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Hermann von Keyserling

1. La quête de l’autre

D’une certaine façon, j’attendais de rencontrer quelque chose, ou quelqu’un, qui me permettrait de sortir de mes obsessions et de trouver une paix intérieure1. J.M.G. Le Clézio

En suivant le parcours des personnages, nous assistons à leur évolution et à leur passage de l’adolescence à l’âge adulte, une évolution qui représente un cheminement qui obéit au désir premier de ces adolescents, celui de se connaître. Vivant une crise existentielle, s’interrogeant sur leur identité, leur origine et la place qu’ils occupent par rapport aux autres, ces derniers affrontent le monde à travers le prisme de leurs doutes, de leurs faiblesses, de leurs interrogations et de leurs espoirs. Cette tranche d’âge devient symbolique et représentative de la thématique de la quête de soi, c’est « une recherche de l’identité qui se fait au-dedans et au-dehors, en soi-même, et chez autrui»2.

La confrontation avec l’autre prend, de ce fait, une place primordiale dans le processus de la découverte de soi. L’importance de l’autre réside, essentiellement, dans les différents rôles qu’il joue auprès du protagoniste pour l’aider, directement ou indirectement, à mieux vivre sa marginalité ou à la dépasser.

L’autre peut jouer le rôle d’un simple dérivatif qui permet au protagoniste d’échapper à la réalité ou de l’oublier comme il peut incarner le moyen grâce auquel il va dépasser son malaise et être heureux. L’autre intervient, ensuite, en tant qu’allié ou adversaire qui intervient pour changer le cours de la vie du protagoniste l’obligeant à prendre son destin en main. Enfin, incarnant l’image du double ou de l’alter-ego, l’autre permet au personnage de découvrir sa véritable identité.

1 J.M.G Le Clézio, La Fête chantée et autres essais de thèmes amérindiens, op. cit., p. 10.

2 Hector Rodriguez Tomé, Le Moi et l’autre dans la conscience d’un adolescent, Neuchâtel (Switzerland), Delachaux et Niestlé, 1972, p. 38.

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1.1. Présence de l’autre : quête du bonheur

1.1.1. Un dérivatif

Les rencontres et le contact avec l’autre favorisent chez certains personnages l’évasion et leur donnent la possibilité de gommer la réalité et de se sentir ailleurs.

Pour fuir la réalité et l’appartement morose de ses parents, « ce petit milieu étroit, économe, marqué par l’échec » (R.95), Jean fréquente régulièrement La Kataviva. Cet immeuble lui procure de la joie et du réconfort : les histoires de Catherine Marro sur l’île Maurice lui permettent de « s'échapper, entrer dans le monde de Rozilis » (R.30-31) et il nourrit l’espoir de « rencontres fortuites » (R.39) avec Aurore de Sommerville dont il est amoureux. « Jamais il n’aurait avoué que c’était aussi pour la jeune fille sur le palier du cinquième qu’il venait» (R.17) note le narrateur. Ces rencontres, agrémentées par le « mystère » (R.36) qui entoure la jeune fille et le « secret » (R.52) que garde la tante Catherine, sont pour Jean les moments les plus heureux et les plus marquants de son enfance :

Ç’aura été toute son enfance le petit appartement mansardé de la tante Cathy, avec ses trésors secrets qui renvoyaient au temps de Rozilis. Et, sans doute aussi, la porte fermée sur le mystère d’Aurore de Sommerville (R.355).

Pour la protagoniste de Hasard, c’est le fait d’être dans un groupe, enveloppée par la chaleur et la sollicitude des autres qui lui permet d’oublier l’abandon de son père et la vie solitaire et morose avec une mère, avare de gestes et de mots d’affection. C’est en compagnie de Chérif, ce jeune tunisien « qui avait pris Nassima sous sa protection » (H.16), que la jeune fille découvre le bonheur de vivre dans une famille nombreuse et exemplaire à ses yeux : « Il avait un vrai papa, une maman, une grand-mère […] commandant à une armée de femmes et de petits enfants» (H.21). Le recours au discours indirect libre, qu’on devine à travers l’utilisation d’un langage enfantin et affectueux, « papa » et « maman », l’emploi de l’adjectif « vrai », qui appuie sur la présence réelle et physique du père et l’insistance sur le nombre important des membres de cette famille – « armée » – montrent le degré de solitude et de détresse affective dont souffre l’adolescente. Choyée au sein de cette parentèle qu’elle « n’avait jamais eue », la jeune fille peut oublier la réalité et être heureuse :

