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La modulation de la voie TGF-ß par d’autres voies de signalisation

IV. Régulation de la voie TGF-ß

5. La modulation de la voie TGF-ß par d’autres voies de signalisation

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pléiotrope de la voie TGF-ß, plusieurs études cliniques ont permis le développement d'une gamme de composés anti-TGF-ß pour le traitement du cancer (Figure 6). Certains de ces inhibiteurs de la voie TGF-ß ont montré des résultats prometteurs dans des études pré-cliniques et cliniques (Neuzillet et al., 2015; Yingling et al., 2004). Au début, les recherches d’antagonistes de la signalisation du TGF-ß se sont focalisées sur l'inhibition de la liaison du ligand TGF-ß à son récepteur TßRII par compétition en utilisant des protéines capable de piéger le TGF-ß soluble. D'autres recherches ont ensuite généré de nouvelles classes d'inhibiteurs agissant sur les différentes étapes et acteurs de la voie TGF-ß. Les quatre principales classes d'inhibiteurs du TGF-ß comprennent les pièges à ligand (par exemple 1D11 ou Fresolimumab), les oligonucléotides antisens (ASO) comme Trabedersen, les inhibiteurs de l’activité kinase du récepteur TßRI tels que LY2109761 ou LY2157299 et les aptamères peptidiques (par exemple Trx-SARA) (Figure 6) (Zhao and Hoffmann, 2006).

5. La modulation de la voie TGF-ß par d’autres voies de signalisation

La signalisation TGF-ß est impliquée dans la grande majorité des processus cellulaires et est fondamentalement importante de l'embryogenèse jusqu’à l’état adulte chez tous les métazoaires. Le bon fonctionnement de cette voie dépend de sa communication continue et étendue avec d'autres voies de signalisation, conduisant à des effets synergiques ou antagonistes afin d’assurer l’homéostasie au niveau cellulaire et tissulaire. La nature de ces interactions est extrêmement complexe et dépend fortement du contexte (Zhang, 2017; Zhao et al., 2018). Ici nous examinons de façon non exhaustive comment les voies MAPK (mitogen-activated protein kinase), PI3K/AKT (phosphatidylinositol-3 kinase/AKT) et WNT/β-catenine peuvent interférer avec la voie TGF- ß.

En plus de leur motif SSXS, les R-SMADs peuvent aussi subir des phosphorylations au niveau de leur région variable “Linker”. Cette région est la cible de la kinase ERK (Extracellular-signal-Regulated Kinase), qui phosphoryle SMAD2 et SMAD3 sur des résidus sérines ou thréonines, empêchant leur translocation nucléaire (Kretzschmar et al., 1999). Dans les cellules épithéliales de poumons de mammifère, ces résidus phosphorylés par ERK ont été identifiés et correspondent à la Thr178, la Ser203, et la Ser207 ; leur mutation conduit à une

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augmentation de l’activité transcriptionnelle de SMAD3 (Matsuura et al., 2005). De plus, la cascade RAS/ERK induite par TGF-ß, induit à son tour la formation du complexe AP-1, un facteur de transcription, au niveau du promoteur du gène TGF-ß, ce qui augmente la transcription et la sécrétion du ligand TGF-ß (Yue and Mulder, 2000). Inversement, la phosphorylation de la région “Linker” de SMAD2 et SMAD3 par la kinase JNK (c-Jun N-terminal kinase) facilite leur activation par TßRI et leur translocation nucléaire (Matsuzaki et al., 2009). Une autre étude a montré que JNK diminue la sécrétion de TGF-ß en agissant sur la boucle d’autorégulation de ce dernier (Ventura et al., 2004). La kinase p38, un autre membre de la famille des kinases MAPK, est capable aussi de phosphoryler SMAD2 et 3 sur les résidus Ser203/207. Cette phosphorylation se fait en coopération avec la kinase ROCK (Rho-dependent kinase) et augmente l’arrêt de prolifération induite par le TGF-ß (Kamaraju and Roberts, 2005). Dans le noyau, p38 phosphoryle aussi les partenaires des SMADs pour augmenter la transcription des gènes cibles du TGF-ß, comme dans le cas de la phosphorylation du facteur de transcription AFT-2 (Activating Transcription Factor-2) (Hanafusa et al., 1999).

Plusieurs études ont prouvé l’implication de la voie PI3K/AKT dans la régulation de la voie TGF-β. Akt affecte directement l’activation des SMADs et leur activité transcriptionnelle à travers, par exemple, son association avec la forme non phosphorylée SMAD3, ce qui limite son activation par TßRI et sa localisation nucléaire (Conery et al., 2004; Remy et al., 2004). Akt peut également réguler la transcription médiée par les SMADs en phosphorylant le facteur de transcription FoxO (Forkhead box O). La coopération entre FOXO et les SMADs est nécessaire pour l’induction des gènes p15INK4B et p21CIP1, impliqués dans l'arrêt de croissance, et sa phosphorylation provoque sa séquestration dans le cytoplasme (Gomis et al., 2006). Enfin, l'activation d'Akt agit également au niveau du récepteur TßRI en phosphorylant et en favorisant la localisation membranaire d'une enzyme de déubiquitination, USP4 (Ubiquitin specific protease 4). La dé-ubiquitination stabilise TßRI permettant l’induction de la signalisation TGF-ß (Zhang et al., 2014).

