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La féminisation du métier d'infirmière à Besançon

Partie III : Infirmière, un métier de femmes entre émancipation et

A. La féminisation du métier d'infirmière à Besançon

1. Une reconnaissance sociale et salariale.

Ce qui change sous la Troisième République c'est que les femmes sont sollicitées comme des individus de la société civile à laquelle elles peuvent et doivent rendre des services. Pour l'occasion, on les sort du foyer où on les avait enfermées, pour exercer une profession que l'on vient de leur fabriquer sur mesure. Cette profession désormais salariée, alors qu'elle relevait de la vocation chez des religieuses, désintéressées par définition, entre du même coup dans le champ des considérations économiques81.

La Première Guerre mondiale qui a fait beaucoup de victimes va avoir un impact positif sur le métier d'infirmières. Les soignantes y trouvent leur heure de gloire et leur travail, désormais indispensable, est reconnu officiellement et valorisé.

À Besançon « Un examen spécial est institué pour les infirmières et infirmiers victimes de la guerre, visés au décret du 27 juin 1922 qui, exerçant en fait et d'une manière permanente la profession d'infirmiers ou d'infirmières professionnels n'ont cependant pas antérieurement subi les épreuves d'un examen et d'un concours et qui, avant le 19 février 1923, auront déposé au Ministère du Travail, de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance Sociales […], un dossier comprenant les pièces ci-après désignées. »82. Ceci permet de remercier les soignants qui ont participé à l'effort de guerre et acquit leur expérience sur le terrain.

Les avancées sociales et sociétales du métier d'infirmières vont porter sur leur rémunération, la mise en place de retraite et d'assurance maladie. Le ministère de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociales instaure dans les années 1920, que le personnel hospitalier soit garanti par des

81 POISSON, Michel, Origines républicaines d'un modèle infirmier (1870-1900), Vincennes, Éditions hospitalières, 1998.

82 Décret pour l'examen spécial des infirmiers et infirmières de guerre, Paris, le 21 septembre 1924, A.CHU.B., K73, Correspondance sur les modalités d'examen de l’École d'infirmières, courrier (1903-1936).

dispositions du règlement hospitalier contre les maladies ou accidents professionnels. Il est possible que l'établissement reste son propre assureur ou que le personnel soignant adhère à une mutuelle inter-hospitalière. Les droits à la retraite de tous les agents du cadre permanent sont assurés conformément à la loi de 1910 sur les retraites ouvrières, ou par des versements à la Caisse Nationale des retraites.

Tout établissement hospitalier a le devoir de se procurer, dans l'intérêt des assistés, un personnel infirmier. Il importe que la carrière soit entourée de certaines garanties avec un minimum d'avantages matériels83.

2. Un métier adapté au rôle de la femme dans la société française du XXe siècle.

À partir des rapports d'examens retrouvés sur la période 1902-1930 (beaucoup sont manquants), les élèves passant l'examen sont quasiment uniquement des femmes. Les pouvoirs publics ont conscience de cette spécificité comme il est précisé dans le décret de 1922 : « Article 6.- Le brevet de capacité professionnelle pourra également être obtenu par des infirmiers. Là où il se présentera un assez grand nombre de candidatures masculines, une section d'examen pourra leur être particulièrement réservée.»84.

À Besançon, il n'y a qu'en 1912, où trois hommes se présentent aux examens pour le certificat d'aptitude professionnelle aux fonctions d'infirmières. Il s'agit de Denizot Pierre (avocat), de Richard Vuillecard (étudiant en pharmacie), d'Eugène Gandriot (infirmier à l'hôpital de Dijon) qui obtiendent le certificat avec les mentions d'assez-bien ou de passable85.

Cette féminisation du métier d'infirmières n'est pas flagrante en 1902 car l'école qui vient d'être créée, souhaite former des infirmiers, infirmières et garde-malades. La formation est donc dédiée aussi bien aux hommes qu'aux femmes. Formation qui peu à peu va s'adresser uniquement aux femmes dans les années 1920, les correspondances et documents officiels parlent désormais du métier d'infirmières. La présence des hommes déjà peu conséquente va devenir exceptionnelle. Ceci s'explique par le fait que les pouvoirs publics vont préférer former des femmes que des hommes pour un métier qui apporte réconfort et soin aux malades. En effet, l'infirmière est d'abord une

83 Lettre du Ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociales à Messieurs les Préfets, Paris, le 26 février 1924, A.D.D., G17 École d'infirmières : création, organisation, rapports, décrets, circulaires, reconnaissance de l'école, règlement […].

84 Exemplaire du décret du 27 juin 1922, Paris, le 27 juin 1922, A.D.D., G17 École d'infirmières : création, organisation, rapports, décrets, circulaires, reconnaissance de l'école, règlement […], Dossier « Décret établissant le diplôme d’État – Rapport Rouget ».

85 Procès-Verbal de l'examen pour l'obtention du certificat d'aptitude professionnelle aux fonctions d'infirmières, Besançon, le 30 novembre 1912, A.CHU.B. K73, Correspondance sur les modalités d'examen de l’École d'infirmières, courrier (1903-1936).

femme qui accomplit à l'hôpital les tâches du foyer. D'après le programme obligatoire de 1922, les deux années d'études d'infirmières hospitalières commencent par un stage probatoire et éliminatoire d'une durée d'un mois au moins. Le stage pratique comporte du ménage, de la cuisine et des activités de tenue de maison.

Les infirmières vont également devoir faire le déshabillage des entrants, la confection d'un lit, changer le linge des malades, s'occuper de leur alimentation de leur toilette. Concernant les traitements, l'infirmière ne remplace pas le médecin, elle applique aux patients ses prescriptions (administration des potions et médicaments, lavements, ventouses, injections)86.

Cette évolution féminine va heureusement impacter les postes de direction. En 1902 le jury d'examen n'est composé que d'hommes : « Le jury sera composé de Messieurs les Docteurs Roland, Heitz, Baufle et Volmat. »87. À partir de 1922 on retrouve presque une parité hommes- femmes dans le jury d'examen : en 1926, le jury d’État est composé de 9 membres dont 5 hommes et 4 femmes 88. Des femmes vont également gérer l'école et donner des cours aux élèves (une directrice et deux monitrices) fonctions qui ne relevaient jusque-là que des médecins et chirurgiens de l'hôpital.

Cette place des femmes vient aussi de l'héritage religieux des hôpitaux où les congréganistes vont rester très présentes.

86 Lettre du Docteur Heitz au Vice-Président de la Commission Administrative, Besançon, le 20 novembre 1922, A.D.D., G17 École d'infirmières : création, organisation, rapports, décrets, circulaires, reconnaissance de l'école, règlement […], Dossier « Décret établissant le diplôme d’État – Rapport Rouget ».

87 Extrait du registre des délibérations de la Commission Administrative, Besançon, le 23 décembre 1921, A.CHU.B., K73, Correspondance sur les modalités d'examen de l’École d'infirmières, courrier (1903-1936).

88 Compte-rendu de l'examen en vue de l'obtention du brevet de capacité permettant de porter le titre d'infirmières diplômée de l’État français (hospitalière), Besançon, le 30 août 1926, A.CHU.B., K73, Correspondance sur les modalités d'examen de l’École d'infirmières, courrier (1903-1936).

Les infirmières et les religieuses hospitalières dans la cour de l'hôpital Saint-Jacques89.

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