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La formation du patron de développement du blastème

1.6 L’épimorphose de la patte d’urodèle

1.6.1 La phase de préparation

1.6.1.4 La formation du patron de développement du blastème

Durant sa croissance, le blastème de régénération passera par les stades de référence EB (fig. 1.3A), MB et LB (fig. 1.3B; voir aussi la figure 1.1 pour une vue d’ensemble des stades de régénération du blastème). Lorsque le blastème atteint le stade LB, son patron de développement est établi pour les trois axes et c’est approximativement à ce stade que la phase de redéveloppement débute (Iten and Bryant, 1973, Roy and Levesque, 2006).

1.6.1.4.1 L’axe proximodistal (de l’épaule vers les doigts)

Tel que déjà mentionné, la CAE de la patte d’axolotl en régénération est fonctionnellement très semblable à l’AER du bourgeon en développement chez les autres vertébrés (Christensen and Tassava, 2000). Anatomiquement, la CAE est uniformément lisse et couvre l’entièreté de l’extrémité du bourgeon de régénération, alors que l’AER forme une crête couvrant uniquement la frontière dorsoventrale du bourgeon en développement. Toutefois, malgré leurs différences anatomiques, ces deux structures ont des propriétés pratiquement identiques (Christensen and Tassava, 2000). Durant le développement embryonnaire, l’AER interagit avec le mésenchyme sous-jacent du bourgeon nommé zone de progression (PZ) qui contient des cellules mésenchymateuses en état de haute prolifération (Xu et al., 1998, Yonei-Tamura et al., 1999). De la même manière, durant la régénération de la patte chez l’axolotl, la CAE est en interaction constante avec les cellules du blastème de régénération (Giampaoli et al., 2003). En maintenant cette interaction, la CAE contrôle la prolifération cellulaire et la formation du patron de développement

proximodistal des cellules du blastème (Han et al., 2005). Les cellules du blastème donneront naissance uniquement aux structures distales au plan d’amputation; ce phénomène est appelé «transformation distale », ou parfois «distalisation» (Stocum, 1983). Les cellules du blastème qui engendrent les structures distales sont spécifiées en premier et les cellules qui formeront les structures proximales sont spécifiées plus tard; ce processus est qualifié de « régénération par intercalation » (Iten and Bryant, 1975). Une étude a démontré que les cellules du blastème sont spécifiées seulement quatre jours après amputation (environ au stade EB). Suivant une amputation à la moitié du stylopode (bras ou cuisse), les cellules du blastème formées à quatre jours après amputation ont été marquées à différents niveaux proximodistal à l’aide d’un traceur fluorescent (Echeverri and Tanaka, 2005). Lorsque la patte était entièrement régénérée, les cellules marquées dans le blastème distal se retrouvaient uniquement dans l’autopode (main ou pied), les cellules médianes dans le zeugopode (avant bras ou jambe) et les cellules proximales dans le stylopode.

L’expression des gènes Hox-A9 et Hox-A13 chez l’axolotl est un exemple intéressant appuyant le modèle de régénération par intercalation. Ces gènes sont importants pour la formation du patron de développement de la patte (Gardiner et al., 1995, Zakany and Duboule, 2007). Pendant le développement embryonnaire de la patte chez l’axolotl, l’expression de Hox-A9 comble la totalité du bourgeon et celle de Hox-A13 dont l’expression est associée aux structures distales, vient s’ajouter tardivement mais seulement

sur la partie distale du bourgeon (Gardiner et al., 1995). Durant la régénération de la patte, l’expression des deux gènes est différente. Durant la phase de préparation, l’expression des deux gènes est simultanée suggérant que les éléments distaux sont spécifiés en premier, supportant ainsi le modèle de régénération par intercalation. Durant la phase de redéveloppement, l’expression des deux gènes redevient comparable à celle du développement embryonnaire. Hox-A9 couvre la totalité du bourgeon et Hox-A13 est confiné distalement, ce qui supporte également la théorie selon laquelle la phase de redéveloppement de la patte est une récapitulation de son développement embryonnaire (Gardiner et al., 1995).