L’interaction entre la voie WNT/β-caténine et la voie TGF-ß se produit principalement dans le noyau et elle est de type synergique. En effet, la β-caténine forme un complexe avec les SMADs, avec ou sans la protéine LEF (Lymphoid Enhancer-binding), pour induire différents groupes de gènes cibles (Lei et al., 2004). Les R-SMADs forment également des complexes de

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transcription avec β-caténine et leur association est stabilisée par le co-activateur p300/CBP (Lei et al., 2004). De plus, ces deux voies régulent réciproquement la production de leurs ligands et influencent ainsi l'induction de leurs voies de signalisation (Liu et al., 2006; Tang et al., 2008).

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Chapitre 2 : La voie Hippo

La voie Hippo a été découverte en 1995 grâce aux cribles génétiques sur la Drosophile visant à isoler des nouveaux gènes impliqués dans la régulation de la croissance cellulaire (Justice et al., 1995; Xu et al., 1995). Ainsi, le premier composant de la voie identifié fut la protéine Warts dont la fonction est restée inconnue jusqu’à la découverte des autres membres de la voie Hippo à partir de 2002. Sav (Salvador), une protéine de soutien, a été le second composant de la voie à être identifié (Tapon et al., 2002). L’utilisation de cribles génétiques a permis par la suite d’identifier la kinase HPO (Hippo) ainsi que la protéine adaptatrice MATS (Mobs-As-Tumor-Suppressor) (Harvey et al., 2003; Pantalacci et al., 2003; Udan et al., 2003) (Harvey and Tapon, 2007; Lai et al., 2005). Les tissus de drosophile portant des mutations inactivatrices pour HPO et MATS présentent tous une hyper-prolifération et une apoptose réduite, provoquant l’hypertrophie des organes et l'émergence de tumeurs (Figure 7). Ainsi, la voie Hippo a été identifiée à l'origine comme un mécanisme contrôlant la taille des organes chez la drosophile via l'inhibition de la prolifération cellulaire et l'induction de l'apoptose. Le nom « Hippo » faisant référence aux hippopotames, récapitule bien l’ensemble des phénotypes observés suite à la perte de fonction des composants de cette voie.

La voie Hippo a rapidement attiré l'attention en raison de son rôle remarquable dans la régulation de la taille des organes, ainsi que de sa pertinence apparente pour la régénération des tissus et le cancer. Son étude chez les mammifères a montré que, au cours de l’évolution, la voie Hippo a été très conservée. Tous les composants clés, précédemment découverts chez la Drosophile, possèdent leur homologue dans les cellules de mammifères et jouent un rôle similaire dans le contrôle de la croissance cellulaire normale ainsi que dans la croissance tumorale (Figure 8). En effet, les protéines humaines YAP (Yes-Associated Protein 1), Lats1 (LArge Tumor Suppressor 1), Mst2 (Mammalian Sterile 20-like kinase 2) et Mob1 peuvent sauver fonctionnellement les mutants correspondants chez la Drosophile in

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Figure 7 : Le phénotype mutant pour la voie Hippo dans la drosophile et la souris.

A : Comparaison représentative des phénotypes de drosophiles sauvages (wild type) ou mutées pour le gène Hpo codant la kinase Hippo. B : Comparaison, après 6 mois, entre les foies d’une souris sauvage (wild type) ou mutée pour les gènes codant les kinases Mst1/2 de la voie Hippo. D’après (Johnson and Halder, 2014). Figure 8 : Les homologues des composants de la voie Hippo chez les mammifères et leur fonctions. D’après (Fa-XingYu et al 2015).

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la voie d'Hippo sur la taille des organes initialement observé chez la drosophile est également très conservé chez les mammifères, comme le confirment de nombreuses études chez la souris (Figure 7) (Camargo et al., 2007; Del Re et al., 2013; Zhang et al., 2010).

La plupart des homologues mammifères de la voie Hippo étaient connus bien avant d'être fonctionnellement connectés à la voie Hippo: par exemple, YAP a été isolé en tant que protéine associée à Yes en 1994 (Sudol, 1994), et TAZ, le paralogue de YAP chez les vertébrés, a été isolé en tant que protéine de liaison à la protéine 14-3-3 en 2000 (Kanai et al., 2000). Ce sont toutefois les études génétiques menées chez la drosophile qui ont poussé les chercheurs à considérer l’idée que ces gènes pourraient faire partie d’une même voie de signalisation chez les mammifères. Les études de la voie Hippo chez les mammifères ont révélé une complexité plus importante du fait que certains des composants de la voie possèdent plusieurs homologues chez les mammifères. Les composants ainsi que la signalisation Hippo et sa régulation chez les mammifères seront décrits plus en détails dans la suite de ce manuscrit.