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La familiarité avec l’information environnementale

Chapitre 3 – La formation des intentions comportementales

1. Les modérateurs informationnels de l’affichage environnemental

1.2. La familiarité avec l’information environnementale

Notre deuxième recherche portant sur l’affichage environnemental [6] a montré que la nocivité environnementale des produits en concurrence – révélée par l’affichage environnemental – exerce un effet très significatif sur le choix des consommateurs. Toutefois, cet effet ne s’observe que sur une seule des deux catégories de produits testées dans l’étude 1 (le liquide vaisselle). Ce résultat confirme une hypothèse que nous avions formulée : un dispositif d’affichage environnemental généralisé est d’autant plus efficace que les consommateurs perçoivent l’information environnementale comme familière. Cela signifie que la nocivité environnementale perçue des produits en concurrence – révélée par l’affichage

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environnemental – interviendrait dans le processus de choix à la condition que les consommateurs soient habitués à manipuler des informations concernant l’impact environnemental des produits en question.

Pour renforcer la validité de ce résultat, nous avons réalisé une deuxième étude [6] – une quasi expérimentation (cf. tableau 3, chapitre 1) – dans laquelle nous mesurions la familiarité à l’égard de l’information environnementale pour une seule catégorie de produits : les rouleaux de papier essuie-tout. La variable dépendante était l’intention d’achat. Les résultats montrent que les intentions d’achat sont plus élevées lorsque le produit présente un affichage avantageux (feu vert signalant un produit respectueux de l’environnement), quel que soit le niveau de familiarité des sujets avec l’information environnementale. Par contre, lorsque le produit porte un feu tricolore rouge, l’effet délétère sur l’intention d’achat est plus fort pour les sujets les plus familiers avec l’information environnementale (effet d’interaction : F = 4,03 ; p = 0,043).

1.2.1. Fondement théorique de l’effet

Cette hypothèse est basée sur deux cadres conceptuels. Le premier est naturellement la théorie du traitement de l’information. La familiarité envers un objet se réfère à la représentation des expériences passées avec cet objet stockées en mémoire (Marks et Olson, 1981). Les consommateurs qui se sentent familiers de l’information environnementale pour une catégorie de produits devraient se souvenir qu’une information concernant la nocivité potentielle des produits est souvent présente lorsqu’ils sont en contact avec eux (e.g. achat, utilisation, etc.). La familiarité est donc liée au nombre d’expositions à l’information, conformément à la définition proposée par Alba et Hutchinson (1987). En tant que connaissance subjective (Brucks, 1985), la familiarité avec l’information environnementale reflète le sentiment du consommateur d’avoir souvent rencontré des informations à propos de la nocivité environnementale des produits d’une catégorie spécifique. Des concepts similaires se retrouvent dans la littérature sur l’affichage nutritionnel (e.g., Balasubramanian et Cole, 2002).

La familiarité est un déterminant important de la manière dont les consommateurs traitent l’information (Bettman et Park, 1980 ; Johnson et Russo, 1984; Park et Stoel, 2005). Des expositions répétées créent un effet d’habitude qui réduirait le scepticisme du consommateur à l’égard de l’information environnementale. Par exemple, jusqu’à un niveau intermédiaire, la familiarité avec l’information nutritionnelle encourage l’utilisation de cette dernière (Moorman, 1990). De la même manière, la familiarité avec l’information environnementale devrait inciter les consommateurs à prendre en compte cette information dans leurs choix. Le second ancrage théorique de l’effet de la familiarité sur l’efficacité de l’affichage environnemental peut se trouver dans la théorie de la diffusion des innovations sociales. Ainsi, Thogersen et al. (2010) expliquent que les nouveaux écolabels représentent une innovation et se réfèrent donc à la théorie de la diffusion des innovations pour expliquer les motivations des consommateurs à acheter des produits portant un nouvel écolabel. D’après la théorie de l’apprentissage social (Bandura, 1977), les consommateurs qui adoptent une innovation à un stade tardif de sa diffusion profitent d’un apprentissage social, alors que ses early adopters doivent fournir davantage d’efforts. Dans ce cas, la connaissance et la familiarité jouent un rôle crucial : les expériences avec le nouvel écolabel conduisent à l’apprentissage d’un script mental portant sur l’utilisation des informations fournies par l’écolabel qui en accélère l’adoption (Thogersen et al., 2010, p. 1792).

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1.2.2. Les implications managériales de cet effet

Les consommateurs sont habitués à entendre parler de l’impact environnemental de certains produits (comme les lessives ou les automobiles) parce qu’ils ont souvent été exposés à ce genre d’informations pour ces produits. Ces informations peuvent avoir de nombreuses sources. Il peut notamment s’agir d’une communication des marques elles-mêmes qui mettent en avant un bénéfice pour l’environnement et / ou qui arborent des écolabels, attirant par là- même l’attention des clients sur les effets de ce type de produits sur l’environnement. Quelle que soit la sincérité de l’information ainsi diffusée, elle encourage les consommateurs à intégrer la notion de nocivité environnementale dans leur processus de choix.

Une implication provocatrice de ce qui précède serait que, au-delà du jugement éthique que l’on peut formuler à son égard, le greenwashing présente l’intérêt de sensibiliser les consommateurs aux conséquences environnementales de leurs consommations, ce qui renforcerait le poids des problématiques environnementales dans leur processus de choix. Dans un sens, le greenwashing imprime dans l’esprit des consommateurs l’idée que la consommation a des effets sur l’environnement. Même s’il induit les consommateurs en erreur dans un premier temps, ceux-ci seraient par la suite davantage susceptibles d’intégrer la dimension environnementale dans leur choix, sous réserve qu’ils disposent d’une information fiable et crédible, ce que proposerait justement l’affichage environnemental généralisé. Rappelons néanmoins qu’un des grands dangers du greenwashing est au contraire d’éloigner les consommateurs de l’information environnementale en jetant la suspicion sur sa fiabilité (Mohr et al., 1998).

Les consommateurs peuvent également se sentir familiers avec l’information environnementale pour une catégorie de produits parce que les pouvoirs publics imposent un affichage particulier, comme c’est le cas pour les automobiles (émission de CO²) ou les produits blancs (étiquette énergie). Cette familiarité peut aussi provenir des efforts de sensibilisation des ONG dont les campagnes de communication cherchent parfois à alerter les consommateurs sur l’impact de leurs consommations sur l’environnement. Ces efforts d’information, qu’ils proviennent de la réglementation ou des ONG, ne concernent que certaines catégories de produits, ce qui explique que la familiarité des consommateurs à l’égard de l’information environnementale soit variable en fonction des produits : par exemple, dans notre étude, élevée pour les flacons de liquide vaisselle, faible pour les yaourts.