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La politique française des nouveaux médias

8. L’impact des nouvelles technologies

8.1 La politique française des nouveaux médias

Avant se s’intéresser aux défis technologiques auxquels l’audiovisuel fait face aujourd’hui, un rapide regard rétrospectif sur les politiques publiques des nouveaux médias en France est nécessaire.147 Ces politiques se sont heurtées à diverses difficultés et n’ont pas toujours produit les résultats escomptés, une donnée que les décideurs publics ainsi que les dirigeants de groupes de communication devraient avoir à l’esprit en abordant les évolutions technologiques en cours. La mémoire du passé peut sans doute aider à mieux construire la communication du futur.

La politique des nouveaux médias menée en France au cours des deux dernières décennies peut être considérée comme un échec dans la mesure où la plupart des objectifs fixés au début des années 1980 – la promotion d’une industrie high-tech

française,148 le développement d’une industrie de programmes puissante, le déploiement d’utilisations innovantes et culturelles de la télévision grâce à des réseaux

147 Pour une présentation générale au début des années 1990, voir Lunven Ronan, Vedel Thierry. La

télévision de demain. Paris: Armand Colin, 1993.

148 Voir à ce sujet: Cohen, Elie. Le colbertisme high-tech. Economie des Télécom et du grand projet.

communautaires interactifs – n’a pas été atteinte. En revanche, le marché du câble est désormais dominé par des sociétés étrangères; celui du satellite souffre de la concurrence dispendieuse entre deux plate-formes; la quasi-totalité des chaînes proposées sur le câble ou le satellite est déficitaire, 10 ans ou plus après leur lancement. A ce paysage assez morose, on peut ajouter l’écroulement du groupe Vivendi, qui après s’être engagé dans une stratégie de convergence des communications à l’échelle planétaire, a frôlé la faillite.

Tableau 18. Pénétration du câble et du satellite en France de 1992 à 2002

Nombre de foyers (en millions)

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 Abonnés au câble 1 1.25 1.6 1.85 2.13 2.34 2.58 2.82 3 3.21 3.6 3.7 Abonnés au satellite 0 0.1 0.22 0.3 0.45 1.08 1.65 2.27 2.57 2.95 3.4 3.5 Source: Aform,149 opérateurs du câble ou de satellite

La politique du câble

Après une politique restrictive au cours des années 1960 et 1970 (l’utilisation des réseaux câblés étant alors limitée à la retransmission d’émissions normalement reçues par voie hertzienne), le gouvernement a lancé un ambitieux plan câble en novembre 1982. Placé sous la responsabilité de France Télécom, qui était alors une administration publique, ce plan visait à connecter 6 millions de foyers avant 1992 et devait permettre le développement des technologies les plus avancées (réseaux en fibre optique interactifs et en étoile).

En 1986, des câblo-opérateurs privés furent autorisés à entrer dans le marché et ceux-ci installèrent des systèmes plus conventionnels (câble en cuivre et architectures en arbre). Outre France Télécom, trois câblo-opérateurs, qui étaient des filiales de sociétés gérant des équipements ou services publics,150 émergèrent: la Lyonnaise Communication (Suez), ComDev (Caisse des dépôts et consignations) et la Compagnie générale de Vidéocommunication (Compagnie générale des eaux, qui par la suite devint le groupe

149 Association française des opérateurs de réseaux multiservices, disponible à: http://www.aform.org. 150 L’intérêt de ces compagnies pour le câble est lié à trois éléments. Ces compagnies entretenaient

des relations anciennes et étroites avec les municipalités qui, au départ, ont joué un rôle central dans le développement du câble. Elles voyaient dans le câble une extension naturelle de leur métier traditionnel (la gestion de réseaux). Ces compagnies disposaient enfin des ressources financières et techniques pour entreprendre et financer des investissements à long-terme.

Vivendi). Ces opérateurs contribuèrent à dynamiser le marché du câble en créant des chaînes de télévision thématiques.

