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La question des nouvelles sources de financement

De nombreuses études ont d’ores et déjà été conduites sur les nouvelles sources potentielles de financement des transports urbains. Celles-ci ont été très bien décrites dans le rapport de Christian Philip en 200331, et nous éviterons de reprendre ici la description de toutes ces mesures, d’autant plus que nous n’en avons pas de nouvelles à proposer. La question fondamentale reste de savoir qui doit payer et pour quels montants, entre le contribuable, le client ou les bénéficiaires indirects du développement des réseaux de transports urbains.

L’importance du besoin de financement

Dans l’hypothèse du scénario de mobilité durable (scénario 4 des simulations), l’effort de développement des réseaux pour capter l’accroissement de clientèle conduit à faire passer le coût global des réseaux de 4,5 milliards d’euros en 2005 à 7,5 milliards en 2015, soit une progression de 67 % en 10 ans (5,0 %/an en euros constants). Le moindre rendement escompté du Versement Transport ne permettrait de fournir que 0,7 milliards supplémentaires, ce qui laisse aux autre acteurs un surcoût de 2,2 milliards.

Tableau 3.10 : Comparaison des besoins de financement public pour le scénario 4 (mobilité durable)

Situation 2005 M

2005

Coût

total Recettes Déficit Versement Transport

Coût Public

Coût public par

hab.

Répartition des ressources de financement

2005 CTR REC DEFT VTN CP CPH %CP %VTN %REC

GV 3 377 799 926 1 534 1 044 97,53 30,9% 45,4% 23,7%

MV 906 158 480 448 300 51,24 33,1% 49,4% 17,5%

PV 242 42 124 122 79 28,98 32,4% 50,4% 17,2%

TV 4 499 985 1 542 2 106 1 408 73,06 31,3% 46,8% 21,9%

31PHILIP Ch., GAUTHIER N., 2003,le financement des déplacements urbains, La Documentation Française,

Scénario 4 M 2005

Coût

total Recettes Déficit Versement Transport

Répartition des ressources de financement

2015 CTR REC DEFT VTN CP CPH %CP %VTN %REC

GV 5 650 1 740 1 031 2 098 1 812 157,82 32,1% 37,1% 30,8%

MV 1 511 338 669 629 545 83,01 36,0% 41,6% 22,4%

PV 393 75 184 169 149 49,16 38,0% 42,9% 19,1%

TV 7 554 2 153 1 885 2 895 2 506 118,87 33,2% 38,3% 28,5%

Scénario 4bis : sans modification tarifaire M

2005

Coût

total Recettes Déficit Versement Transport

Répartition des ressources de financement

2015 CTR REC DEFT VTN CP CPH %CP %VTN %REC

GV 5 650 1 280 1 491 2 098 2 272 197,92 40,2% 37,1% 22,7%

MV 1 511 252 755 629 630 96,06 41,7% 41,6% 16,7%

PV 393 71 189 169 154 50,54 39,0% 42,9% 18,0%

TV 7 555 1 603 2 435 2 895 3 056 144,96 40,4% 38,3% 21,2%

L’accroissement supposé des recettes tarifaires lié à l’augmentation de fréquentation, mais surtout à la croissance des tarifs (+25 % de la recette par voyage en 10 ans) permet de capter une ressource supplémentaire importante (1,2 Md€), ce qui vient seulement pondérer l’accroissement du coût public (1,1 Md€).

Si l’on fait abstraction de cette volonté de faire progresser la contribution des usagers, et que l’on reste sur la tendance au fil de l’eau en matière de recettes, alors la contribution du coût public progresse fortement : la seule croissance des recettes liées à la fréquentation n’apporte que 0,6 Md€, et les collectivité doivent contribuer à hauteur de 1,6 Md€supplémentaires, ce qui revient à plus que doubler cette contribution par rapport à 2005 (+117 %).

Exprimé en euros par habitant, le coût public progresse ainsi pour les grands réseaux, de 94€ en 2005 à 158€ (avec croissance des tarifs) ou 198 € (sans croissance des tarifs). Pour les réseaux moyens, ces valeurs sont respectivement de 51 €, 83 € et 96 €, et pour les petits de 29€, 49€et 51€. Rappelons toutefois que la croissance tarifaire simulée dans ce scénario est seulement de +10 % pour la recette au voyage dans les petits réseaux, ce qui explique l’écart plus faible sur le coût public dans cette variante.

La nécessité de prendre en compte l’ensemble des coûts de la mobilité urbaine

Comme le montrent les diverses remarques faites tout au long de cette troisième partie du rapport, et comme cela avait été déjà souligné dans le rapport Ries32, la réalité du besoin de financement doit être appréciée dans un contexte plus global, qui recouvre à la fois la performance même des réseaux de transport, et la question du coût global de la mobilité urbaine. D’un côté, on s’interroge sur les moyens d’offrir un service de transport attractif à un coût raisonnable, de l’autre, on situe cette efficacité relativement au coût de l’automobile.

Le risque est en effet grand de rechercher de nouvelles ressources pour couvrir des dépenses en exploitation comme en investissement, qui ne feront que croître, sans toujours être guidées par des objectifs clairs en termes de gestion de la mobilité urbaine. Il sera toujours possible

d’injecter plus d’argent dans le système des transports collectifs, mais pour reprendre un terme à la mode au niveau européen, peut-on estimer la «value for money» de ces dépenses supplémentaires, c’est-à-dire quel sera le réel retour sur cet effort financier ?

