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LA PROTECTION CONSTITUTIONNELLE RECONNUE AUX ASSOCIATIONS ÉTUDIANTES

La liberté d’association se compte au nombre des droits les plus fondamentaux dans

une société libre et démocratique327. Sa reconnaissance est capitale de nos jours pour

des individus qui partagent le même objectif et désirent s’unir pour lutter collectivement en vue de l’atteindre. La jurisprudence l’admet fortement en reconnaissant :

« l’existence d’une multitude de groupes organisés, de clubs et d’associations qui poursuivent des objectifs forts variés d’ordre religieux, politique, éducatif, scientifique, récréatif et charitable. Cet exercice de la liberté d’association ne fait pas que servir les intérêts ou la cause de l’individu, il favorise la réalisation d’objectifs sociaux généraux. Le rôle que la liberté d’association joue dans le fonctionnement de la démocratie revêt une importance particulière »328.

À ce propos, il y a lieu de reconnaître que la liberté d’association ne peut être interprétée restrictivement à l’endroit des associations étudiantes surtout que la L.a.f.a.e., permet à tout étudiant de faire partie d’une association d’étudiants de son

choix et de participer à ses activités329. La Cour suprême a d’ailleurs reconnu l’aspect

collectif de la liberté d’association pour protéger l’exercice des activités collectives : « [L]a notion même d’« association » reconnaît les différences qualitatives entre individu et collectivité. Elle reconnaît que la presse diffère qualitativement du journaliste, la collectivité linguistique du locuteur, le syndicat du travailleur. Dans tous les cas, la collectivité a une existence propre et ses besoins et propriétés diffèrent de ceux de ces membres individuels. [É]tant donné que les

327 Renvoi relatif à la Public Service Employees Relations Act, préc., note 301, par. 146. 328 Id., par. 152.

besoins et priorités des syndicats tendent à se distinguer de ceux de leurs membres individuels, ils ne peuvent fonctionner si la loi protège exclusivement ce qui pourrait être des « activités licites d’un individu ». La loi doit plutôt reconnaître que certaines activités syndicales – les revendications collectives auprès de l’employeur, l’adoption d’une plateforme politique majoritaire, le regroupement en fédérations syndicales – peuvent être au cœur de la liberté d’association même si elles ne peuvent exister au niveau individuel »330.

Cependant, la question du droit de grève des étudiants n’a jusqu’à présent pas été traité par les tribunaux. En effet, toutes les décisions qui ont été rendues dans le cadre de la grève étudiante se rapportent essentiellement aux injonctions interlocutoires

provisoires qui ont pour la plupart été accordées331.

Bien que les associations étudiantes présentent un certain nombre de similitudes avec les associations de salariés, il demeure que le droit de grève a seulement été reconnu

dans le cadre des relations de travail332. En effet, dans l’arrêt Saskatchewan

Federation of Labor, il appert clairement que le droit de grève est lié au processus de négociation collective :

« 77 Cela nous amène au test qui permet de déterminer s’il y a ou non atteinte au droit garanti à l’al. 2d). Le droit de grève est protégé en raison de sa fonction unique dans le processus de négociation collective. Dans Health Services, la Cour dit de cet alinéa qu’il empêche l’État d’entraver substantiellement la faculté des travailleurs d’agir de manière concertée par l’entremise de leur syndicat afin d’exercer ne influence véritable sur leurs conditions de travail dans le cadre d’un processus de négociation collective (par.

330 Dunmore c. Procureur general de l’Ontario, préc., note 313, par. 17. 331 Supra note 266.

90). Lajuge en chef McLachlin et le juge LeBel confirment d’ailleurs ce qui suit dans Police Montée :

L’équilibre nécessaire à la poursuite véritable d’objectifs relatifs au travail peut être rompu de maintes façons. Des lois et des règlements peuvent restreindre les sujets susceptibles de faire l’objet de négociation ou imposer des résultats arbitraires. Ils peuvent interdire l’action collective des employés sans offrir de mesures de protection adéquate en compensation et réduire ainsi leur pouvoir de négociation. […] Quelle que soit la nature de la restriction, il faut essentiellement déterminer si les mesures en question perturbent l’équilibre des rapports de force entre les employés et l’employeur que l’al 2d) vise à établir, de telle sorte qu’elles interfèrent de façon substantielle avec un processus véritable de négociation collective ( Health Services, par. 90). [Italiques ajoutés; par. 72.]

78 Le test consiste alors à déterminer si, dans un cas donné, l’entrave législative au droit de grève équivaut ou non à une entrave substantielle à la négociation collective. Il appert que la PSESA satisfait à cette condition en ce qu’elle empêche les salariés désignés de se livrer à tout arrêt de travail dans le cadre du processus de négociation. Sa justification doit donc être démontrée au regard de

l’article premier de la Charte »333.

Le droit de grève s’exerce donc dans le contexte particulier des relations du travail, et est intrinsèquement lié à la négociation collective des conditions de travail. Il n’y a rien qui indique qu’il pourrait s’appliquer aux associations étudiantes compte tenu des différences importantes des deux contextes. En effet, l’employeur et l’association de salariés accréditée ont l’obligation de négocier de bonne foi en vue d’en arriver à la conclusion d’une convention collective. Dans le contexte étudiant, il n’y a aucune obligation de négociation prévue par la loi.

Le Code du travail qui est la législation applicable aux relations de travail reconnait formellement le droit de grève aux salariés et à des conditions très précises. Les

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associations étudiantes sont régies et encadrées par la L.a.f.a.e. qui, comme nous l’avons constaté précédemment, est resté silencieuse sur le sujet.

Ainsi, étant donné l’absence de dispositions sur le droit de grève des étudiants, il s’avère difficile de croire que les associations d’étudiants pourraient, dans un avenir proche, exercer la grève en tant que manifestation de la liberté d’association et se voir ainsi reconnaître une protection constitutionnelle à leur droit de grève.

Chapitre II – LA GRÈVE : MOYEN D’AFFIRMATION DES ASSOCIATIONS ÉTUDIANTES ET DES ASSOCIATIONS DE SALARIÉS AU NOM DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ?

Comme nous l’avons constaté, la grève est un moyen de défense essentiel aux associations dans la poursuite de leurs objectifs. Elle constitue également un moyen

par lequel les associations expriment leurs idées et points de vue334. Ce faisant, il est

question de savoir si l’exercice de la grève en tant que moyen d’action des associations de salariés et des associations étudiantes peut se fonder sur la liberté