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C’était un tourbillon de bruits, d’odeurs, dans le petit appartement, Nassima, en avait la tête qui tournait. Elle oubliait1 tout, elle riait et applaudissait de bon cœur (H.22).

Un épisode semblable est vécu par l’adolescente dans l’institution de Fréjus. Dans ce centre, elle a « des moments de bonheur » en compagnie de jeunes filles de son âge avec lesquelles elle partage les différentes activités comme l’atelier de cuisine : « c’était une bouffée délicieuse de chaleur, d’odeurs, d’amitié » (H.167). La relation avec ces jeunes filles et les tâches quotidiennes accomplies en groupe permettent à Nassima, après son aventure tumultueuse à bord du Azzar, de retrouver une certaine normalité et d’oublier sa différence et son étrangeté : « Pendant quelques heures, elle se sentait vivante, elle pouvait oublier » (H.167).

Oublier la réalité est une notion qui revient toujours dans les écrits de Le Clézio ou l’autre joue le rôle d’un « dérivatif » (H.219) :

Moguer oubliait son âge auprès de Nassima. Il oubliait sa solitude, ses problèmes d’argent, la haine que lui vouait son ex-femme et l’oubli de sa fille » (H.181)

et Laïla, en compagnie de Jean Vilan, son amoureux, est complètement déconnectée de la réalité :

J’oubliais tout. Houriya, Pascale Malika, Béatrice et Raymond, Marie-Hélène, Nono, Mlle Mayer et Mme Fromaigeat. Tout ça glissait, s’écoulait (PO.192).

Chez Maalouf, l’autre est aussi un « compagnon de distraction » (RT.203), comme le rôle joué par Fahim, compagnon de jeu de Gérios, à Famagouste. Ce dernier, plongé dans le plaisir que lui procurent les parties de tawlé, oublie le crime qu’il a commis et sa situation de fugitif :

Tanios le suivait du regard, avec un sourire caché, comme pour lui dire : « Au lieu de sombrer dans la folie, te voilà qui sombres dans l’insouciance ! (RT.193)

Quand il ne réussit pas à faire oublier la réalité, l’autre peut, tout au moins, la rendre plus agréable aux yeux du protagoniste. La communion avec l’autre contribue à mettre du baume sur son âme perturbée, à calmer ses angoisses et à lui redonner de l’espoir. Durant la guerre, Ossyane, aux abois, car traqué par la Gestapo, se réfugie, par hasard, dans un restaurant tenu par un couple de Libanais, dont il reconnaît « l’accent du Vieux Pays ». Dans l’atmosphère hostile et agressive de la guerre et dans l’état de détresse dans lequel il se trouve, la sollicitude et la gentillesse de la propriétaire du restaurant, le regard d’« une infinie tendresse » (RL.100) qu’elle lui porte ont pour effet de l’apaiser et de lui redonner un

161 deuxième souffle. Figure maternelle liée à la mère patrie, avec toute sa charge d’amour, cette femme n’a ni escamoté la réalité dramatique de la guerre ni remédié à la situation de fugitif du personnage mais elle réussit à l’adoucir et à la rendre plus supportable :

Cette femme, cette brève apparition, m’avait transfiguré, explique-t-il. Je n’étais plus un fugitif, je n’étais plus traqué, je voguais très au-dessus de mes frayeurs du moment, très au-dessus de ma personne ; de minute en minute mes horizons s’élargissaient (EL101).

