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C. POTEL reprend la notion de «manque à être» 61 pour définir cette difficulté à

IV. La pratique psychomotrice : un dispositif particulier

A. La relation

1. La rencontre

La rencontre est essentielle dans cet accompagnement. Au début de mon stage j’ai pu ressentir comment la présence de quelqu’un de nouveau peut susciter parfois de la curiosité ou parfois de l’angoisse. Je crois que dans le temps de rencontre il faut savoir rester à une bonne distance de l’enfant, pour qu’il apprenne à mieux nous connaître et que s’installe par la suite une relation de confiance.

Marie est une petite fille de 5 ans, souriante, qui investit bien les séances de psychomotricité. Je vais la suivre toute l’année en compagnie de sa psychomotricienne. Lors de notre première rencontre, elle accepte ma présence d’un oui de la tête, mais n’accepte pas que j’interagisse. Il y a ma position de stagiaire et le fait que je sois un homme qui intervient au niveau relationnel. Je reste alors en retrait, je regarde la séance se dérouler, sans qu’elle ne me sollicite malgré les demandes de la psychomotricienne.

Plus tard, restant toujours à distance, j’applaudis lorsqu’elle réussit un parcours, elle commence à me regarder. Lors de la seconde séance, je reste toujours à ma place, mais je commente un peu plus ce qui se passe, ainsi elle peut me solliciter verbalement. Enfin au bout de trois séances, Marie accepte que je sois actif à part entière. Une relation de confiance s’est

installée, un échange peut démarrer.

On parle de relation thérapeutique en psychomotricité. C’est un espace qui est

partagé, un espace où l’on est écouté. L’enfant va pouvoir exprimer ses envies et le

psychomotricien va venir faire écho, sans interpréter, il va reformuler : «j’écoute et je te reformule ce que j’en ai compris». À partir de là on va aller vers une recherche de sens.

Dans cette relation la qualité de présence du psychomotricien est très importante. Avec les enfants en situation de handicap moteur cette relation se doit d’être contenante, pour garantir une sécurité de base qui peut faire défaut. Le psychomotricien doit être un objet stable et constant garant d’un certain cadre.

J’ai pu me rendre compte combien ces enfants sont sensibles aux émotions qu’on peut leur transmettre. Avec le recul je me rends compte que dès que j’ai été moins présent dans la relation, que j’ai pensé à autre chose, j’ai pu percevoir en retour une certaine agitation, comme pour me ramener au moment présent. C’est pourquoi il me semble que cette présence contenante, par la voix, les gestes, le regard, va être très importante dans l’accompagnement de ces enfants car cela va contribuer à former un environnement sécure dans lequel l’enfant

pourra évoluer et si besoin est se rattacher.

Ainsi il s’agira d’être à l’écoute de tout ce qui peut passer dans la relation, à l’écoute de l’enfant comme de nous-même.

Être à l’écoute de soi et de l’autre, pour le psychomotricien, permet de percevoir les

émotions de l’autre et en même temps de prendre conscience de ses propres réactions toniques et motrices pour leur donner un sens.

Il y a une notion de transfert et de contre-transfert psychomoteur, la compréhension de l’autre nous est permise grâce à nos éprouvés corporels.

2. Le dialogue tonico-émotionnel

On retrouve ici la notion de «dialogue tonique» de J. DE AJURIAGUERRA, ou dialogue tonico-émotionnel. C’est le mode de communication du tout-petit, en tant que langage principal de l’affectivité, et on le retrouve chez les enfants plus grands et chez l’adulte. Le psychomotricien y est attentif afin de percevoir au mieux l’état affectif de l’enfant. Cela permet de percevoir s’il existe une concordance entre le dialogue verbal et ce

Parfois ce lien n’existe pas et le psychomotricien par la verbalisation de ce qu’il

perçoit va permettre de refaire ce lien entre les manifestations corporelles et ce qui en est ressenti, symbolisé, chez l’enfant.

Le dialogue-tonico émotionnel passe par le toucher, mais aussi par la voix et le regard. C’est un véritable langage corporel et affectif qui permet au psychomotricien et à l’enfant d’être en relation.