1.6.1.4.2 L’axe antéropostérieur (de l’index vers l’auriculaire)

La PZ postérieure du membre en développement chez les amniotes est nommée zone d’activité polarisante (ZPA). La ZPA contrôle la formation du patron de développement antéropostérieur du membre principalement sous l’action du gène Sonic Hedgehog (Shh) dont l’expression spatiale est strictement limitée à la ZPA (Saunders and Gasseling, 1968, Riddle et al., 1993, Lopez-Martinez et al., 1995, McGlinn and Tabin, 2006). Durant le développement du membre chez le poulet, si des cellules de la ZPA sont greffées dans le bourgeon antérieur, ou si Shh y est surexprimé, il y a induction de polydactylie (Tickle et al., 1975, Honig and Summerbell, 1985). Inversement, les souris mutantes nulles pour Shh (-/-) ont une déficience majeure de leur patron de développement antéropostérieur de leur

autopode menant au développement d’une patte hypomorphique à un seul doigt (Litingtung et al., 2002).

Chez les urodèles, la partie postérieure du bourgeon en développement ou du blastème en régénération, exprime également Shh et opère apparemment les mêmes fonctions que la ZPA (Imokawa and Yoshizato, 1997, Imokawa and Yoshizato, 1998, Torok et al., 1999, Roy et al., 2000, Roy and Gardiner, 2002, Stopper and Wagner, 2007). Une rotation de 1800 du blastème, ou une surexpression de Shh dans le blastème antérieur, induit la polydactylie comme durant le développement embryonnaire du membre chez le poulet (Imokawa and Yoshizato, 1998, Roy et al., 2000). L’inhibition de la voie de signalisation de Shh durant le développement ou la régénération produit une patte hypomorphique à peu près identique à celle observée chez les souris mutantes pour Shh (-/-) (Roy and Gardiner, 2002, Stopper and Wagner, 2007). Il semble donc que la formation du patron de développement antéropostérieur de la patte d’urodèle en régénération ou en développement est très similaire à celle des amniotes.

1.6.1.4.3 L’axe dorsoventral (du revers de la main vers la paume)

L’ectoderme dorsal du bourgeon de la patte en développement chez les vertébrés est très probablement le centre de signalisation contrôlant la formation du patron de développement dorsoventral. Le gène Wnt-7a est exprimé dans l’ectoderme dorsal et induit le gène Lmx-1 dans le mésoderme dorsal sous-jacent. Le mésoderme dorsal est ventralisé par la perte de

fonction de Wnt-7a ou Lmx-1 (Parr and McMahon, 1995, Cygan et al., 1997, Rodriguez- Esteban et al., 1998). En-1 est exprimé dans l’ectoderme ventral. L’absence de sa fonction permet l’expression de Wnt-7a dans l’ectoderme ventral et l’apparition d’un phénotype double dorsal (Cygan et al., 1997) (Loomis et al., 1998). L’ensemble de ces résultats suggère que En-1 réprime normalement l’expression de Wnt-7a de l’ectoderme ventral et que l’expression antagoniste de ces deux gènes est probablement la base de la polarité dorsoventrale de la patte en développement. Les souris expriment les gènes BMP-2, BMP-4 et BMP-7 dans l’AER et l’absence de signalisation de ces trois gènes spécifiquement dans cette région provoque un phénotype double dorsal de la patte (Robert, 2007). De plus, chez ces souris, l’expression de En-1 est absente de l’ectoderme ventrale durant le développement de la patte et l’expression de Wnt-7a s’étend alors dans l’ectoderme ventral. Ces résultats suggèrent que l’expression de BMP-2, BMP-4 et BMP-7 dans l’AER contrôle le patron de formation dorsoventral de la patte en développement.

Aucun de ces gènes n’a encore été étudié durant la régénération chez les urodèles mais une étude a démontré que durant la régénération de la patte chez le Xénope, Lmx-1 est exprimé dans le mésenchyme dorsal du blastème de régénération (Matsuda et al., 2001). Dans la même étude, il a été démontré qu’un signal inconnu de l’épiderme de guérison régule l’expression de Lmx-1 et la formation du patron de développement dorsoventral de la régénération de la patte. Puisque l’expression de Lmx-1 en régénération est identique à son

expression durant le développement, il est probable que le signal provenant de l’épiderme de guérison soit Wnt-7a comme c’est le cas durant le développement embryonnaire.

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