Pour Jean Marro, le vide et la violence de la ville sont atténués par les relations intimes qu’il entretient avec ses compagnes, Rita, à Nice et Alison, à Londres : « l’haleine d’Alison, dit le narrateur, chassait les miasmes sombres de cette ville » (R.306). C’est que les ébats amoureux se font au cœur même de la ville, dans les endroits les plus fréquentés, voire les plus violents. Le contraste entre les deux réalités et leur superposition donnent au protagoniste cette sensation de bonheur :

D’une certaine façon, c’était assez magnifique au milieu de la violence de la ville, avec le bruit des autos en train de courir sur Jamaica Road et même les cris des ivrognes en bas […] Jean et Alison étaient au centre d’une bulle de bonheur, non pas hors du temps, mais plutôt au cœur du temps, au point le plus chaud du réel (R.307).

De même, à Nice, Jean et Rita :

S’endormaient serrés l’un contre l’autre, trempés par la sueur, dans un bien-être absent, toujours avec le bruit des autos glissant dans la rue, de temps en temps les voix des gens qui sortaient du bar, les cris des enfants qui revenaient de l’école à cinq heures (R.152).

Ces relations permettent à Jean de vivre pleinement dans le réel et le temps présent, d’oublier les problèmes liés à son passé et à ses origines et ceux liés à son avenir – comme le service militaire, la guerre ou le « poste qui l’attendait, à l’hôpital de Southampton, pour terminer son internat » (R.338) :

penser et s’encombrer du passé, ou deviner et écrire l’avenir, écrit Nicolas Pien, sont deux façons de s’éparpiller davantage : le présent est donc élu comme seul temps où le centre est possible. « Il n’y a pas plus grande extase, de plus indéfinie jouissance que celle du présent », écrit Le Clézio dans L’Extase matérielle1.

Il faut noter, d’un autre côté, que de la même manière que la présence de l’autre atténue l’ennui, le vide ou la violence de la vie, son absence les accentue davantage et rend la vie des protagonistes encore plus malheureuse. Tanios, amoureux de Thamar, trouve « long et vide2 le temps qu’il passait sans elle » (RT.198) ; Jean supporte mal la disparition de Sara car, « son absence creusait encore davantage le vide de cette ville » (R.339) et Laïla, ne supportant plus de passer ses journées seule à attendre Jean Vilan, préfère le quitter et reprendre sa relation

1 Nicolas Pien, Le Clézio, la quête de l’accord originel, op. cit., p. 94.

162 avec Bela l’équatorien : « Avec lui, dit-elle, je sentais moins le vide, l’ennui d’avoir à attendre » (PO.272).

L’autre permet au protagoniste d’échapper à la réalité, mais, quand ce dernier est dans la détresse ou dans l’isolement, il joue, au contraire, le rôle du lien permettant de renouer avec la vie et la réalité.

Après le naufrage du Azzar, Moguer qui a tout perdu, se retrouve seul, isolé et abandonné de tous. L’irruption de Nassima dans son existence représente un espoir :

Dans la longue solitude que Moguer traversait, depuis le naufrage, cette rencontre lui parut aussi émouvante que la marque du pied nu que Robinson avait découverte un jour sur une plage de son île (H.178-179).

Outre l’image de l’île déserte, être coupé du monde est assimilé, chez Le Clézio, à l’enfermement dans un monde onirique. Si Moguer en compagnie de Nassima, « avait l’impression de sortir d’un très long sommeil1, de recommencer à vivre » (H.181), Laïla, en compagnie de Nono, venu lui rendre visite chez Mme Fromaigeat où elle vivait coupée du monde, avoue sortir « d’un rêve » (PO.136). L’isolement des personnages est exprimé aussi par la dialectique du dedans et du dehors. Comme Nassima était le seul lien entre Moguer et le « monde extérieur », (H.182), Nono est, pour Laïla, « la seule personne qui [la] rattachait à l’extérieur » (PO.147). Le lien avec l’extérieur et le monde réel, rétabli grâce à l’autre, insuffle aux personnages une nouvelle énergie et la volonté de reprendre leur vie en main : « Maintenant qu’il l’avait retrouvée, explique le narrateur, tout allait être nouveau » (H.181) et Laïla confie pour sa part : « J’étais contente, j’avais l’impression qu’une nouvelle vie était en train de commencer » (PO.152).

