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La mulata Soledad, Adrián del Valle, 1929 (Cuba)

2 FIGURE DE FEMMES DE LA RESISTANCE DURANT LA PERIODE

2.2 La mulâtresse Solitude, figure emblématique des rebellions guadeloupéennes

2.2.1 La mulata Soledad, Adrián del Valle, 1929 (Cuba)

Adrián del Valle86, auteur cubain, écrit un roman qui fut publié en 1929. L’action de ce roman se situe dans la ville de la Havane à Cuba. Il traite de l’histoire d’une femme, Soledad, qui luttait pour sa survie et celle de sa fille âgée de 14ans dans une société où les femmes, et plus précisément les femmes de couleur, sont désavantagées. Le roman prend place au sein d’un société de caste, c’est-à-dire une société au sein de laquelle la couleur et l’appartenance sociale définissent l’importance d’une personne. Soledad, mulâtresse, et donc femme de couleur, issue d’une classe sociale peu élevée, se trouve au plus bas de l’échelle sociale. En effet, le fait d’être mulâtre, héritage des temps esclavagistes, était une honte. Dénigrés par les Noirs, rejetés par les Blancs, durant des années, les mulâtres étaient très peu « tolérés » dans la société. Adrian del Valle, en temps qu’intellectuel de son temps, eu connaissance des luttes qui eurent lieu dans la Caraïbe pendant la période esclavagiste. Au cours du récit, on retrouve certaines caractéristiques, notamment psychologiques, permettant de faire le rapprochement entre la figure de la mulâtresse Solitude de Guadeloupe et celle de Del Valle. En effet, ce sont toutes deux des femmes qui se révoltent contre un pouvoir mis en place, en plus du fait d’avoir en commun le fait d’être mulâtresse et donc rejetées par la société. De plus, la maternité est également un facteur commun entre ces deux femmes. Del Valle utilisa la figure initiale de la mulâtresse Solitude en temps qu’archétype afin d’en créer une qui sera propre aux questions sociales cubaines87. A travers cette seconde Solitude, il aborde la question de l’appropriation de la terre et de ce qu’est réellement être cubain mais traite également de la « cubanité ». Dans son œuvre, Soledad représente le mélange des influences africaines et européennes qui, avant 1920, représentaient ce qu’était, à son sens, « être cubain ». Soledad représente la force ouvrière féminine de Cuba, qui prenait part à un mouvement anarchiste plus important. Del Valle tend également à aborder la question de l’importance sociale selon la couleur de peau et dénonce, en quelques sortes, cette société de caste au sein de laquelle la couleur de la peau est un critère plus important que ce que l’individu apporte vraiment à la société.

86 Adrián del Valle, La Mulata Soledad. Barcelona, 1929.

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2.2.2 “La mulata de Córdoba”, Francisco Serrano, 1984 (Mexique)

Au Mexique, et plus précisément dans la ville de Cordoba, il existe une légende populaire, inspirée d’une histoire vraie, à propos d’une mulâtresse. Cette légende fut inspirée de l’histoire d’une femme, aucuns récits ne permets d’affirmer si cette dernière était bel et bien une mulâtresse ou si elle portait réellement le nom de Soledad, qui fut incarcérée et jugée pour des faits de sorcellerie, par le tribunal de la Sainte Inquisition. Cette légende, inspirée des textes de l’historien Luis González Obregón, fut réécrite et adaptée par Francisco Serrano en 1984. Cette légende conte l’histoire d’une mulâtresse au nom de Soledad qui résidait dans la ville de Cordoba, Veracruz. Personne ne connaissait ses origines, ses parents. De nombreuses rumeurs autour de pouvoirs de guérison et de séduction la concernait. Elle fut arrêtée et jugée par le tribunal de la Sainte Inquisition pour faits de sorcellerie, ayant refusé les avances du maire de la ville. Attendant son jugement, incarcérée, elle s’échappa à bord du navire qu’elle dessina sur un mur de sa cellule.

Dans ce récit, deux symboles importants peuvent être relevés et mis en relation avec la Solitude de Guadeloupe : le bateau et la femme. En effet, le bateau, élément essentiel tout au long du récit, fait allusion aux colons, et plus précisément aux espagnols, présents tout au long de l’histoire latino-américaine. Ici cet élément renvoie à l’histoire de la découverte des Amériques. Le fait que la mulâtresse fuit son sort à bord du navire dessiné représente un acte de rébellion, une forme de marronage. Elle utilise l’outil du colon qui met en esclavage afin de se défaire de son « pouvoir » et du jugement injustifié pour retrouver sa liberté et sa dignité, tout comme la Solitude guadeloupéenne qui, le jour de son exécution prononça ces quelques mots en français : « Il paraît qu'on ne doit jamais dire : Fontaine, je ne boirai de ton

eau...»88. Elle s’approprie la langue des « maîtres » afin de bien montrer sa dite soumission, affirmation qui, bien au contraire, est une façon de rejeter et ce, de manière publique, face à la foule qui guettait son arrivée sur les lieux de son exécution, l’ordre et la dévotion à la plantation et de montrer que la femme réussit à récupérer sa liberté et sa dignité. Le second élément, la femme, est le symbole permettant à l’auteur d’aborder le terrain des

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discriminations sexuelles mais également raciales. Il dénonce ces discriminations de caste : espagnols, gouvernants et les religieux face aux personnes de plus petite situation sociale. A travers cette légende, l’auteur dénonce également le fait que la couleur de peau et le fait d’être une femme seule peuvent faire d’une femme la cible des calomnies, et lui ôter tous ses droits en la déclarant coupable sans jugement préalable.

Pour conclure ici, nous dirons que la lutte de la mulâtresse Solitude l’inscrit au panthéon des héros régionaux dans une premier temps. Cependant, la culture populaire à travers l’oralité et la littérature diffusa le récit de cette femme aux valeurs exemplaires afin que ce dernier soit transmis de génération en génération et de culture en culture, transformant ainsi cette figure régionale en archétype caribéen. Elle devint alors la figure des luttes féminines, de castes, de « races », et de couleur. Elle devint alors la figure des métisses qui tentaient de se faire une place au sein de la société, métissage qui, durant de nombreuses années, était une caractéristique phénotypique controversée. Elle devint également une figure intemporelle, unificatrice des sociétés ayant pour histoire commune l’esclavage, et donc une figure à laquelle chacune de ces sociétés peut s’identifier. La femme aux Antilles occupe une position très complexe : elle est très souvent marginalisée, dominée, asservie. Solitude et Nanny, tout en étant fondamentalement différentes et dans deux îles différentes, donnent un courage, de voix féminine qui n’existerait pas sans elles.

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