al., 2008). Il a été en effet montré une corrélation entre le nombre d’ostéo- progéniteurs CD146+ et le degré de fibrose dans la moelle (Tripodo et al., 2009). De même, le degré de fibrose ainsi que le nombre des cellules CD146+ sont associés à un taux d’hémoglobine faible, suggérant que la progression de la réaction stromale médullaire est concomitante au déclin d’une hématopoïèse fonctionnelle (Thiele & Kvasnicka, 2006). Alors que la quantification de la réticuline dans la moelle osseuse n’est pas corrélée à la sévérité de la maladie, la présence de collagène de type I est souvent associée à un pronostic moins favorable.

12.4.2.1/ Myélofibrose et Contexte inflammatoire

Il est actuellement admis qu’un déséquilibre entre la synthèse accrue de collagène et une diminution de sa dégradation joue un rôle clé dans le développement de la fibrose. Contrairement à la myéloprolifération clonale ou oligoclonale, la prolifération des fibroblastes médullaires à l’origine de la fibrose médullaire est polyclonale (Thiele & Kvasnicka, 2005). La réaction du stroma médullaire est un processus multifactoriel qui apparaît secondaire à la sécrétion inappropriée de cytokines par les cellules hématopoïétiques du clone et en particulier par les mégacaryocytes, les monocytes activés et les CD34+ pathologiques (Rameshwar, Denny, Stein, & Gascon, 1994) (Martyre et al., 1994) (Reilly, 2003) (Lataillade et al., 2008) (Figure 37). Parmi les cytokines potentiellement impliquées, citons le PDGF

(Platelet Derived Growth Factor), le TGF-!1 (Transforming Growth Factor), le FGF basique (Fibroblast Growth Factor), le PF-4 (Platelet Factor), le VEGF (Vascular Endothelial

Bryckaert, Laine-Bidron, & Calvo, 1991) (Martyre et al., 1997) (Emadi et al., 2005) (J. C. Wang et al., 2004). Ces facteurs sont non seulement de puissants régulateurs de la biosynthèse de la matrice extracellulaire mais également des médiateurs de la prolifération des fibroblastes, des ostéoblastes et des cellules endothéliales.

Cet orage cytokinique qui caratérise la MFP est le lit d’un processus inflammatoire important dont nous tenterons d’expliquer le rôle dans la pathogenèse de la maladie (§ Chapitre « Résultats »).

12.4.2.2/ Importance du TGF-!1

Le TGF-!1 est un puissant facteur fibrogénique ; il stimule l'expression génique des collagènes de types I, III et IV, de fibronectine et de protéoglycanes. De plus, son rôle sur la production d’inhibiteurs de protéases tels que le PF4 favorise le développement de la matrice extracellulaire. Plusieurs études ont rapporté des taux élévés de TGF-"1 intra-plaquettaire et montré que les mégacaryocytes circulants des patients produisaient des quantités accrues de TGF-"1 sous forme latente (Martyre et al., 1991) (Martyre et al., 1994) (Zauli et al., 1993). Alors que son expression n’est pas modifiée dans les cellules CD34+ de patients, celle de son récepteur de type II est diminuée dans ces cellules (Le Bousse-Kerdiles et al., 1996). Il en résulte une dérégulation de la voie de signalisation TGF-"1 à l’origine d’une diminution de la sensibilité des CSH/PH à l’action inhibitrice du TGF-"1. La raison de cette diminution d’expression n’est pas idenfiée car le gène TGF-"1RII ne présente pas de mutations et son promoteur ne semble pas hyperméthylé (Hemavathy et al., 2006).

Plus récemment, le rôle majeur du TGF-"1 dans la promotion de la fibrose a été confirmé dans un modèle murin de myélofibrose obtenue par sur-expression de la thrombopoïétine (TPO) (Villeval et al., 1997) (Chagraoui et al., 2002). Ces résultats démontrent que mégacaryocytes et TGF-" sont étroitement liés à la pathogenèse de la fibrose ; compte tenu de son activité angiogénique, le TGF-"1 pourrait également participer à la néoangiogenèse observée dans la maladie.

12.4.2.3/Ostéomyélosclérose et Néoangiogenèse

Les mécanismes à l’origine de l’ostéosclérose et de la néoangiogenèse, qui font partie intégrante de la réaction stromale, sont actuellement moins bien connus que ceux de la fibrose médullaire. Une augmentation de la production d’ostéoprotégérine (OPG), une protéine clé de l’ostéogenèse, par les cellules stromales, les ostéoblastes et cellules endothéliales a été décrite chez les patients (J. C. Wang et al., 2004) et dans le modèle TPO (Chagraoui et al., 2003). En bloquant l’interaction entre RANK et RANKL, l’ostéoprotégérine inhibe l’ostéoclastogenèse, participant ainsi au mécanisme de l’ostéosclérose (J. C. Wang et al., 2004). L’implication potentielle de l’OPG dans les complications vasculaires fréquemment observées chez les patients renforce l’hypothèse du rôle de cette molécule dans la pathogenèse de la MFP. Les BMP (Bone Morphogenetic Protein), synthétisées par les MK et les cellules stromales, pourraient également jouer un rôle dans la prolifération des ostéoblastes. La mise en évidence d’une altération de l’expression de gènes codant pour les BMP et/ou leurs récepteurs chez les patients conforte cette hypothèse (Bock et al., 2008) (résultats non publiés MC. Le Bousse- Kerdilès et al.; 2011).De même, il a été proposé qu’une production augmentée de VEGF et de bFGF par les MK pathologiques pourrait expliquer la néovascularisation qui accompagne la réaction stromale. Enfin, une mobilisation précoce des progéniteurs endothéliaux dans le sang périphérique participerait à la néoangiogenèse observée dans la rate (Massa et al., 2005).

12.4.2.4/ Rôle clé du mégacaryocyte

Le mégacaryocyte est une cellule clé du processus fibrotique et de la réaction stromale qui caratérise la MFP. Comme nous l’avons précisé ci-dessus, il secrète, de façon anormalement élevée, de nombreux facteurs tels que le PDGF, TGF-"1, EGF, bFGF et calmoduline qui exerce un rôle déterminant dans la génèse de la fibrose (Figure 37). En effet, le TGF-"1 régule la synthèse de la matrice extracellulaire et augmente la transcription de gènes codant pour la fibronectine, les collagènes de types I, III, IV et la ténascine. Le PDGF également produit par les mégacaryocytes des patients stimule la prolifération, la division cellulaire et la migration des fibroblastes (Castro-Malaspina, 1984). La calmoduline,

bFGF, fortement exprimé dans les plaquettes et les mégacaryocytes des patients (Martyre et al., 1997) stimule la prolifération des fibroblastes (Gospodarowicz, Ferrara, Schweigerer, & Neufeld, 1987) et l’angiogénèse (Schelling, 1991). En dehors des MK, les monocytes jouent également un rôle actif dans cette production cytokinique, en particulier dans celle du TGF-"1 et de l’IL-1 (Rameshwar, Chang, & Gascon, 1996). Il en résulte une augmentation des glycoprotéines interstitielles et membranaires ainsi qu’une augmentation de la concentration sérique du carboxy-terminal peptique du procollagène de type I (PICP), de l’amino-terminal peptide du procollagène de type III (PIIIP), du collagène du type IV, des peptides relatifs à la laminine.

Figure 37: Rôle des facteurs de croissance produits par les cellules du clone hématopoïétique dans le processus fibrotique