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1. L ES ÉTUDES SUPÉRIEURES EN F RANCE

1.2 La diversité et l’hétérogénéité de l’enseignement supérieur français

Les étudiants expliquent leurs difficultés d’orientation par la complexification de l’université et la diversité du système d’enseignement supérieur (Chevaillier et al., 2009). Le système français de l’enseignement supérieur est en effet caractérisé par sa diversité et son hétérogénéité (Gouvernement de la France, 2014a). De nombreuses

structures d’organisation et de tailles diverses en composent le paysage, comme l’illustre la figure 1.

Source: aefe.fr

Le tableau suivant permet de mieux comprendre les principaux sigles utilisés dans la figure 1.

Tableau 1

Principaux sigles de l’enseignement supérieur en France L1, L2, L3 Années de licence universitaire

M1, M2 Années de master universitaire D1, D2, D3 Années de doctorat universitaire

PACES Préparation aux concours d’études de santé IUT Institut universitaire de technologie

DUT Diplôme universitaire technologique BTS Brevet de technicien supérieur

CPGE Classe préparatoire aux grandes écoles

DE Diplôme d’État

DCG Diplôme de comptabilité gestion

DSCG Diplôme supérieur de comptabilité gestion

DEC Diplôme d’expert-comptable

Comme nous pouvons le voir sur la figure 1, en dehors des universités, des procédures d’admission sur concours ou sur dossier existent à tous les niveaux du système de l’enseignement supérieur. Ce dernier est composé d’une part d’un système universitaire presque gratuit en termes de frais de scolarité (entre 122 € et 184 € de droits d’inscription en licence en 20153), comprenant des universités

publiques dont les formations dans tous les domaines mènent à l’obtention d’une licence (Bac+3), d’un master (Bac+5) ou d’un doctorat (Bac+8), harmonisé avec le système LMD (Licence-Master-Doctorat) européen (Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, s.d.). Les universités proposent également les filières de

santé préparant au diplôme d’État de docteur dans différentes spécialités (médecine, pharmacie, chirurgie dentaire, etc.), mais aussi des filières courtes au sein des IUT.

D’autre part, un système de lycées et d’écoles prépare à une grande diversité de formations (BTS, CPGE, écoles spécialisées) à des niveaux Bac+2 (BTS) à Bac+5 (écoles d’ingénieur, de commerce, etc.), parfois très sélectives (MESR, 2014). De nombreuses écoles de commerce et de gestion sont rattachées aux chambres de commerce et d’industrie et ne sont donc pas sous la tutelle du MESR. Les concours de sélection sont présents à différents niveaux d’études dans les filières de santé et les classes préparatoires aux grandes écoles par exemple. Enfin, les frais de scolarité sont variables dans le système lycée et école, selon le type d’établissement (public, privé: établissement sous contrat ou hors contrat) (Ibid.). À titre d’exemple, une première année en section de technicien supérieur peut varier de 200 € à 4 500 € selon le type d’établissement (Boisseau-Potier, 2015).

Cette diversité de l’enseignement supérieur est due à la liberté d’enseignement. En effet, en vertu de la loi du 12 juillet 1875, l’enseignement supérieur est libre de même que l’enseignement primaire et secondaire. L’État garde cependant la possibilité de surveiller les enseignements dispensés (Gouvernement de France, 2013a). Il y a donc en parallèle du système public d’enseignement décrit précédemment, un système privé, dont les frais de scolarité sont fixés librement. Le système privé est calqué sur le système public et la dichotomie public/privé est simpliste dans le sens où les établissements privés ont des sources de financement public, suivent les mêmes programmes, et préparent les mêmes diplômes que dans les établissements publics (Kallen, 1997). En France, l’enseignement privé prend son origine lorsque l’Église catholique était la principale dispensatrice de l’éducation, même si tout au long de son histoire des tensions ont existé entre ses partisans et ses détracteurs (Ibid.). L’école nationale reste encore pour beaucoup une garantie d’égalité, de liberté et d’instruction pour tous contrairement à l’enseignement privé considéré par ses détracteurs comme autoritaire et antiégalitaire (Ibid.).

Les raisons liées aux convictions religieuses évoquées pour justifier le choix par les familles de l’enseignement privé ont tendance à nettement s’estomper (Kallen, 1997; Langouët et Léger, 2000). L’enseignement privé s’adresse à une élite sociale (et souvent intellectuelle) qui souhaite scolariser ses enfants dans des établissements plus sélectifs et présumés meilleurs que dans le système public (Kallen, 1997). Pour Sorensen (1988), les établissements privés, de par leur organisation sociale, aident les élèves à se construire un capital social qui permet une continuité entre famille et école comme agent de socialisation, facilitant l’enseignement et les apprentissages académiques. À l’heure actuelle, les motifs d’inscriptions sont plus pragmatiques que religieux, par proximité, par réputation ou encore par tradition familiale. Les raisons socio-pédagogiques sont liées au suivi, à la discipline, à l’absence d’élèves d’origine immigrée ou défavorisée (Kallen, 1997; Langouët et Léger, 1991). Par ailleurs, les pratiques de «zapping» d’un système à l’autre sont fréquentes et souvent motivées par la réussite ou l’apparition de difficultés scolaires (Léger, 1997).

