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CHAPITRE 2. Évolution de la matière organique dans le sol

2.2. La minéralisation de la matière organique

La minéralisation de la matière organique est un processus de dégradation. Ses conséquences principales sont la diminution de la teneur en matière organique dans un sol, et une disparition sélective de certains composés (Abiven, 2004).

La décomposition d'une matière organique s'exprime en termes de carbone minéralisé et de types de molécules présentes dans le sol au cours du temps.

2.2.1.Un phénomène lié à l'activité des microorganismes

La minéralisation du carbone résulte de son utilisation comme source d'énergie (Tuomela et al., 2000) par les microorganismes et la faune du sol : le carbone est alors minéralisé en dioxyde de carbone. Dans certaines conditions, le carbone peut être rejeté dans l'atmosphère sous forme de méthane (CH4), issu d'un processus de fermentation (en cas d'anoxie – sols saturés d'eau par exemple).

Un apport de matière organique provoque un pic d'activité des microorganismes du sol (Bernal et al., 1998 ; Pascual et al., 1998 ; Guerrero et al., 2000 ; Busby et al., 2007). Cette matière organique, compostée ou non, constitue une source contenant des composés facilement minéralisables, notamment des sucres et des protéines (Jones & Murphy, 2007). Le pic de minéralisation est d'autant plus marqué que l'apport est généralement suivi d'un travail du sol, qui permet de mélanger le sol à la matière organique apportée, et de renouveler l'oxygène du sol. Les composés les plus facilement dégradables sont consommés en premier (Bernal et al., 1998 ; Pascual et al., 1998). Francou (2003) montre, dans le cadre d'une étude sur l'évolution des composts, que la teneur en composés facilement minéralisables, comme la cellulose, diminue.

État des connaissances

Du point de vue des microorganismes, l'apport de matière organique est suivi d'une augmentation des populations à "stratégie r", qui ne sont pas spécifiques d'un type de substrat, et ont la capacité d'utiliser les ressources disponibles facilement dégradables. Ce sont ensuite les microorganismes à "stratégie K" qui se développent, mais plus lentement : ils sont en général spécifiques de la dégradation de substrats plus complexes (De Leij et al., 1993). Les premiers sont responsables du pic de minéralisation qui suit l'incorporation de la matière organique.

Les microorganismes responsables de la dégradation occupent en général moins de 5% du volume disponible dans le sol (Ingham et al., 1985). De plus, la décomposition de la matière organique est un phénomène discontinu dans le temps, mais aussi dans l'espace : les microorganismes sont abondants au niveau des matières organiques apportées, ce qu'on appelle la "résidusphère" (Parkin, 1987), et au niveau des extrémités racinaires (rhizosphère ; Lynch, 1990), où l'activité microbienne est stimulée par les exsudats racinaires, composés de polysaccharides faciles à dégrader (Dorioz et al., 1993). Il est donc d'autant plus difficile de modéliser les dynamiques microbiennes (Fang et al., 2005).

2.2.2.Les facteurs intrinsèques influençant la minéralisation de la

matière organique

Facteurs d'ordre biochimique

La dégradabilité d'une matière organique dépend de sa nature biochimique

(Christensen, 2001 ; Bruun et al., 2005). La composition de la matière organique apportée varie beaucoup avec la nature des matériaux d'origine (résidus végétaux, boues de STEP…), et avec le degré de maturité (Bernal et al., 1998 ; Francou, 2003). Au cours d'un compostage par exemple, on mesure un enrichissement relatif en produits résistants à la dégradation (Francou, 2003 ; Hernandez et al., 2006). Plus une matière organique est stable (voir §2.3), moins elle est susceptible de stimuler l'activité des microorganismes (Bernal et al., 1998 ; Pascual et al.,1998).

Facteurs d'ordre physique

L'état physique de la matière organique (solide, liquide, pâteux) peut jouer sur sa minéralisation : sa teneur en eau est un paramètre important. D'autre part, la forme et la taille

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des particules de matière organique sont aussi des facteurs influençant la minéralisation (exemple : Angers & Recous, 1997 ; Fangueiro et al., 2007).

2.2.3.Influence de facteurs externes sur la minéralisation

La minéralisation d'une matière organique apportée à un sol est soumise à l'influence du climat, notamment des conditions de température et d'humidité, qui "pilotent" l'activité des microorganismes (Rodrigo et al., 1997).

