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La création d’une méta-organisation a à voir avec l’identité et la catégorisation. Une catégorie d’organisations estimant avoir un trait d’identité en commun décide, pour partager l’information, pour agir en commun afin de mieux maîtriser leur environne- ment, de créer une méta-organisation pour les représenter. Quand la catégorie est bien définie, la méta-organisation tend généralement au monopole ou au quasi- monopole de la catégorie (la Fédération des Entreprises de la Beauté annonce qu’elle regroupe près de 300 entreprises qui couvrent 97% du chiffre d’affaires du secteur). En dynamique, la méta-organisation une fois créée renforce la catégorisation d’ori- gine et l’identité de ses membres. Souvent, le fait d’adhérer à la méta-organisation renforce le statut des organisations membres : la CEMS (Community of European Management Schools) pose qu’elle regroupe les meilleures business schools européen- nes : en faire ou n’en faire pas partie est donc un enjeu. C’est qu’en effet les coûts d’adhésion à une méta-organisation représentent généralement très peu pour les or- ganisations de la catégorie et que ces dernières ont un intérêt conséquent à savoir ce qui va s’y passer (accès à l’information, participation à l’élaboration des actions envi- sagées). Certaines peuvent d’ailleurs adhérer plutôt pour contrôler ou même bloquer les initiatives envisagées.

Les méta-organisations souffrent d’une faiblesse structurelle parce qu’elles sont tra- versées de conflits plus profonds et essentiels que ceux qui traversent les organisa- tions et parce que les moyens habituellement utilisés par les organisations pour ré- soudre les conflits leur font défaut.

2. Dans la logique des auteurs, la catégorie “organization” compte deux classes, les “i n d i v i d u a l - b a s e d organizations” et les “meta- organizations”. Mais, dans les contextes où il n’y a pas ambiguïté, les auteurs emploient, sans doute pour des raisons de commodité, le vocable “organization” comme synonyme de “i n d i v i d u a l - b a s e d organization”.

Les conflits sont importants parce que les méta-organisations menacent l’autonomie et l’identité de leurs membres. En tentant de prendre des décisions, en se dévelop- pant, elles réduisent la marge d’autonomie des organisations membres. En cherchant à imposer de plus grandes similarités parmi leurs membres (similarités de structures, similarités de systèmes de gestion), elles finissent par porter atteinte aux soucis des organisations d’être différentes de leurs pairs. Plus profondément encore, les méta- organisations se développent souvent en entrant en concurrence avec leurs propres membres.

In brief, the meta-organization and the member organizations compete with and tend to undermine each other. Conflicts easily arise over who is to do what, who is in charge, and who is to be the most visible. The more decisions made by the meta-organization and the more alike the members, the weaker the member or- ganizations. In meta-organizations, there tend to be institutional conflicts over who will decide what, and proposals involving increased similarities tend to evoke particularly strong conflicts because they threaten both autonomy and iden- tity. These conflicts often become conflicts between the managers of the members and the managers of the meta-organization. This was obvious in the Federation of Swedish Industries when its managers complained that they were sometimes treated as subordinate assistants by the most prominent managers of large enter- prises. (op. cit., p. 112)

Or, les méta-organisations sont par nature extrêmement dépendantes de leurs mem- bres. Dans une organisation, les individus en conflit sortent de l’organisation sans que l’existence de cette dernière soit remise en cause. Un certain niveau de turn over permet de gérer les conflits qui surgissent. Dans une méta-organisation, si un des membres « poids lourds » décide de la quitter, l’existence même de la méta- organisation se trouve mise en cause.

Les méta-organisations sont donc en permanence en situation de conflit actuel ou potentiel avec leurs membres. Or, les moyens habituels de résoudre les conflits leur manquent.

Une organisation dispose, on l’a dit, d’une constitution qui donne à un centre hiérar- chique le pouvoir d’édicter des règles et de prendre des décisions. En cas de conflit, ce centre peut imposer (avec des limites, bien évidemment), sa volonté. Les méta- organisations sont trop dépendantes de leurs membres, qui peuvent la détruire en la quittant, pour que le centre puisse imposer sa volonté.

On pourrait penser que le vote permet de résoudre les conflits, mais ce n’est générale- ment pas le cas. Souvent, la procédure de vote utilisée est un membre/une voix. Les membres « petits » sont ainsi traités sur un pied d’égalité avec les « poids lourds ». En cas de désaccord profond, les poids lourds menacent de sortir et cette menace suf- fit à rendre la procédure de vote impossible. Il est possible de pondérer les droits de vote mais les « petits » se sentent alors défavorisés et peuvent susciter des coalitions dangereuses. Aucune procédure de vote n’apparaît pleinement légitime et toutes sont contestées d’une manière ou d’une autre.

Exclure un membre est une menace qui apparaît peu crédible.

Restent les moyens généraux de résoudre les conflits : la persuasion et la recherche du consensus. La persuasion est difficile parce qu’on peut persuader un individu, pas une organisation. Dans les discussions, on peut réussir à persuader l’individu qui re- présente une organisation membre, mais celui-ci peut se trouver en porte-à-faux par rapport à cette dernière.

There is a certain amount of hypocrisy in all negotiations. In meta- organizations, representatives are required to describe their own organization as the winner when presenting the outcome to their members – otherwise the auton-

omy of the member organization could be called into question. However, this pres- entation is difficult to combine with the standard presentation during negotia- tions of having made serious sacrifices in the interest of reaching agreement. (op. cit., p. 122)

Les méta-organisations sont donc quasiment condamnées à la recherche du consen- sus. C’est de cette manière qu’elles peuvent retenir leurs membres en garantissant qu’elles préservent leur autonomie et leur identité.

Ce faisant, elles paraissent condamnées à l’impuissance. Or, ce n’est pas tout à fait le cas : là réside le paradoxe.

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