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LA DYSFONCTION MITOCHONDRIALE EST ADAPTATIVE

La théorie que les anomalies mitochondriales sont adaptatives est défendue notamment par l’équipe de Mervyn Singer353. En effet, les patients en état de choc septique présentent une mortalité d’environ 50% seulement. Si les tissus étaient tous hypoxiques avec des dommages cellulaires, ils devraient être irréversibles, or la nécrose tubulaire aiguë ne conduit quasiment jamais à l’hémodialyse définitive354, les hépatites fulminantes sont extrêmement rares lors du choc septique. De plus, même au stade de l’autopsie, les anomalies histologiques à type de nécrose ou d’apoptose355 sont extrêmement rares. Toutes ces constatations suggèrent un déficit fonctionnel plus qu’organique et donc possiblement réversible. La sévérité du sepsis est corrélée à la baisse de la consommation en O2356 et inversement corrélée à une augmentation de la pression tissulaire en O2357, dans un contexte de diminution du nombre de vaisseaux perfusés au niveau microcirculatoire358. On pourrait rapprocher ce phénomène à l’effet « Robin des Bois » au niveau microcirculatoire lors de l’exposition à l’hyperoxie359, où les vaisseaux se vasoconstrictent dans les territoires bien oxygénés et redistribuent de ce fait le débit microcirculatoire vers les unités microcirculatoires moins oxygénées.

La persistance de taux d’ATP est associée à la survie chez les patients en état de choc septique, alors que le complexe I au moins de la chaîne respiratoire a été inhibé, ce qui suggère la possibilité pour les cellules de réduire leur métabolisme. Singer propose que les cellules se mettent en état d’ « hibernation », pour augmenter les chances pour un organe donné de récupérer sa fonction une fois l’orage passé. Pour Singer les mécanismes d’induction de cette hibernation sont dépendants des cytokines d’une part et du système

endocrinien d’autre part. Les hormones de stress sont sécrétées lors de la phase aiguë :

cortisol, catécholamines, vasopressine, glucagon, hormone de croissance360. Toutes ces hormones ont pour but, ou en tout cas comme propriété d’aider à maintenir une circulation et

une oxygénation efficaces. Elles provoquent une augmentation des substrats énergétiques sous forme de glucose, acides gras, et acides aminés qui proviennent des stocks de l’organisme, tout spécialement le foie et le muscle et elles augmentent la synthèse de l’ATP mitochondrial et non mitochondrial. La consommation totale en O2 (VO2) est augmentée, avec un métabolisme qui peut être multiplié par deux. En parallèle, les fonctions gonadiques et l’anabolisme sont mis au repos. Il existe une insulinorésistance dans laquelle le NO via l’activation de l’iNOS361, les cytokines et les hormones de stress ont été impliquées362.

Dans la phase plus tardive, en terme d’heures ou de jours, le profil hormonal se modifie substantiellement avec une diminution importante des taux de vasopressine, une diminution de la réponse à l’ACTH malgré une cortisolémie normale, un syndrome d’euthyroïdie clinique363.

De plus l’amplitude des variations des taux sanguins de ces hormones peut être corrélée au pronostic364;365.

La mitochondrie possède des récepteurs aux glucocorticoïdes et aux hormones

thyroïdiennes366.

Le statut thyroïdien est corrélé à la consommation d’oxygène, à la production maximale d’ATP, et à la fois la quantité et l’activité des enzymes respiratoires367;368. Un excès d’hormones thyroïdiennes augmente le taux de synthèse maximale d’ATP mais en réduit son efficacité369. Le tableau d’euthyroïdie clinique peut peut-être par analogie s’associer à une diminution de la respiration mitochondriale mais qui devient plus efficace. Un argument en clinique est que la VO2 –dépendance chez des patients en sepsis était corrélée aux concentrations de T3 et de T4 dans le plasma, mais pas aux taux de lactates, de catécholamines, ou de cortisol370.

L’impact des corticoïdes semble dépendre plus de la durée d’exposition : chez le rat,

un stress aigu augmente l’activité du complexe IV, alors qu’un stress chronique intermittent diminue la fonction mitochondriale371.

Les catécholamines induisent une augmentation aigue d’activité mitochondriale, de

VO2 et d’ATP.

L’inhibition de la respiration mitochondriale par le NO, les ROS couplée à une réduction de la stimulation hormonale et le rétrocontrôle positif de la diminution de la demande métabolique concourt à une diminution de la production d’énergie. La baisse de la formation de l’ATP, elle aussi, exerce un effet négatif sur les voies métaboliques.

L’équipe de Singer a développé récemment un modèle de péritonite réanimée chez le

rat avec un sepsis chronique et ses résultats étayent cette théorie d’étiologie bioénergétique

de la défaillance multiviscérale372.

Brealey vient de montrer373 chez l’homme que l’altération de la fonction mitochondriale musculaire associée à une déplétion en ATP était corrélée à la mortalité.

Cependant la mitochondrie intervient dans de nombreuses autres voies physiologiques dans la cellule, comme l’homéostasie du calcium, le métabolisme lipidique, le métabolisme

protidique, la régulation des ROS, et l’apoptose de la cellule374.

Une étude très intéressante appuie récemment cette thèse d’une anomalie autre que sur la chaîne respiratoire elle-même375. Elle utilise l’analyse de la protéomique des mitochondries de foie lors d’un modèle d’endotoxémie chez le félin réanimé.

La pathogénie de la dysfonction mitochondriale dans le sepsis376 est complexe. Une inhibition directe de la respiration mitochondriale par de nombreux acteurs du sepsis est possible : en effet le NO, les ROS, et d’autres médiateurs inflammatoires peuvent directement l’inhiber.

 Le NO

(comme le CO) se lie de façon compétitive avec l’O2 sur le cytochrome oxydase (complexe IV), diminuant ainsi son activité enzymatique d’une part, bloquant ainsi le transport d’électrons et amenant à la formation d’anion superoxyde O2

.-Comme l’inhibition du complexe IV par le NO est compétitive avec l’O2, il s’ensuit que s’il préexiste une hypoxie cellulaire, le complexe sera d’autant plus inhibé377.

 Les modifications endocrines

Les hormones thyroïdiennes378, les hormones sexuelles379;380, l’insuline381, les glucocorticoïdes382 et la leptine383 peuvent moduler positivement autant de fonctions que la production énergétique, la synthèse protéique, et la biogenèse des mitochondries.

Or, des syndromes de basse T3384;385, l’insulinorésistance386, l’insuffisance surrénale387;388, des taux circulants bas de leptine389 ont été reportés chez les non survivants par rapport aux survivants lors de sepsis prolongés.

A côté de l’inhibition fonctionnelle de la chaîne respiratoire, il semble que la régulation des

exemple, chez des volontaires sains, l’administration d’endotoxine diminue l’expression de gènes de leucocytes circulants codant pour l’ATP synthase et pour des protéines de la

chaîne respiratoire390.