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1. Éléments théoriques

1.3. La gestion communautaire des forêts camerounaises

A l’aube des années nonante, le Cameroun entame un processus de transition démocratique alors particulièrement contagieux en Afrique. L’influence concomitante des dynamiques « du dedans » et « du dehors » à l’origine de ce processus rend d’ailleurs l’observation de la transition camerounaise particulièrement attrayante (Onana, 2001). La compétition et la participation, deux éléments-clés de la démocratie formelle qui se propage un peu partout sur le globe, sont effectivement aussi alléchantes pour les forces politiques et sociales internes (l’opposition politique camerounaise ainsi que la société civile se réjouissent d’avoir enfin voix au chapitre), que pour la communauté internationale qui n’hésite pas à donner son avis lorsqu’il s’agit du destin d’un pays (Onana, 2011). L’avènement du multipartisme politique le 19 décembre 1990 constitue sans conteste le point phare de la démocratisation camerounaise.

Lorsque le Cameroun sollicite l’aide de la communauté internationale en 1985 suite à la crise financière, afin qu’on l’aide « à restaurer son équilibre macroéconomique, ses secteurs productifs et sa croissance » (Topa et al., 2010 : 25), le secteur forestier n’était pas apparu prioritaire pour les

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dirigeants politiques. Mais en 1988, une étude du Plan d’Action Forestier Tropical (PAFT)9 révèle que « la contribution du secteur forestier à l’économie nationale, estimée à moins de 2% du PIB, était largement inférieure à son potentiel et que l’industrie forestière était obsolète, peu rentable et préjudiciable à l’environnement » (ibid.). Le Code forestier camerounais promulgué en 1982 ne correspondant plus du tout aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux du début des années nonante, le secteur forestier camerounais va dès lors faire l’objet d’importantes réformes, initiées notamment par la Banque Mondiale et le FMI. Relance de l’économie, gestion durable des écosystèmes, et prise en compte des droits des populations locales constituent ainsi des éléments majeurs des changements qui se dessinent dans les forêts du Cameroun.

1.3.1. La loi forestière de 1994 : l’avènement d’une gestion décentralisée des ressources forestières

L’un des premiers changements fut la modification du cadre législatif et réglementaire du secteur forestier camerounais. Jusqu’en 1992, la dispersion des centres de décision relatifs à la gestion des ressources naturelles rendait difficile la mise en place d’une gestion uniforme, adéquate et efficace. Par exemple, alors que la forêt dépendait du Ministère de l’agriculture, tout ce qui concernait la faune relevait de la Délégation au tourisme. La création du Ministère de l’environnement et des forêts (MINEF) en 1992 – aujourd’hui scindé en deux ministères distincts : le Ministère des Forêts et de la Faune (MINFOF) et le Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature (MINEP) – a permis de régulariser quelque peu la situation, et un « projet de Loi portant régime des forêts » fut présenté à l’Assemblée Nationale en 1994. La nouvelle loi ambitionnait de concilier les questions sociales, économiques et environnementales, à travers une « gestion décentralisée » du secteur forestier. Pour Topa et al. (2010), cette loi a introduit cinq réformes fondamentales :

 Une répartition du domaine forestier en zones distinctes selon les types d’utilisations prioritaires ;

 L’attribution de titres d’exploitation à long terme par le biais d’adjudications publiques basées sur des critères techniques et financiers ;

 Une réorganisation des organes gouvernementaux pour assurer la gestion des forêts et un transfert des activités de production aux concessionnaires et aux forêts communautaires et communales ;

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Sur base de recommandations d’experts mandatés par la FAO, ce plan d’action fut approuvé au cours du Congrès Forestier Mondial de la FAO à Mexico, en juillet 1985. Fondamentalement lié aux préoccupations internationales relatives à la gestion durable des écosystèmes forestiers à travers le monde, le PAFT doit être considéré, selon la FAO, comme « un cadre conceptuel général d'action que les gouvernements et les organismes concernés devraient utiliser comme référence commune pour la formulation de leurs propres programmes de foresterie tropicale et pour l'harmonisation de leurs actions respectives ». (http://www.fao.org/docrep/R7750F/r7750f06.htm).

