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Par analogie avec la fumée de cigarette conventionnelle, qui contient plus de 4 000 composés, la question de l’exposition des vapoteurs à différents composés chimiques potentiellement toxiques s’est rapidement posée. Dans la mesure où la production d’e-vapeur ne requiert aucun phénomène de combustion, les émissions de cigarette électronique sont généralement considérées comme moins nocives que la fumée de tabac. Néanmoins, il convient de vérifier si les e-liquides et les e-vapeurs ne contiennent pas de molécules ou éléments « inattendus », potentiellement toxiques, que l’on peut associer à des « polluants » ou « impuretés ».

Par exemple, l’éthylène glycol, molécule irritante dont l’exposition est susceptible de provoquer des troubles neurologiques, digestifs et rénaux [42] et dont l’utilisation dans les e-liquides est proscrite par l’AFNOR [38], a été retrouvé dans des e-liquides à des proportions pouvant atteindre 76 % [43]. Hess et al. (2017) ont rapporté la présence de cadmium, chrome, plomb, manganèse et nickel, dans des e-liquides de cig-a-likes, à des concentrations allant respectivement de 0,137 à 755, 41,5 à 16 900, 3,17 à 4 870, 11,8 à 31 500 et 13,7 à 72 700 µg/L [44]. Certaines de ces concentrations sont notablement supérieures aux valeurs cibles actuellement proposées par l’AFNOR (Tableau 1) et donc très préoccupantes. D’autres composés, comme des composés carbonylés (formaldéhyde, acétaldéhyde, etc.) ou des

solvants (acétone, acétate d’éthyle, etc.) ont aussi été retrouvés par Varlet et al.

(2015), à des concentrations oscillant de quelques dixièmes de µg/g à quelques centaines de µg/g d’liquide [45]. Ces différents polluants, retrouvés dans les e-liquides, peuvent ainsi passer dans les e-vapeurs au cours du vapotage et être aspirés par le consommateur.

Tableau 1. Concentrations limites en ETM dans les e-liquides selon la norme XP D90-300-2 de l’AFNOR [37]

ETM Valeur limite AFNOR (µg/L)

As 3000

Cd 1000

Hg 1000

Pb 10000

Page | 32 L’e-vapeur pourrait être considérée, à tort, comme étant le reflet de l’e-liquide consommé. Cependant, différents phénomènes peuvent intervenir au cours de la vaporisation et influer sur la composition de l’e-vapeur : transformation (décomposition ou dénaturation) d’une molécule [46], relargage par des composants de l’e-cigarette [47,48] ou vaporisation non totale de certains composés [49]. En conséquence, la composition des e-vapeurs est potentiellement différente de celle de l’e-liquide et doit alors être étudiée.

Pour cela, il faut mettre en place une chaîne complète de mesure réalisant, dans l’ordre, la génération, l’acheminement, la collecte et l’analyse des e-vapeurs et

des composés chimiques qu’elles contiennent. Il s’avère, d’après l’analyse de la

littérature, que les différentes combinaisons de cette chaîne de mesure sont susceptibles de générer d’importantes variations dans les compositions observées des e-vapeurs.

La chaîne de mesure commence par l’e-cigarette elle-même. Comme

présenté précédemment, il existe différents modèles et technologies d’e-cigarette. Des auteurs comme Uchiyama et al. (2013) et Gillman et al. (2016) ont constaté que des écarts importants de composition d’e-vapeur pouvaient être observés non seulement entre différents modèles de cigarette électronique, mais aussi entre plusieurs exemplaires d’un même modèle [50,51]. Il convient donc, aussi, d’être attentif au nombre de dispositifs utilisés, et potentiellement à leur lot de provenance.