Les établissements privés d’enseignement supérieur sont essentiellement des instituts confessionnels, ou des écoles d’ingénieurs ou de commerce, dont certains peuvent être financés de façon variable par les pouvoirs publics. Ceux-ci accueillent 18 % des étudiants (Gouvernement de la France, 2013a). Ils se distinguent en deux catégories: les établissements privés d’enseignement supérieurs libres et les établissements privés d’enseignement supérieurs techniques. Les établissements privés d’enseignement supérieur libres sont au nombre de 13 dont 5 instituts catholiques et représentent près de 30 000 étudiants. Ce sont des organismes à but non lucratif (sous statut d’association loi 1901 ou fondation reconnue d’utilité publique, comme les instituts catholiques) qui dispensent un enseignement à caractère généraliste. S’ils ne peuvent délivrer eux-mêmes les diplômes nationaux, ils peuvent coopérer avec des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel pour permettre à leurs étudiants de passer les examens d’obtention d’un diplôme national (Gouvernement de la France, 2013a, s.p.).

Les établissements privés d’enseignement supérieur techniques dispensent un enseignement professionnel. Parmi ces établissements figurent des lycées, sous contrat d’association avec l’État ou hors contrat (au sein desquels se trouvent des STS et/ou des CPGE), et majoritairement des écoles d’ingénieurs et de commerce et de gestion. Près de 21 000 étudiants font leurs études au sein de la Fédération des Écoles Supérieures d’Ingénieurs et de Cadres (FESIC) dans des écoles d’ingénieurs, de commerce et de gestion. La FESIC revendique sa nature confessionnelle, de sensibilité catholique. Cependant, tous les établissements d’enseignement supérieur techniques ne sont pas confessionnels. Au sein de l’Union des Grandes Écoles Indépendantes, nous retrouvons 16 000 étudiants dans des écoles d’ingénieurs et de commerce privées et laïques. Enfin, d’autres écoles privées d’ingénieur, de commerce, ou de profils divers (journalisme, communication, architecture, etc.), non affiliées à des fédérations, rassemblent près de 8 000 étudiants (Gouvernement de la France, 2013a). Parmi ces établissements privés d’enseignement supérieur technique, nous trouvons des établissements associatifs d’enseignement supérieur ou encore des sociétés commerciales.

Si le système d’enseignement supérieur est si diversifié, il est intéressant de connaître le nombre d’étudiants auquel il doit faire face. Après une forte croissance des effectifs dans les années 70 et la création du baccalauréat technologique, les effectifs étudiants sont en voie de stabilisation depuis les années 2000 (Gruel, Galland et Houzel, 2009). Les effectifs totaux (2 387 000 étudiants en 2014) devraient atteindre 2 500 000 étudiants d’ici 2020 en raison de l’allongement de la durée des études et de l’attractivité renforcée du système d’enseignement supérieur, notamment par une offre plus grande (Gouvernement de France, 2014a).

C’est l’enseignement supérieur privé et l’enseignement public dépendant d’un autre ministère que celui de l’éducation (principalement les écoles de commerce et management) qui concentrent l’essentiel de cette dynamique avec une progression depuis dix ans et un effectif représentant 18 % des étudiants du supérieur soit

436 000 étudiants. En 2012, les formations privées incluent la totalité des écoles de commerce et de management, environ un tiers des effectifs des écoles d’ingénieurs et de STS et un sixième des étudiants en CPGE. Nous trouvons également parmi ces étudiants 16 000 étudiants préparant un diplôme de type universitaire (licence par exemple) dans les instituts catholiques.

Force est de constater que l’enseignement supérieur privé connait un essor ces dernières années par sa croissance en accueillant près d’un étudiant sur six (plus de 50 % en dix ans et des frais de scolarité entre 5 000 et 9 000 €). Cet essor attire de nouvelles sociétés commerciales et des investisseurs qui rachètent de nombreux établissements (écoles de commerce, de mode ou de design, ainsi que des prépas médicales) (Dautresme, 2014), au risque de rendre l’offre inégale et difficile à décrypter.

En synthèse de sa recension d’écrits sur l’entrée dans le supérieur et de plusieurs études comparatives entre plusieurs pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), Endrizzi (2010) ajoute que les études supérieures en France sont moyennement abordables et peu équitables, relevant d’un système particulièrement élitaire. Or, selon l’OCDE (2012), un système éducatif performant doit permettre aux étudiants de développer des compétences de haut niveau, indépendamment des caractéristiques personnelles ou de l’origine sociale des étudiants.

En conclusion, nous observons un système complexe dans sa structure, inégal au plan de la sélectivité, où seules les universités sont libres d’accès et gratuites. Le choix d’études de l’étudiant dépend d’une très bonne connaissance du paysage de l’enseignement supérieur, de ses capacités économiques, de son origine sociale et de ses résultats antérieurs. Enfin, le choix d’études passe par une procédure qui ajoute à cette difficulté: le système APB.