Être attentif aux réactions toniques permet avec des enfants qui sont démunis sur le plan du langage de percevoir l’état de bien-être ou de mal-être dans lequel ils se trouvent à un moment donné.

J’ai pu appréhender cela auprès d’enfants en situation de polyhandicap. L’approche du psychomotricien, par des massages, des stimulations sensorielles, est importante afin d’amener un certain relâchement tonique. Ce n’est pas toujours évident de percevoir l’état de relâchement mais en étant attentif à certains signes et en apprenant à connaître l’enfant, par l’intermédiaire aussi des échanges avec les autres professionnels, on peut percevoir quelque chose de son état lors de ces moments de rencontre.

En retour, le psychomotricien doit faire attention à ses propres réactions toniques et ce qu’il peut en renvoyer à l’enfant.

Amélie est une petite fille de 5 ans. Je ressens chez elle une grande anxiété, elle m’apparait comme étant toujours à cran et lorsque cette angoisse la dépasse elle fait de grands gestes brusques en extension. À plusieurs reprises dans ces moments-là elle rassemble des balles de ping-pong et dans un mouvement d’extension elle les éparpilles aux quatre coins de la salle. Dans cette situation je me rapproche d’elle et je l’invite à s’asseoir avec moi, son dos appuyé contre moi. Ainsi je lui permet de retrouver cette position d’enroulement et une certaine sécurité corporelle. Je peux sentir un relâchement important chez Amélie qui prend totalement appui contre moi. Là, elle est disponible aux échanges.

À ce moment-là dans ce contact il est essentiel de faire passer quelque chose du relâchement tonique, d’un apaisement, d’une sécurité. Corporellement et verbalement,

l’enfant doit pouvoir percevoir et ressentir une cohérence entre ce que l’on dit et ce que

l’on peut renvoyer par nos réactions toniques et posturales.

La relation thérapeutique en psychomotricité est une relation dans laquelle le psychomotricien est un partenaire symbolique qui permet de construire un jeu sans jamais s’enfermer dedans. Le recul sera donc essentiel de manière à appréhender ce qu’il s’est passé durant une séance et l’évolution de l’enfant au cours de l’accompagnement.

B. Le cadre

Le psychomotricien construit sa pratique autour d’un cadre, qui vient la délimiter. Le cadre en psychomotricité est à la fois un lieu et un espace qui va délimiter une séparation entre un dedans et un dehors. Le cadre va définir non seulement un espace, mais aussi un ensemble de règles. Il est à la fois contenant sans être rigide.

C. POTEL envisage le cadre psychomoteur à deux niveaux : le cadre physique et le cadre psychique.

Le cadre physique est constitué des horaires, de la fréquence, de la durée des séances, du lieu et du matériel, etc. Ces règles sont structurantes et sécurisantes car elles établissent le droit et le devoir de chacun.

En institution, j’ai pu constater combien ce cadre physique peut être perturbé. Les changements de salle, de matériel, d’emploi du temps sont fréquents. Il est parfois difficile d’éviter tous ces changements, donc la manière dont le psychomotricien va être présent afin de maintenir ce cadre par sa présence, sa voix, ses façons d'accueillir l’enfant, est essentielle.

C’est ce que C. POTEL décrit par le cadre psychique.

Le cadre psychique garantit une pensée du corps du patient, il a une fonction de pare-

excitation, une fonction contenante. De par sa façon d’être, sa présence, sa voix, ses gestes,

son attitude, le psychomotricien s’attache à être du mieux possible contenant. Il a également une fonction de miroir, en référence à D. WINNICOTT qui a décrit le bébé se voyant dans le visage de la mère. Le patient se voit dans les yeux du psychomotricien qui est là pour lui renvoyer une image positive, vers une re-narcissisation. C. POTEL donne au cadre en psychomotricité une fonction d’étanchéité, une sécurité qui permet à l’enfant d’être «tout

entier» dans la relation avec le psychomotricien.