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 L’obligation pour les sociétés privées détenant des concessions à long terme d’élaborer et mettre en œuvre des plans d’aménagement forestier sous la supervision de l’administration en charge des forêts ;

 La valorisation des droits de gestion de la forêt des communes et communautés locales dans le cadre d’une relation contractuelle avec l’administration.

Si ces différents éléments constituent effectivement des changements importants dans la gestion du secteur forestier, cette réforme institutionnelle peut en réalité se résumer à deux transitions principales : d’une part, elle réorganise l’espace forestier en deux grandes catégories que sont les domaines forestiers « permanent » et « non permanent », et elle instaure d’autre part la participation des populations à la gestion de certains espaces et au partage de certains bénéfices (Milol, 2008).

Réorganisation de l’espace forestier et avancées de la gestion participative

Cette répartition de l’espace forestier, plus connue sous le nom de « plan de zonage du Cameroun forestier méridional », distingue deux grandes catégories de forêts : celles du domaine permanent et celles du domaine non permanent.

Les forêts permanentes ou forêts classées sont assises sur le domaine permanent et sont appelées à rester exclusivement des forêts sur le long terme. Seules les activités de conservation et d’exploitation aménagée des ressources forestières y sont tolérées, elles ne peuvent servir qu’à des fins d’habitats pour la faune et la flore, ou de foresterie (Djeumo, 2001). Ce domaine doit représenter au moins trente pourcents du territoire national, et se subdivise lui-même en deux catégories : les forêts domaniales, qui relèvent du domaine privé de l’État, se composent des aires protégées et des réserves forestières de production ; et les forêts communales, qui relèvent du domaine privé de la commune concernée, et sont aménagées par les collectivités locales décentralisées. Les premières comme les secondes font l’objet d’un plan d’aménagement10

qui fixe « les objectifs et règles de gestion de cette forêt, les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs, ainsi que les conditions d'exercice des droits d'usage par les populations locales, conformément aux indications de son acte de classement » (Loi n°94/01 du 20 janvier 1994). En fixant par décret les conditions de leur gestion, l’État s’assure finalement le contrôle de toutes les forêts du domaine permanent, y compris celles qui relèvent du domaine privé des communes (Milol, 2008).

Les forêts non permanentes ou non classées, assises sur le domaine non permanent, concernent les espaces forestiers pouvant servir à d’autres fins que la foresterie, et se subdivisent en trois catégories : les forêts du domaine national, en somme celles qui n’entrent dans aucune autre catégorie. Il peut y

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avoir un droit d’usage pour populations riveraines, fixé par décret, mais pour des raisons de conservation ces droits connaissent de nombreuses restrictions dans la réalité. Les forêts

communautaires (FC), et les forêts des particuliers. C’est ce domaine « non permanent » que l’on

associe au changement le plus manifeste en faveur des communautés et de la gestion participative, essentiellement en raison de la cogestion avec les populations locales que permettent les forêts communautaires. Ce domaine représente en fait toute la zone agroforestière au sein de laquelle les riverains des forêts exercent leurs diverses activités, et que, par définition, ils maîtrisent déjà depuis longtemps (Milol, 2008). Il faut néanmoins souligner que les FC ne représentent pas la seule avancée en matière de gestion participative, la mise en place de forêts communales, de territoires de chasse communautaire, ainsi que le partage de quelques taxes forestières entre l’État, les collectivités décentralisées et les communautés riveraines vont également, en théorie, dans ce sens (Milol, 2008). L’introduction du concept de foresterie communautaire fut considérée par les acteurs du secteur forestier comme une innovation majeure dans cette sous-région d’Afrique centrale. C’est en effet la première fois que la participation des populations à l’aménagement et la gestion de leur environnement est formalisée au niveau légal.

Une prolifération d’acteurs dans les forêts de l’Est-Cameroun

En amont déjà, les réformes de la loi de 1994 n’ont été possibles que par l’association et l’implication de plusieurs acteurs : gouvernement camerounais, Banque Mondiale, FMI, bailleurs de fonds, ONG internationales, etc. sont quelques-uns des nombreux protagonistes à avoir pris une part active dans l’avènement de cette Loi (Topa et al., 2010). En aval, particulièrement à travers la création des forêts communautaires, cette loi a eu entre autres effets celui de faire proliférer les acteurs de la conservation dans la zone forestière de l’Est-Cameroun. En périphérie de la réserve du Dja, des organismes environnementaux influents tels que l’IUCN, l’Unesco, ou encore le WWF continuent de jouer un rôle central dans la gestion des ressources forestières, mais des initiatives de plus petite ampleur comme le PGS sont aussi très présentes.

