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La diplomatie des ressources, un concept nouveau ?

Chapitre 1 – Fondements théoriques et méthodologiques de la thèse

1.5 Cadre conceptuel de la recherche

1.5.3 La diplomatie des ressources, un concept nouveau ?

Le concept de diplomatie des ressources a fait surface pour la première fois dans le débat international, selon Jantzen (1973), lorsque les troupes égyptiennes traversèrent le canal de Suez et que les Israéliens lancèrent leur contre-attaque, le 6 octobre 1973, dans le but de protéger leur approvisionnement en pétrole. Flynt Leverett (2011)3, dans une allocution à la New America Foundation, associait la naissance de ce concept à celle de la

Doctrine Carter, au début des années 1980, où le président (Jimmy Carter) déclarait que « An attempt by any

outside force to gain control of the Persian Gulf region will be regarded as an assault on the vital interests of the

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United States », et devrait être « repelled by any means necessary. » (Jimmy Carter, 23 janvier 1980). Une

définition contemporaine du concept de ‘diplomatie des ressources’ pourrait être celle « d’une activité

diplomatique d’un État visant à améliorer son accès aux ressources stratégiques (pétrole et matières premières) afin d’assurer sa sécurité énergétique » (Zweig et Jianbai, 2005). À cet effet, Zweig et Jianbai (2005) considèrent

que la sécurité énergétique comporte trois volets : 1) assurer un approvisionnement stable en énergie et en matières premières, 2) garder l’offre des ressources à des prix acceptables, et 3) être en mesure de transférer ces ressources à des endroits fixes, pas nécessairement dans le pays d’accueil, où ils seront traités ou consommés (Ibid.). En somme, l’objectif ultime apparaît comme la protection de son infrastructure vitale contre les menaces extérieures, à l’échelle nationale et internationale (Fuerth, 2005; Yergin, 2006; Haghighi, 2007; De Jong, 2011).

L’énergie au sens large du terme est en effet une préoccupation importante au XXIe siècle (Armaroli et Balzami,

2006). En effet, « The availability and price structure of energy and raw materials have always determined the

technological base and thus the expansion and development of industrial chemistry. » (Arpe, 2010). La sécurité

de l’approvisionnement (Haghighi, 2007 : 14), un impératif pour les États qui consomment et ceux qui se comportent comme des pays importateurs depuis longtemps, la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie sont quelques exemples, n’est pas un concept nouveau. La sécurité des approvisionnements est traitée, comme il convient, à travers la diversification des sources d’approvisionnement et la création de relations stables, fermes et pérennes avec les fournisseurs (Guillet, 2007). Cette sécurisation des approvisionnements passe également par la signature de contrats à long terme, garantissant ainsi une demande stable et une meilleure planification des investissements (Ibid.). Les États, qui constituent les premiers intéressés en matière de sécurisation des approvisionnements, se retrouvent désormais en compétition avec des entreprises, Gazprom est un bon exemple dans sa relation avec l’Europe, et elles font également face à la pression d’assurer l’approvisionnement de leurs clients, ne serait-ce que pour conserver leur bonne réputation. Enfin, la sécurité énergétique incite les États consommateurs, producteurs et de transit, à rechercher d’autres sources d’énergie. Certains événements récents, tels que le déversement de pétrole dans le golfe du Mexique par le géant pétrolier BP en 2010, mais aussi d’autres événements qui sont moins médiatisés, illustrent le fait que la sécurité énergétique a autant trait à l’obtention d’un accès stable à des ressources qu’au traitement sans risque de leur exploitation (De Jong, 2011).

La dynamique actuelle des cours des matières premières est intimement liée au processus de mondialisation et en particulier, la vive expansion de la demande dans les économies émergentes qui a poussé la plupart des prix

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à la hausse (Carney, 2008), en dépit d’une chute récente des prix des métaux sur les marchés mondiaux. Alors que plusieurs analystes « claim that China will need to expand more than its military capacity to remain secure,

Bernard Cole of the National War College, for example, has argued that Beijing will not be able to rely on its navy alone to protect its vital [sea-lanes], but will have to engage [in] a range of diplomatic and economic measure to ensure a steady supply of energy resources (Zweig et Jianbai, 2005 : 35). Ainsi, afin de conserver

l’offre des ressources à des prix acceptables, la Chine, comme bon nombre d’États d’ailleurs, signe des ententes d’échanges et d’approvisionnement dans différents secteurs énergétiques avec différents partenaires d’approvisionnement pour, d’une part, sécuriser les approvisionnements tout en diversifiant, d’autre part, les sources d’approvisionnement et les partenaires commerciaux (Ibid.). Dans le même ordre d’idées, les politiques des États sur les restrictions à l’exportation de matières premières, stratégique ou non, cela dépend des points de vue, ont un impact considérable sur les échanges mondiaux, l’offre, le prix des matières premières et la capitalisation nécessaire pour développer les infrastructures nécessaires, extraire les matières premières, puis les transporter vers les marchés domestiques et mondiaux (Korinek et Kim, 2010).