Chez les enfants porteurs d’hémiplégie que j’ai rencontré, j’ai retrouvé une certaine

agitation motrice, une impulsivité, une difficulté à verbaliser sans s’engager dans une action

motrice. En réponse à cette agitation j’ai pu constater l’importance d’adopter une position

contenante : se rapprocher corporellement, répéter calmement une consigne en gardant une

voix calme et posée, se placer comme un soutien en arrière plan. Cela permet l’instauration d’une relation de confiance, d’une alliance thérapeutique et d’une relation thérapeutique, éléments essentiels à la pratique psychomotrice.

C. Le bilan psychomoteur

En institution et avec des enfants en situation de handicap moteur, l’intervention du psychomotricien se base sur un bilan psychomoteur.

Les modalités de l’évaluation psychomotrice ou bilan psychomoteur vont différer en fonction de la demande, de l’âge du Sujet, du lieu et du psychomotricien.

C’est une «méthode d’observation, au moyen de consignes, de situations, de tests qui

permettent [...] d’évaluer les difficultés [et les capacités] d’un patient»65 à partir desquelles

l’accompagnement du Sujet en psychomotricité pourra se construire.

Dans l’institution où j’ai effectué mon stage, il y a une demande, de la part du médecin de rééducation fonctionnelle, de chiffres, de résultats aux tests afin de savoir où se situe l’enfant dans son développement psychomoteur. Cela permet d’obtenir des éléments d’objectivation, qui vont constituer d’indispensables repères au démarrage d’un accompagnement en psychomotricité. Toutefois avec des enfants en situation de handicap moteur, il est nécessaire de ne pas apporter une trop grande importance aux chiffres, étant donné que l’on sait que le développement psychomoteur est souvent retardé en raison de la déficience motrice.

Le bilan repose sur une interaction à un moment donné et doit prendre en compte l’aspect relationnel, les échanges émotionnels et donc ne peut prétendre à la seule dimension objective. Ce n’est pas le résultat qui va être déterminant pour le psychomotricien mais plutôt

comment l’enfant construit sa pensée : quelles stratégies l’enfant va mettre en place pour y

arriver, va-t-il tenter d’y arriver ou exprimer une difficulté ?

Il s’agit pour le psychomotricien d’aborder l’enfant non pas par rapport à sa pathologie mais en rapport avec son vécu.

Observer et décrire ne suffisent pas; le croisement des données observées et des données théoriques sur le fonctionnement psychomoteur va faire la richesse de l’observation faite en psychomotricité. «La mise en récit des troubles n’est pas un luxe, c’est une nécessité

absolue car l’être humain est fondamentalement un être de narration»66. En institution le

travail de rédaction et de compte rendu pour les réunions de synthèse amène une autre dimension à la réflexion et permet de prendre du recul et d’ajuster sa pratique.

66 GOLSE B cité par PONTACQ B., Les spécificités des démarches thérapeutiques, Cours de psychomotricité, 2ème année, 2012

D. La médiation ou le plaisir du «je» par le jeu

1. La médiation

La médiation est un dispositif, un matériel technique, qui s’inscrit dans un temps et un espace et qui par définition vient s’interposer entre l’enfant et le thérapeute. C’est un

intermédiaire, un support qui permet de proposer un lieu d’expériences, de sensations et de

perceptions et d’en produire une forme symbolique.

La médiation permet une extériorisation des affects de manière détournée dans le jeu, des verbalisations peuvent alors secondairement émerger. C’est un support concret de nos représentations psychiques. C’est aussi l’occasion d’une mise en relation, d’une rencontre entre soi et le monde.

Durant toute cette année je n’ai pas utilisé de médiations spécifiques, mis à part de temps en temps la salle «snoezelen», dans laquelle il existe généralement un cadre particulier et des règles spécifiques de fonctionnement. Je n’en ai pas utilisé car d’une part les disponibilités matérielles, l’organisation des emplois du temps ne s’y prêtaient pas totalement et d’autre part je n’en ai pas ressenti le besoin dans l’accompagnement de ces jeunes enfants.

Ainsi j’ai utilisé comme le corps comme médiateur. Des objets simples m’ont permis de mettre ce corps en jeu, de nouer une relation et de faire toutes sortes d’expériences sensori- motrices afin de favoriser une ré-appropriation de ce corps défaillant et susciter la curiosité, la créativité et l’envie.

R. ROUSSILLON utilise la notion «d’objeu» pour décrire des objets d’une très

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