Par ailleurs, l’intérêt de nombreux scientifiques pour la foresterie communautaire ne s’est pas fait attendre. Ingénieurs agronomes, biologistes, éthologistes, géographes ou encore écologues affluent des quatre coins du monde pour mener des études sur différents aspects de la foresterie communautaire à l’Est et au Sud du Cameroun.

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1.3.2. Les recherches sur la gestion communautaire des forêts

Dès le début des années nonante, on assiste ainsi à une recrudescence des initiatives de conservation ainsi que des études scientifiques environnementales dans les forêts du Cameroun. Depuis l’instauration des forêts communautaires, le secteur forestier camerounais fait l’objet d’un nombre important d’études et de publications diverses, dont un nombre important sont menées par des chercheurs qui travaillent pour – ou en collaboration avec – des organismes environnementaux ou des centres de recherche scientifique activement impliqués dans la promotion d’une gestion durable des ressources (par exemple : The Center for International Forestry Research (CIFOR) ; Tropenbos

International ; World Wild Fund, etc.).

Des processus et des modalités de création, d’acquisition et de gestion des FC, aux effets de ces dernières sur le couvert forestier, la faune, ou encore sur le développement économique des communautés concernées, en passant par des approches plus globales et comparatives de la foresterie communautaire dans différents pays d’Afrique centrale, plusieurs de ces études sont d’un intérêt majeur pour cette thèse (Cuny, 2011 ; Djeumo, 2001 ; Fomété, 2001 ; Nguinguiri, 1999 ; Poissonnet et al., 2008 ; Vermeulen, 1997a, 1997b, 2007). Elles permettent en effet de mieux comprendre le contexte d’émergence de la foresterie communautaire, son évolution et les difficultés de sa mise en œuvre au niveau local.

Dans le cadre plus général des études sur les transformations du secteur forestier camerounais, on observe une représentation massive des biologistes et des ingénieurs agronomes, particulièrement dans le cadre du programme ECOFAC11. Les études des pratiques cynégétiques réalisées dans ce contexte par Dethier (1995) et Jeanmart (1998) ont notamment permis d’enrichir ma connaissance du phénomène cynégétique, ainsi que de mieux orienter mes observations sur le terrain. S’il s’agit toutefois de garder une posture critique face à certaines des conclusions et recommandations issues de ces études12, l’intérêt des travaux en biologie et en agronomie ne doit pas être sous-estimé, ces derniers étant selon moi indispensables et complémentaires aux approches anthropologiques de la conservation. En effet, pour comprendre l’évolution des relations complexes entre les hommes et leur environnement dans le cadre des approches communautaires, il me semble essentiel d’adopter une

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Mis en place par la commission européenne en 1992, le programme ECOFAC est un programme régional de conservation des forêts tropicales qui promeut la création d’aires protégées en Afrique Centrale, en proposant une assistance technique sur le terrain dont l’objectif est de renforcer les capacités de gestion des populations locales (Binot, 2010). Depuis les années nonante, ECOFAC a développé des partenariats avec divers projets et centres de recherches tels que le Centre de coopération

Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD), le programme Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT), et la Faculté Universitaire des Sciences Agronomiques de Gembloux (Fusgax/Ulg).

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En effet, la plupart de ces études, commanditées par les bailleurs de fonds, ont pour objectif de mesurer l’impact de la chasse villageoise sur la faune, et visent souvent à proposer des recommandations visant un meilleur contrôle ou une meilleure gestion des pratiques cynégétiques locales. Certaines de ces recherches tendent à ne présenter « que le point de vue de la faune » (Bahuchet et Iovéva, 1999), sans toujours tenir compte des acteurs et des dimensions socioéconomiques de ces pratiques.

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approche pluridisciplinaire. Tout au long de cette thèse, il sera dès lors fait référence à des travaux issus de disciplines variées, lorsque ces derniers s’avèrent pertinents et utiles à l’analyse.