Ensuite, il faut être capable, à partir de l’e-cigarette, de générer artificiellement une ou plusieurs bouffée(s). C’est le rôle de la machine à fumer/vapoter, qui permet de générer des bouffées de manière contrôlée et reproductible, l’objectif étant aussi d’être le plus réaliste possible. Il existe toutefois différentes machines à fumer/vapoter et différentes manières de les configurer. Un travail de revue de Tianrong Cheng (2014) rapporte justement que les paramètres de génération des e-vapeurs sont très variables d’une étude à une autre : le volume des bouffées varie de 35 à 498 mL, la durée d’aspiration varie de 1,8 à 4 s et l’intervalle entre deux bouffées varie de 8 à 60 s [52]. Des dispositifs « faits-maison » sont parfois utilisés, tels que des seringues à gaz [53], limitant cependant les expériences en termes d’automatisation et de reproductibilité.

L’acheminement des e-vapeurs vers le dispositif de collecte est souvent dépendant du dispositif de génération, donc de la machine à fumer/vapoter. Le délai

Page | 33 et la distance d’acheminement de l’e-vapeur devraient être, dans l’idéal, les plus courts possibles.

Les dispositifs de collecte sont spécifiques des composés recherchés et des techniques analytiques utilisés. Cependant, pour une même molécule recherchée, il peut exister plusieurs méthodes de collecte (et plusieurs méthodes de dosage). Les composés carbonylés, par exemple, ont déjà été récupérés sur des cartouches de gel de silice imprégné de 2,4-Dinitrophenylhydrazine (DNPH), par des barboteurs remplis d’une solution de DNPH ou encore sur des cartouches de charbon actif. Or, il n’existe pas suffisamment d’argument aujourd’hui pour considérer que ces différentes techniques soient équivalentes. De plus, le nombre de bouffées échantillonnées pour les analyses d’e-vapeurs, pouvant aller de 1 à 150, questionne aussi sur la représentativité de l’échantillonnage [54,55]. De manière plus

anecdotique, le nombre de bouffées peut aussi conditionner l’unité de rendu du

résultat et sa facilité d’interprétation. En effet, il est possible d’observer des résultats rendus en µg/bouffée, µg/10 bouffées, µg/150 bouffées, ppm/bouffée de 38 mL ou

encore mg/m3 [52].

Enfin, les techniques de dosage des composés ciblés sont très variées, comme le rapporte Tianrong Cheng dans son travail de revue (Tableaux 2 et 3) [52].

Tableau 2. Méthodes analytiques développées pour la nicotine, les nitrosamines spécifiques du tabac, les métaux, les composés organiques volatiles et les phénols d'après Cheng 2014 [52]

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Tableau 3. Méthodes analytiques développées pour les HAP, arômes, solvants, alcaloïdes, drogues et particules d'après Cheng 2014 [52]

Il est, par conséquent, aisément concevable que de telles différences, notamment méthodologiques, entre les études puissent être à l’origine d’une variabilité, plus ou moins importante, de la composition chimique observée des e-vapeurs. En tenant compte de l’ensemble des biais potentiels (connus et supposés)

et en attendant la publication de méthodes de référence et l’harmonisation des

pratiques, il convient donc d’interpréter les valeurs publiées sur la composition chimique des e-vapeurs avec précaution.

La présence dans les e-vapeurs de composés carbonylés, d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), d’autres composés organiques volatils (toluène,

xylène, etc.), de nitrosamines ou d’ETM a ainsi été rapportée par plusieurs études

[43,44,46,47,50,54–59]. Le plus souvent, ces composés mis en évidence dans les e-vapeurs sont à des concentrations inférieures, voire largement inférieures, à celles mesurées dans la fumée de cigarette conventionnelle (exemple des résultats de Goniewicz et al. (2013), Tableau 4). Toutefois, des concentrations très importantes en composés carbonylés, dépassant notamment la centaine de µg/bouffée pour le formaldéhyde, soit 100 fois la valeur cible proposée par l’AFNOR, ont déjà été observées [54,59].

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Tableau 4. Comparaison des niveaux de composés toxiques entre les cigarettes conventionnelles et électroniques d'après Goniewicz et al. (2013) [55]

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