Enfin, « securing China’s energy needs does not simply entail obtaining resources; it also requires getting them

home » (Zweig et Jianbai, 2005). La Chine, qui ne possède en effet pas de tubes transfrontaliers pour le

transport des matières premières, demeure hautement dépendante des importations par voie maritime, notamment à travers le Détroit de Malacca, une voie maritime stratégique majeure (Ibid.). Par exemple, l’analyse de l’approvisionnement chinois en minerai de fer souligne que près de 70% des importations s’effectuent par voie maritime (Lei, 2008), quoique Wang et Zhu (2014) parlent plutôt de la totalité des importations. L’importance accordée à ce mode de transport souligne d’ailleurs d’importantes questions de logistiques telles que la distance, le temps et le coût de transport qui sont des facteurs prépondérants dans les choix des sites par les entreprises chinoises. Ces facteurs logistiques sont également prépondérants dans les décisions d’investissements de leurs homologues occidentaux et d’ailleurs. La disponibilité en infrastructures maritimes, mais aussi terrestres, la présence de ports permettant à différents types de navires d’accoster, la présence de grues de chargement, etc. constituent autant d’éléments capitaux dans la chaîne d’approvisionnement des entreprises et des États. En effet, depuis plus de trente ans, les États demeurent très dépendants des transports minéraliers de masse par voie maritime, et donc des pays industriels (Japon, Angleterre, États-Unis), les principaux constructeurs de navires et consommateurs métallurgiques de premier ordre, mais on pourrait également y ajouter la Chine et l’ensemble des pays du BRICS. Les facteurs naturels posés par l’acheminement vers les côtes et les coûts élevés du transport lié à la plus ou moins grande accessibilité ferroviaire entre les sites miniers et les sites d’exportations, n’ont pas empêché les compagnies et les transporteurs de mettre en place les infrastructures nécessaires à l’acheminement des matières premières vers les marchés mondiaux et pour leur consommation

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domestique respective. L’importance des transports doit en effet ses origines à des facteurs historiques (développement des sociétés, développement des capacités de Défense nationale des États), sociaux (les transports supportent et créent des structures spatiales sociales, accès à des soins de santé, mobilité urbaine), politiques (la mise en place des systèmes de transports favorise la création d’emploi, mobilité nationale), économiques (production de biens et services) et, bien que ce puisse paraître paradoxal, environnemental (en dépit des avantages qu’offrent les transports, ils sont d’importants contributeurs à la destruction de l’environnement) (Lakshmanan, 2011; Rodrigue et al. 2013). Ainsi, l’utilisation intensive des infrastructures de transport rend celles-ci vitales pour le développement et la pérennité de l’activité économique et la santé des populations. Ainsi, s’il n’y a aucun secteur d’activité qui ne peut endosser la responsabilité complète de la croissance économique (Rodrigue et Notteboom, 2003), le manque d’infrastructure de transport et les obstacles réglementaires affectent en revanche le développement économique, engendrant de fait des coûts de transport élevés et des délais dans la chaîne de valeur (Porter, 1991). De fait, la présence d’infrastructures intégrées au tissu géographique humain favorise la réduction du coût et du temps de transport, et améliore l’efficacité des entreprises, favorise leur intégration régionale, provinciale, nationale, encourage la création d’emplois et provoque d’autres effets indirects liés aux transports (Rodrigue et al. 2013). L’étude des logistiques de transport des matières premières extraites pour chacun des projets chinois revêt donc une importance capitale.

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« Nous ne pourrons jamais sortir du « cercle herméneutique », autrement

dit contourner le fait que, d’une part, on ne peut comprendre telles parties d’une culture (d’une pratique, d’une théorie, d’un langage, etc.) inconnue, sans comprendre le fonctionnement du tout dans lequel elles s’inscrivent ; et que, d’autre part, on ne peut accéder au fonctionnement de ce tout sans avoir une certaine compréhension de ces parties »

(Richard Rorty, 1990 : 353) L’Homme spéculaire