Si les chercheurs en sciences humaines et sociales sont généralement moins représentés que leurs collègues biologistes et agronomes, ils contribuent pourtant indéniablement à l’amélioration de la connaissance des dynamiques à l’œuvre dans le cadre de la gestion des forêts d’Afrique centrale, au Cameroun notamment. À un niveau économique et politique plus « macro », plusieurs chercheurs interrogent l’évolution du secteur forestier dans un contexte de mondialisation, les enjeux des réformes, le rôle de l’État et les impacts économiques de la décentralisation de la gestion forestière (German et al., 2010 ; Julve et al., 2007 ; Karsenty, 1999, 2005, 2008 ; Topa et al., 2010).

À un niveau plus « micro », les études anthropologiques et multidisciplinaires menées dans le cadre du programme Avenir des Peuples des Forêts Tropicales (APFT)13 ont exercé une influence certaine sur les analyses de cette thèse, particulièrement au regard de l’analyse des dynamiques sociales, économiques et territoriales qu’ils proposent, dans le contexte de la gestion décentralisée des forêts camerounaises (Binot & Joiris, 2007 ; Delvingt, 2001 ; Dounias, 1996, 1999 ; Grenand & Joiris, 2000 ; Joiris, 1997, 1998, 2000, 2004 ; Vermeulen, 1997a, 1997b, 2000, 2007).

Enfin, des travaux relatifs aux transformations des contextes politiques locaux dans le cadre plus spécifique des approches communautaires ont nourri mes réflexions et m’ont permis de mettre mes propres observations et analyses en perspective (Bigombe Logo, 2006, Joiris & Bigombe Logo, 2010 ; Lassagne, 2005 ; Oyono & Efoua, 2006a, 2006b ; Oyono et al., 2009 ; Solly, 1999).

Au fil de ces lectures, on s’aperçoit que tant en termes de gestion des espaces et des ressources, qu’au niveau du développement économique des populations locales, le bilan de la foresterie communautaire camerounaise s’avère plus que mitigé (Julve et al., 2007). Par ailleurs, plusieurs de ces recherches véhiculent, selon moi, l’idée que ces communautés ne parviennent pas à se faire une place dans la « nouvelle arène politique » de la gestion communautaire (Bigombe Logo, 2006 ; Oyono & Efoua, 2006). Autorités décentralisées, exploitants forestiers, dirigeants d’ONG ou de projets de conservation, ou encore élites villageoises et urbaines, seraient à l’origine d’un accaparement du pouvoir (politique et économique), au détriment des « petits » qui subiraient les initiatives de conservation et les mesures de gestion communautaire de manière impuissante. S’il n’est pas question de nier ou de minimiser

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Il s’agit d’un programme de recherche multidisciplinaire, financé par l’Union Européenne, sur la ligne budgétaire « Forêts Tropicales », constitué notamment de chercheurs du Centre d’Anthropologie Culturelle de l’Université Libre de Bruxelles et du Laboratoire de Langues et Civilisations à Tradition Orale du CNRS à Paris. En associant « sciences de la nature et sciences de l’esprit », ce programme entend explorer en profondeur les problèmes que rencontrent les populations des zones forestières tropicales et recommander des actions concrètes. Les contributions sont majoritairement celles d'anthropologues. Initié en 1995, le projet avait une durée de cinq ans et impliquait 30 chercheurs européens et de pays ACP (juniors et séniors) dans trois régions principales : Afrique centrale, Caraïbes et le Sud-Ouest du Pacifique. Pour davantage d’information sur l’APFT : http://www.ulb.ac.be/soco/apft/.

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cette monopolisation du pouvoir, il s’agira toutefois dans cette thèse de nuancer ces approches, en interrogeant notamment cette absence de marge de manœuvre des populations locales. Pour ce faire, un recours à la « nouvelle anthropologie du développement » (Olivier de Sardan, 2007) me permettra de recentrer l’analyse sur les interactions et les stratégies des différents acteurs. En mobilisant le concept de « l’arène », je me pencherai en détail, et à un niveau microsociologique, sur les jeux de pouvoir à l’œuvre dans le contexte de la conservation communautaire afin de mettre en lumière les stratégies, les contournements, et les réappropriations dont celle-ci fait l’objet, tant de la part des supposés « accapareurs » du pouvoir que de celle des autres acteurs.