Effets de la température

Annabi (2005) compare des incubations réalisées à 4°C et à 28°C ; il met en évidence un ralentissement de la minéralisation du carbone pour une température faible. En microbiologie, la température est reconnue comme étant un facteur prépondérant pour le développement et l'activité d'une population microbienne (Ratkowsky et al., 1982) : les bactéries présentent en effet une température optimale de fonctionnement. Dans les sols, l'activité biologique liée à la dégradation de la matière organique ralentit considérablement en hiver, lorsque la température diminue en-dessous des seuils favorables à l'activité biologique (Kirschbaum, 1995 ; Franzluebbers et al., 2001 ; Cookson et al., 2002 ; Papatheodorou et al., 2004).

Effets de l'humidité

De la même façon, l'humidité du sol peut être limitante. Quand elle est trop abondante, les conditions du milieu deviennent anoxiques, et l'activité microbienne aérobie est perturbée. Les réactions qui ont lieu sont alors principalement des réactions de fermentation, qui sont moins efficaces pour dégrader la matière organique (Rodrigo et al., 1997 ; Sahrawat, 2004). Quand au contraire la sécheresse augmente, l'eau se retire dans des micropores et les forces de capillarité deviennent trop élevées. La continuité du film d'eau peut être rompue, et donc la diffusion des matières organiques sous forme soluble est moins efficace. Or c'est le plus souvent sous cette forme que le carbone est utilisable par les microorganismes (Rodrigo et al., 1997 ; Parnaudeau et al., 2006 ; Jones & Murphy, 2007).

Par ailleurs, l'alternance de phases de dessiccation et de réhumectation dans un sol peut stimuler la minéralisation de la matière organique : en favorisant la désagrégation, des particules de matière organique, jusque là protégées, peuvent être exposées à l'activité microbienne (Miller et al., 2005).

État des connaissances

Influence du degré de contact entre la matière organique et le sol

Le travail du sol augmente les "points de contact" entre la matière organique et les particules minérales (Fruit et al., 1999 ; Henriksen & Breland, 2002). On constate en général une minéralisation moins importante quand la matière organique est appliquée en mulch, sans incorporation (Edwards et al., 2000). Coppens et al. (2007) estiment que dans le cas d'un mulch, 10% environ de la surface de la matière organique apportée est au contact avec le sol. La compaction améliore significativement la minéralisation de la matière organique apportée, tant que le système reste aérobie (Fruit et al., 1999). Ce contact est essentiel pour permettre la colonisation par les microorganismes et la diffusion de composés solubles.

Influence de la teneur en azote

La disponibilité en azote dans le milieu est un facteur important (Recous et al., 1995 ; Coppens et al., 2007) car le C/N des microorganismes est faible (entre 8 et 12 ; Shaffer & Ma, 2001). Ils ont souvent besoin d'une source d'azote minéral pour utiliser le substrat carboné du produit organique de façon optimale. La minéralisation d'une matière organique non compostée conduit à une immobilisation d'azote importante par les microorganismes (Henriksen & Breland, 1999a ; Christensen, 2001 ; Widmer et al., 2002 ; Busby et al., 2007) ; la quantité présente dans le milieu peut alors devenir limitante pour la dégradation de la matière organique.

2.2.4.Mesure du carbone potentiellement minéralisable

La mesure du carbone minéralisable d'un amendement organique peut se faire en conditions "réelles", c'est-à-dire en plein champ, mais les méthodes demandent un matériel conséquent : c'est par exemple la mise en place d'une chambre sur une surface de sol suffisamment grande pour être représentative, dans laquelle on mesure la concentration en CO2 émis par le sol par spectrophotométrie infrarouge (Giammanco et al., 2007).

La réalisation d'incubations de mélanges de sol / amendement organique en conditions contrôlées permet d'obtenir d'autres informations. Les conditions fixées permettent de s'affranchir des facteurs influençant la minéralisation du carbone (cf. §2.2.3). Le plus souvent, on se place dans les conditions optimales de minéralisation : température élevée, entre 20 et 28°C (Carballas et al., 1979 ; Francou, 2003 ; Tejada & Gonzalez, 2003 ; Annabi, 2005), et humidité fixée entre 60 et 75% de la valeur mesurée à -50kPa pour le sol considéré. Ces

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une augmentation de la dégradation des ressources du milieu, i.e. de la matière organique. On mesure donc conjointement un dégagement de CO2 maximal.

Les méthodes employées sont souvent basées sur un piégeage du CO2 dégagé dans de la soude. Ensuite, on peut doser directement le CO2 fixé par colorimétrie en flux continu, ou doser la soude restante par titrage retour acido-basique.

2.3. Phénomènes de stabilisation de la matière organique

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