Des simulations ont ainsi été faites sur l’agglomération parisienne pour comparer diverses stratégies de gestion de la mobilité. A. Bonnafous33résume ainsi des travaux de modélisation faits par O. Morellet pour le Commissariat Général du Plan en 2002, en proposant un tableau comparatif fort intéressant.

Tableau 3.11 : Effets comparés de stratégies de gestion des déplacements et du choix modal sur l’agglomération parisienne

Levier utilisé Mesure

Source : cité par Bonnafous, 2008

L’intérêt de ces simulations est de rappeler que chaque mesure prise individuellement peut générer des résultats contrastés selon les agents concernés, mais aussi en termes de surplus collectif. En vue d’un objectif général de réduction des émissions de CO² par exemple, c’est donc le recours à une combinaison de ces diverses mesures qui peut conduire à des résultats significatifs sans générer de déséquilibres importants en termes de coût public.

Plus généralement, la perspective d’inciter les automobilistes à basculer sur des modes alternatifs s’inscrit dans un contexte durable de renchérissement du coût d’usage de la voiture qui, accompagné des mesures de dissuasion prises par les villes (stationnement, vitesse), va venir modifier profondément l’attractivité des transports collectifs – sous réserve que les conditions de transport offertes (vitesse, régularité, confort) connaissent une évolution favorable.

Bien que de telles actions coordonnées – sur la performance des réseaux, sur les recettes, sur la pénalisation de la voiture – ne soient pas suffisantes sans doute pour régler la question du financement des transports urbains, elles sont en mesure en tous cas de changer significativement l’ampleur de ce besoin. Malgré leur caractère rudimentaire, les simulations

33BONNAFOUS A. 2008,Changing behaviour in passenger transport with a view to tackle the challenge of climate change, rapport pour le Forum International des Transports, Leipzig, 2008. OCDE

-présentées dans la seconde partie de ce rapport et les exemples européens ci-dessus montrent qu’il est possible d’améliorer sensiblement le ratio R/D, ce qui redonnera des capacités d’investissement aux autorités organisatrices pour assurer le développement de leurs réseaux.

Mais il reste fondamental de s’assurer qu’une stratégie claire de gestion de la mobilité tous modes permette de faire converger les efforts entrepris, ce qui n’a visiblement pas été le cas au cours de la décennie passée. L’objectif d’une mobilité durable, tel qu’exprimé au cours du récent Grenelle Environnement, se traduit par un défi important en matière de transfert de la voiture vers les transports publics et les modes doux. Il ne s’agit donc pas seulement d’accroître sur un plan quantitatif l’offre de transport public, mais bien de gérer les différentes composantes de la mobilité urbaine de façon cohérente. L’action urbanistique (limitation de l’étalement urbain, structuration de pôles secondaires, actions en faveur des déplacements de proximité) s’inscrit dans un temps long, et les politiques de déplacements urbains (dissuasion de l’usage de la voiture en ville, restructuration des réseaux par une plus forte hiérarchisation de l’offre) restent fondamentales pour orienter la demande de déplacement dans le bon sens.

Sur ce dernier point, il semble important de rappeler que les déséquilibres actuels résultent en grande partie d’un mauvais signal prix envoyé aux citadins. La tarification de l’usage de la voiture en ville reste donc un moyen d’action non négligeable pour améliorer cet équilibre modal, en soulignant que le coût de la mobilité urbaine ne peut que croître dans les années à venir. En ce sens, l’augmentation des prix pétroliers est une aubaine pour favoriser ce rééquilibrage, et pourrait dans une certaine mesure éviter aux élus locaux ce dilemme du péage urbain. Il n’en reste pas moins que le besoin de financement mis en évidence par nos simulations doit également inciter à renforcer la contribution des usagers au financement du système de transport. Augmenter les recettes commerciales, améliorer les performances du transport public (en termes d’attractivité comme sur le plan des coûts d’exploitation et d’investissement) sont en quelque sorte des préalables à la recherche de nouvelles ressources, tant pour en limiter le montant que pour mieux faire accepter aux nouveaux contributeurs quels qu’ils soient, leur participation au financement d’un service urbain de plus en plus indispensable au fonctionnement de la ville. Telle est en tous cas la conviction que nous retirons de cette analyse et des expériences étrangères analysées, où nous avons pu constater des efforts importants de productivité et des gains significatifs en termes de recettes commerciales.

La recherche de nouvelles sources de financement pour les transports publics urbains doit donc se faire dans ce contexte d’amélioration de la performance des réseaux. Il nous semble que la TIPP doit conserver son caractère d’éco-taxe incitant par un signal prix à réduire l’usage de la voiture, mais ne peut être considérée comme une ressource potentielle pour les TPU (au risque d’indexer le financement des réseaux sur une ressource censée se tarir avec la baisse de la circulation automobile). Si aide de l’Etat il peut y avoir, via des subventions spécifiques, celles-ci doivent également s’inscrire dans un contexte contractuel d’engagement à l’amélioration de la performance des réseaux, et non sur une base générale d’aide à l’investissement. C’est bien au niveau local d’assurer la pérennité du financement : si taxes supplémentaires il doit y avoir, alors elles doivent s’inscrire dans le contexte de la politique de déplacements : tarification de la circulation urbaine, captation des plus values foncières, voire même, comme en Californie, taxe additionnelle sur les ventes34

Conclusion :

Lier financement et performance