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La légitimation culturelle du manga en Europe

On le voit, la légitimation culturelle du manga au Japon n’est plus à faire, entre un premier ministre qui s’affiche ouvertement comme mangaddict et des courants de l’art contemporain fortement influencés par son esthétique. Mais qu’en est-il sous nos latitudes ?

En fait, après des débuts difficiles, dont nous avons dit en introduction qu’ils étaient liés à des choix fort peu judicieux de programmations d’anime dans les années 1980, la culture manga commence à être reconnue par les institutions. C’est ainsi qu’en 2007, le Festival d’Angoulême a attribué le prix du meilleur album à un manga, NonNonBâ et qu’en 2008, le Prix de l’école de l’image74 (associé au Festival d’Angoulême) a été décerné à Nananan Kiriko. Il s’agit là, indéniablement, de la plus belle consécration que le genre pouvait recevoir… Il convient toutefois de noter que cette légitimation affecte, pour le moment, essentiellement la BD. La japanimation, si elle commence à être reconnue par la presse culturelle (notamment Télérama) doit encore trouver sa place auprès des grands acteurs culturels (hormis les festivals d’animation qui l’ont déjà reconnue)

De nombreux autres salons, généralistes ou spécialisés, décernent régulièrement des prix à des œuvres asiatiques. C’est ainsi que Benjamin, auteur phare de la toute jeune production manhua, publié chez Xiao Pan, s’est vu décerner cette année le Grand prix des lycéens de Midi Pyrénées au festival de Colomiers, signant un véritable succès public, mérité vue la qualité du travail graphique et narratif de l’auteur.

69 Fabien Tillon, op. cit., p. 119

70 Exemples d’œuvres sur le site de la galerie Perrotin qui a accueilli une exposition de l’artiste au printemps 2008, à l’adresse suivante : http://www.paris-art.com/art/critiques/d_critique/Aya-Takano-Aya-Takano-790.html

71 Exemples d’œuvres sur le site de la galerie Mizuma & One, à l’adresse suivante : http://www.mizuma-one.com/english/artists/akino_kondoh/selected_works/

72 Pour un aperçu sur l’œuvre de plusieurs artistes de ce courant, le site Tokyo Art Gallery est intéressant : http://www.tokyoartgallery.com/

73 Exemples d’œuvres sur son site : http://www.audrey-kawasaki.com/

74 « L'École européenne supérieure de l'image, à Angoulême, décerne chaque année un prix en marge du Festival International de la bande dessinée. Ce prix récompense un auteur ou une structure pour son apport à l'histoire de la bande dessinée. Les lauréats sont choisis par un jury interne à l'EESI auquel participent notamment les trois professeurs de bande dessinée de l'école (Dominique Hérody, Gérald Gorridge, Thierry Smolderen). Le lauréat reçoit un cadeau personnalisé et l'EESI lui dédie une exposition dans l'année qui suit. » Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Prix_de_l%27%C3%89cole_de_l%27image

La culture manga : enjeux et perspectives

Figure 4 Planche extraite de Remember de Benjamin ©

De même pour l’animation, le festival d’Annecy décerne régulièrement des prix à des œuvres nippones, qu’il s’agisse de longs métrages (La Traversée du temps, mention spéciale en 2007) ou de courts métrages (La Maison en petits cubes, Cristal d’Annecy 2008).

En outre, de grandes institutions s’intéressent aujourd’hui à la question de la réception et de la diffusion de la culture manga en France. Parmi elles, la Bpi pilote actuellement une étude sur le public du manga : « Cette enquête qualitative, lancée en 2008, vise à éclairer les processus de réception, les fonctions sociales de la lecture de mangas, ainsi que les représentations et systèmes de valeurs des lecteurs. »75, après avoir assuré plusieurs conférences sur le sujet76. Dans le même esprit, l’enquête européenne menée par Jean-Marie Bouissou, directeur de recherches à Sciences Po et spécialiste de l’Histoire du Japon contemporain, devrait également donner des résultats des plus intéressants, en même temps qu’une légitimité institutionnelle non négligeable77. Enfin, le nombre sans cesse croissant de conférences, colloques et autres formations professionnelles (notamment pour les bibliothécaires ou les enseignants)78 sur la question du manga montre la vitalité avec laquelle ce sujet interroge les sphères intellectuelles et culturelles de notre pays.

75 Source : http://www.bpi.fr/fr/professionnels/etudes_et_recherche/bibliotheques_et_pratiques_culturelles.html

76 Entre autres, La Folie Japon, en novembre 2006, une très intéressante table ronde, dont l’enregistrement est en ligne à l’adresse suivante : http://archives-sonores.bpi.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=2032&rang=45

77 Le site Manga Network, créé par Jean-Marie Bouissou, est une ressource non négligeable sur toutes les questions liées au manga, qu’il s’agisse de sociologie, de politique ou d’histoire. http://www.ceri-sciencespo.com/themes/manga/index.php

78 Citons pour mémoire, la journée professionnelle proposée en partenariat par le CNFPT, les bibliothèques municipales et le CRDP de Grenoble, en décembre 2008, ou la conférence internationale « 60 ans de mangas » qui s’est tenue à Paris en mars 2008, sous l’égide du CERI de Sciences Po, parmi les très nombreux exemples possibles.

LE MANGA EN BIBLIOTHEQUE PUBLIQUE AUJOURD’HUI

Afin de mieux cerner la réalité de la culture manga en bibliothèque aujourd’hui, nous avons procédé en deux étapes. Nous avons tout d’abord diffusé un questionnaire79, via la liste de diffusion biblio-fr. Celui-ci nous a ramené relativement peu de réponses (34 bibliothèques publiques et un CDI ont répondu), mais qui ont la particularité d’être relativement homogènes, en nombre, entre les différentes tailles de collectivités (10 réponses de communes de moins de 5 000 habitants, 10 également entre 5 et 20 000 habitants, 6 entre 20 et 50 000 habitants et 8 au-delà de 50 000, dont 3 BDP). Par ailleurs, une bonne diversité des types de structure est à relever également, puisque les réponses émanent de 4 bibliothèques intercommunales, 4 réseaux de bibliothèques municipales, 1 BMVR et 21 bibliothèques municipales seules dans leur collectivité, outre les 3 BDP et le CDI susmentionnés (une commune n’a pas précisé le type de structure).

Suite à cette première campagne par questionnaire, nous avons tenté d’approfondir notre travail par des entretiens. Malheureusement, la période de fin d’année était peu propice et nous n’avons pas pu joindre de bibliothécaires sur cette question. Toutefois, les entretiens menés par un doctorant en sociologie nous ont apporté quelques éléments de réponses. En outre, nous avons pu contacter des éditeurs, libraires et responsables d’associations travaillant avec les bibliothèques80. Nous reviendrons sur ces entretiens essentiellement dans notre dernière partie, concernant les animations et les partenariats, mais ils nous ont également permis d’avoir des éléments concrets sur la réception.

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