• Aucun résultat trouvé

Tumor Necrosis Factor et les rhumatismes inflammatoires chroniques

1. LA POLYARTHRITE RHUMATOIDE a Epidémiologie

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est le plus fréquent des rhumatismes inflammatoires chroniques. Sa prévalence est estimée entre 0,3 et 0,8% de la population adulte, avec une incidence annuelle en France d’environ 8 nouveaux cas pour 100.000 habitants. La PR peut survenir à tout âge mais est plus fréquente entre 40 et 60 ans, avec une prédominance féminine (80% des cas) à ces âges, mais cette différence de sex-ratio s’atténue progressivement au-delà de 70 ans. Il existe une prédisposition génétique à la maladie en liaison avec le système HLA notamment et il n’est pas exceptionnel de rencontrer dans les antécédents familiaux une PR ou d’autres maladies auto-immunes.

b. Manifestations cliniques

La PR se définit comme étant une maladie inflammatoire chronique caractérisée par un gonflement et une fragilisation des articulations, ainsi qu’une destruction progressive des structures articulaires, conduisant à un handicap sévère et une mortalité prématurée. Les critères de classification pour une PR ont été révisés en 2010 par l’American College of

Rheumatology (ACR) conjointement avec l’European League Against Rheumatism (EULAR)

[Fig4].

30 Les premiers signes se manifestent généralement sous forme d’oligo ou poly arthrite et de synovites. Les douleurs sont de rythme inflammatoire avec de possibles réveils nocturnes et un dérouillage matinal supérieur à 30 minutes. L’atteinte des mains est la plus caractéristique et souvent inaugurale. Une fois installée, la PR évolue par poussées, et tend à gagner les articulations jusqu’alors indemnes et peut, outre les mains, toucher les poignets, les pieds, les épaules, les coxo-fémorales, le rachis cervical et toutes les articulations synoviales. Elle peut s’accompagner de signes extra-articulaires tels qu’une altération de l’état général, un syndrome sec (de Goujerot-Sjögren), des nodosités sous-cutanées, des adénopathies, des atteintes rénales, cardiaques, pulmonaires, et oculaires [31].

L’évaluation clinique de la maladie peut s’effectuer par le calcul du SDAI (Simple

Disease Activity Index), ou du DAS 28 (Disease Activity Score), prenant en compte 28

articulations, l’échelle visuelle analogique (EVA) de la douleur selon le patient et l’inflammation par le biais de la CRP ou de la vitesse de sédimentation (VS). L’évaluation de la capacité fonctionnelle et de la qualité de vie sont quant à elles quantifiées par le patient en remplissant le HAQ (Health Assessment Questionnaire).

c. Physiopathologie

On estime actuellement que le déclenchement et l’entretien de la maladie pourraient être influencés par de multiples facteurs. Ils peuvent être de nature infectieuse, liés au stress, à l’alimentation, génétiques via les antigènes HLA DR4 et/ou DR1, ou encore des facteurs hormonaux, notamment par le biais de la prolactine et son implication dans les réponses immunitaires [32]. La résultante en est une réaction immunitaire intrasynoviale avec accumulation locale de monocytes et de macrophages producteurs de cytokines pro- inflammatoires comme l’IL-1, IL-6 et le TNFα, contribuant ainsi au recrutement des lymphocytes T et des polynucléaires. Les macrophages activent également les lymphocytes T par présentation d’antigènes associés aux molécules du CMH, pour aboutir par les lymphocytes T CD4+ à des activations cellulaires en cascade et la production amplifiée de cytokines augmentant ainsi l’inflammation locale et provoquant des destructions tissulaires. En effet, il y a un déséquilibre entre les cytokines à action pro-inflammatoire comme le TNFα, l’IL-1 et l’IL-6, alors présentes en excès, et les cytokines à action anti-inflammatoire représentées par l’IL-10, l’IL-4, l’IL13, les récepteurs solubles du TNFα, et l’antagoniste du récepteur de l’interleukine 1, qui sont alors en quantités insuffisantes pour pouvoir bloquer l’action des premières. De ce fait, ces cytokines et leurs récepteurs constituent des cibles thérapeutiques majeures. Par exemple, des souris transgéniques porteuses de TNF humain modifié vont montrer des signes de polyarthrite chronique inflammatoire. Ces mêmes souris traitées par des anticorps dirigés contre le TNF humain ne développaient plus aucun signe de cette maladie, démontrant ainsi l’implication directe du TNF dans la pathogénie de l’arthrite [33].

Les lésions initialement observées sont dues à une atteinte vasculaire, incluant des microthromboses et une néovascularisation. De plus, il y a une hyperplasie des cellules

31 synoviales, qui vont recouvrir le cartilage articulaire. Le tissu synovial inflammatoire et prolifératif, également appelé « pannus », est responsable de la destruction du cartilage par la sécrétion d’enzymes métalloprotéases, mais joue aussi le rôle de propagateur de la réponse immunitaire [34].

En résumé, les principaux mécanismes lésionnels responsables de la destruction articulaire sont [Fig5]:

-la production anormalement élevée d’enzymes protéolytiques dont les métalloprotéases (collagénases et stromélysines) ;

-la production de radicaux libres ;

-la formation d’auto-anticorps et de complexes immuns circulants ;

-l’intervention de phénomènes de toxicité à médiation cellulaire.

32 d. Traitements

Le traitement de la PR a trois objectifs principaux, à savoir : soulager les douleurs, ralentir l’évolution de la maladie, et maintenir la fonction articulaire tout en prévenant également les déformations. Pour ce faire, il convient d’adapter la prise en charge selon les comorbidités, mais surtout instaurer un traitement de fond le plus tôt possible, auquel on associe des traitements locaux tels que des infiltrations, de l’ergothérapie, de la rééducation ou encore de la chirurgie, et aussi des traitements symptomatiques lors des poussées, principalement à visées antalgiques par du repos, des AINS ou des corticoïdes, du paracétamol, de la codéine ou du tramadol, voire de la morphine. Le traitement de fond de la PR s’oppose au traitement symptomatique car il a pour objectif de contrôler l’activité de la maladie, d’en prévenir les poussées, un handicap ainsi que l’atteinte radiologique. Egalement appelés DMARDs (disease modifying antirheumatic drugs), le choix thérapeutique se fera selon la sévérité de la maladie [Fig.6], les plus utilisés étant en général le Méthotrexate(MTX), le Léflunomide, ou la Sulfasalazine. En cas de découverte d’un facteur de mauvais pronostic pour le patient, une biothérapie anti-TNFα peut également être instaurée d’emblée.

33 En seconde ligne ou face à des PR trop sévères dites réfractaires, on peut proposer les biothérapies anti-TNFα en plus ou en remplacement du traitement initial. Par exemple, il a été rapporté que dans la PR active chez des patients traités par MTX et chez lesquels on rajoutait l’Infliximab, il était observé un bénéfice clinique majeur et un arrêt de la progression des dommages des articulations [36]. Egalement, même chez des patients ne présentant pas d’améliorations cliniques, un traitement Infliximab plus MTX apportait un bénéfice en regard du processus de destruction, suggérant que chez de tels patients ces deux paramètres de la maladie sont dissociés [37].

Documents relatifs