1.3.3. La gouvernance environnementale

Par ailleurs, on ne peut soulever ces questions de pouvoir et de gestion décentralisée des ressources naturelles sans aborder le thème de la gouvernance, omniprésent dans les discours sur le développement et la conservation.

Si l’usage du terme est très ancien, il a connu un nouvel essor dès la fin des années quatre-vingts, et plus encore à partir des années nonante, période à laquelle il va envahir le champ du développement. C’est donc sur la scène internationale que la notion de gouvernance fait son apparition à cette époque, dans deux perspectives distinctes qui en font à la fois un paradigme scientifique (approche descriptive ou analytique) et un référentiel politique (approche normative ou prescriptive) (Chevallier, 2003) :

« Pour les théoriciens des relations internationales, il s’agissait de rendre compte de l’évolution d’une société internationale désormais caractérisée par l’hétérogénéité et la complexité ; pour les tenants de la Global Governance, il s’agissait de promouvoir de nouveaux modes de régulation et d’intégration destinés à établir un nouvel ordre international ». (Chevallier, 2003 : 208)

Ces deux approches sont en fait intimement liées puisque les politiques conduites au nom de la gouvernance subissent l’influence des recherches académiques et qu’à l’inverse, ces dernières se sont particulièrement intéressées au concept de gouvernance une fois que les acteurs de la coopération internationale s’en sont emparés (Gaudusson, 2003).

Véritable projet de redéfinition du statut de l’État d’inspiration néolibérale, la gouvernance dans sa dimension normative et prescriptive est devenue un important moteur de changement et de réforme, en propageant notamment l’idée que la complexification des problèmes et la multiplicité des pouvoirs en jeu imposaient la promotion de nouvelles méthodes de décision et d’action plus souples et coopératives, où tous les acteurs concernés seraient impliqués (Chevallier, 2003). Porté par les institutions financières internationales, et particulièrement par la Banque Mondiale, l’usage prescriptif de la notion de gouvernance apparait dès 1989 dans un rapport intitulé « L’Afrique subsaharienne, de

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la crise à une croissance économique durable, étude prospective à long terme ». Considéré comme un

constat d’échec des programmes d’ajustement structurel (dont les coûts sociaux se sont avérés dramatiques) établis par ces mêmes institutions, ce rapport de la Banque Mondiale constitue le point d’ancrage du concept de bonne gouvernance et de la corrélation entre développement et bonne gouvernance (Onana, 2011). En effet, cette approche de la gouvernance véhicule notamment l’idée que les modèles politiques des pays en développement freinent le bon déroulement du développement. Pour que celui-ci soit efficace et pertinent il faut instaurer la démocratie – en passant notamment par la décentralisation, la privatisation, la libéralisation économique et l’entrée sur le marché mondial – et promouvoir des modèles politiques basés sur la responsabilisation, (accountability), la transparence, et la participation (Dahou, 2003).

Si la « bonne gouvernance » nait prioritairement de préoccupations économiques (et sociales) relatives au développement, elle va rapidement s’insérer dans les discours et les pratiques de la gestion environnementale, un peu partout dans le monde.

« Acceptant comme postulat qu’une participation accrue dans la prise de décisions est un bien en soi, et qu’elle améliore l’efficacité, l’équité, la gestion des secteurs et ressources concernés, la décentralisation et la délégation de pouvoirs deviennent des idées séduisantes notamment pour les politiques liées à l’environnement et à la gestion des ressources. » (Levang et al., 2005 : 7)

Il s’agit donc de mettre en place une « gouvernance environnementale » favorisant un mode pluriel de gestion des ressources, impliquant des acteurs divers et variés à tous les échelons (local, national, international) dans les processus de décision, et répondant aux exigences de la « bonne gouvernance » (responsabilité, transparence, participation, empowerment, etc.). C’est notamment dans cette optique, et sur base de ces injonctions internationales de bonne gouvernance, que le Cameroun entame un processus de décentralisation de la gestion forestière dans les années nonante.

Pour les partisans d’une approche analytique de la gouvernance, il s’agit de comprendre et d’analyser

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