C’est aussi le cas d’Ossyane qui a passé vingt-huit ans de sa vie coupé du monde dans un asile psychiatrique et plongé dans un univers onirique grâce aux pilules et aux médicaments qui lui sont administrés. Il ne peut sortir de sa léthargie et échapper à ses deux prisons, physique et morale que grâce à sa fille Nadia. Celle-ci, s’étant mis en tête de retrouver ce père qu’elle ne connaissait pas et de « le délivrer » (EL.215), s’introduit dans l’enceinte de l’hôpital, sous une fausse identité et sous de faux prétextes et lui remet une lettre où elle exprime son amour, son estime et sa confiance. Le père, touché par le geste tendre et héroïque de sa fille, trouve, alors, la force de se reprendre en main : « Elle m’avait déjà sauvé,

163 explique-t-il. Elle avait prononcé les paroles qui guérissent. J’étais déjà en train de remonter la pente… » (EL.231).

Le protagoniste arrive, ainsi, malgré sa détresse et son isolement, grâce à la présence de l’autre, à oublier ses peurs et ses angoisses, à affronter la réalité et à retrouver même le goût de vivre. L’autre prend plus d’importance encore quand, par sa présence, il arrive à combler un manque affectif, en jouant le rôle de substitut.

1.1.2. Un substitut

Le substitut, selon le dictionnaire, est « ce qui peut remplacer quelque chose en jouant le même rôle »1. Cette fonction est jouée par les autres qui, en remplaçant l’une des deux figures parentales, comblent le manque dont souffrent les protagonistes et le vide identitaire qui les caractérise.

Quand Tanios apprend le secret concernant sa naissance et le doute qui plane sur l’identité de son vrai père, il décide de « renvoyer en quelque sorte ses deux « pères » dos à dos » (RT.136). Le vide laissé par l’absence d’une figure paternelle forte et respectable est très vite comblé par un autre personnage, Roukoz, l’ancien intendant du château. Le choix de ce dernier est symbolique et réconforte le protagoniste. La relation entre le « bâtard » et le « banni » représente, d’abord, une vengeance par rapport au village qui lui a caché la vérité, secret qu’il était le seul à ne pas connaître : « A présent, juste retour des choses, c’était lui qui détenait un secret dont le village entier était exclu » (RT.81). Ensuite, l’ancien intendant présente toutes les qualités que Gérios n’a pas puisque, contrairement à ce dernier, Roukoz a eu le courage de défier le cheikh en l’empêchant de séduire sa femme et de le ridiculiser dans le village.

Tanios se sentait porté par un élan du cœur vers l'homme qui avait osé quitter le château en claquant la porte pour préserver son honneur, cet homme qui avait occupé les mêmes fonctions que Gérios, mais qui, lui, ne s'était pas résigné à s'aplatir jusqu'à la fin de sa vie, qui, tout au contraire, avait préféré s'exiler, pour revenir défier le cheikh aux abords même de son fief (RT.79)

164 La relation entre les deux marginaux évolue et passe de la simple amitié à une relation de parenté : Tanios trouve en Roukoz la représentation du père idéal et ce dernier qui l’appelle « Yabné » (RT.137) (mon fils), le considère comme « le fils que Dieu [lui] a donné sur le tard » (RT.160).

Comme Tanios, Nassima comble le vide laissé par son père par une autre figure paternelle, celle de Moguer. Abandonnée par un père parti à l’aventure à bord d’un voilier, Nassima voit l’arrivée du Azzar, au port de Villefranche, comme le retour de ce père1 et elle effectue un transfert sur la personne de Moguer : « Il était comme K » (H.28) remarque le narrateur à travers un discours indirect libre. Une fois à bord, un même phénomène d’assimilation se déclenche chez Moguer qui retrouve en Nassima, déguisée en garçon, sa fille Sarita :

En une fraction de seconde, commente le narrateur, il estima qu’il devait avoir à peu près le même âge que sa propre fille. Sarita soutenait son regard avec la même assurance, avec la même expression de défi(H.49).