A la fin de 2003, on doit constater que seulement 3,7 millions de foyers sont abonnés à la télévision par câble, alors même que 8,8 millions de foyers sont connectés (tableau 18). Ceci signifie que de nombreux foyers qui, techniquement, ont la possibilité de s’abonner à la télévision par câble ne le font pas. Ce qu’on peut expliquer par de multiples facteurs: les chaînes offertes sur le câble ne correspondent pas à la demande des téléspectateurs et/ou leurs tarifs sont trop élevés; les réseaux câblés n’ont pas été construits dans les zones adéquates; le câble subit la concurrence de la télévision par satellite (voire même d’autres services de communication tels que le téléphone cellulaire ou l’internet).

Par ailleurs, alors que le plan câble de 1982 visait à faire émerger des câblo-opérateurs français compétitifs au plan international, on constate aujourd’hui que le marché du câble est progressivement pénétré par des opérateurs étrangers, tout particulièrement américains (tableau 19). En juillet 2004, la société américaine UPC a pris le contrôle du câblo-opérateur Noos. En décembre 2004, le fonds d’investissement britannique Cinven et le câblo-opérateur belgo-néerlandais Altice ont conclu un accord avec France Télécom et le groupe Canal+ pour le rachat de leur activités dans la télévision par cable.151

Tableau 19. Principaux câblo-opérateurs en France au 31 mars 2004

France Telecom Câble (désormais contrôlé par Cinven et Altice)

Numericable (désormais contrôlé par Cinven et Altice)

NOOS (acquis par

UPC) UPC France

TOTAL (autres opérateurs inclus) Nombre de réseaux 212 193 146 664 1641 Nombre de foyers équipés 1 520 164 2 314 539 2 967 362 1 393 100 8 879 111 Nombre de foyers abonnés 862 651 825 425 1 123 135 576 500 3,751 565 Foyers abonnés avec internet 80,000 76,000 201,327 23,000 416,838 Source: Aform152

151 Dans la nouvelle entité résultant de la transaction, Cinven détiendra la moitié du capital, Altice 10,01% et France Télécom et Canal+ 19,99% chacun. Communiqué de presse de France Télécom du 21 décembre 2004, disponible à:

http://www.francetelecom.com/en/financials/journalists/press_releases/CP_old/cp041221.html 152 Disponible à: http://www.aform.org.

La politique du satellite

Au cours des années 1980, la France a fait une brève mais douloureuse première incursion dans la télévision par satellite avec le projet TDF 1, piloté par TDF, la société publique chargée de la diffusion des émissions de télévision. Plusieurs rasions peuvent être avancées pour expliquer cet échec: TFD1 utilisait une technologie coûteuse et peu fiable; il n’offrait que très peu de canaux de diffusion (5) et il faisait appel à une norme, D2 Mac (censée préparer une transition vers la télévision haute définition) qui rendait nécessaire l’acquisition de nouveaux équipements de réception.

Depuis lors, TDF1 a cédé la place à deux opérateurs privés de services de télévision par satellite: TPS (créé conjointement par TF1 et M6, et à l’origine par France Télévisions qui est ensuite sortie du consortium) et Canalsatellite (filiale du groupe Canal Plus et du Groupe Lagardère). Utilisant les satellites et infrastructures d’Astra, Eutelsat ou Intelsat, TPS et Canalsatellite proposent à peu près les mêmes bouquets de chaînes que les câblo-opérateurs. Alors qu’on pensait que la télévision par satellite se développerait surtout dans les zones rurales, il est apparu qu’une partie non négligeable des abonnés se recrute dans les banlieues. Ceci est peut-être lié à l’offre et aux tarifs inadéquats des câblo-opérateurs dans des zones où les HLM sont nombreuses, mais s’explique avant tout par un autre facteur. Le satellite est le seul moyen qui permet à la population immigrée qui vit dans les banlieues de recevoir les chaînes de ses pays d’origine (tout particulièrement Eutelsat qui offre de nombreuses chaînes arabes).153