L’assimilation est favorisée, chez les deux protagonistes, à cause de leur état psychologique et la ressemblance entre leurs situations familiales. Pour Nassima, le Azzar est venu à un moment difficile de sa vie d’adolescente, un état de « solitude et de désespoir féroce », pour Moguer, Nassima «arrivait juste au moment où tout allait au plus mal dans sa vie » (H.49). Ensuite, de même que Nassima et sa mère Nadia ont été abandonnées par Kergas, parti à l’aventure sur un voilier, Moguer a, lui aussi, abandonné sa femme Sarah et sa fille Sarita dont il n’avait plus de nouvelles. Blessés, déstabilisés et fragilisés par la perte d’un être cher, chacun des deux protagonistes retrouve chez l’autre l’image de la fille ou du père absents. De ce fait, le jour où Moguer se confie à elle pour lui parler de sa vie passée, « du temps où il vivait avec sa femme, où sa fille était bébé » (H.95), Nassima, par un phénomène de transfert, se souvient des temps heureux quand son père vivait encore avec elle et Nadia :

Elle écoutait Moguer parler de Sarita, et elle rêvait qu'elle était revenue au temps ancien, quand tout était si simple, et les jours de tempête à Pennedepie dans le grand lit entre son père et sa mère, pour entendre la pluie qui faisait grincer les gouttières et le vent qui pliait les grands arbres. (H.95)

Les images de Moguer et de Kergas se confondent tellement dans l’esprit de Nassima que l’adolescente a l’impression, pour quelques instants, de retrouver son père, ce qui lui procure un grand sentiment d’apaisement et de sérénité :

1 « Elle se rappelait le matin où le Azzar était venu, comme si c'était vraiment pour elle qu'il arrivait, toutes ses voiles gonflées de soleil, si hautes, deux triangles aigus très blancs sur la mer sombre. Comme s'il revenait pour ramener son père. » (H.197)

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Maintenant, Nassima ne ressentait plus d'angoisse. Elle se blottit contre l'épaule de Moguer, elle écoutait sa voix résonner dans sa poitrine, la musique de la mer, le glissement du vent, tout se mélangeait. Ça lui donnait envie de dormir, ça calmait la brûlure de ses yeux, ça refermait le trou creusé au centre de son corps (H.95).

Quant à Moguer, « il lui arrivait d’oublier que Nassima n’était pas sa fille » (H.107), l’adolescente s’étant presque, à ses yeux, complètement substituée à Sarita. Mais cela ne l’empêchera pas de l’abandonner comme Kergas l’a déjà fait pour elle, comme lui l’a déjà fait pour sa fille et comme son propre père l’a déjà fait pour lui !

Après l’aventure maritime, les deux protagonistes vivent d’autres expériences de substitution. Renvoyée du Azzar et abandonnée pour la deuxième fois par son « père », meurtrie et prise d’une sorte de fièvre, Nassima, lors de son interrogatoire dans un commissariat de Guadeloupe, vit une autre expérience de substitution, assimilant la psychologue et le commissaire à ses parents. Cette substitution s’explique d’abord par l’état physique et mental de Nassima qui, à cause de la fièvre et de la fatigue, est victime d’une sorte de délire. Ensuite, à cause du lieu où se déroule l’interrogatoire, « sous les tropiques » (H.136), terre d’origine de son père, ce qui rend le souvenir de ce dernier plus présent. Il s’agit, en outre, de la coïncidence entre les origines de la psychologue et du commissaire avec celles de ses parents, puisque la première, comme Nadia, est «venue de France » (H.138) et que le deuxième, comme Kergas, est originaire des îles. Enfin, ce qui finit par catalyser ce processus d’assimilation est la ressemblance physique entre les protagonistes. En effet, dès son entrée dans la salle, la jeune fille remarque que « derrière le bureau, il y avait une femme d'une trentaine d'années, petite, la peau claire, les cheveux châtains coupés court, une certaine ressemblance avec Nadia» (H.137). Le commissaire, lui, « était un Antillais d'une trentaine

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