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Que ce soit au sommet de l’Etat, dans une administration, dans une entreprise, dans une communauté, etc., des décisions sont prises. Celles-ci sont le résultat d’un processus, plus ou moins long, pouvant mettre en jeu un grand nombre d’individus, de groupes, d’acteurs, de parties prenantes et donc d’enjeux et d’intérêts. Ces acteurs peuvent influencer la décision de diverses façons. En effet ces décisions ne devraient pas être l’acte (le fait) d’un seul individu, même si ce dernier pourrait avoir le pouvoir et la responsabilité de prendre la décision finale. La décision devrait être le fruit de consultations et d’interactions entres plusieurs concernés directement ou indirectement : « un individu ou un groupe d’individus est acteur d’un processus de décision si, par son système de valeur, que ce soit au premier degré, du fait des intentions de cet individu ou groupe d’individus, ou au second degré par la manière dont il fait intervenir ceux d’autres individus, il influence directement ou indirectement la décision. » [[RRooyy,, 1

1998855]].

En pratique, le processus de décision ne suit pas un cheminement linéaire prévisible à l’avance, et il se construit sur la base d’interaction, voire sur des confrontations entre les intérêts, les attentes, les stratégies et les valeurs des différents acteurs. Le fait qu’au début du processus de décision toutes les alternatives envisageables pour faire face à une problématique posée ne sont pas toujours clairement définies, et que de nouvelles options (solutions) sont suggérées au fur et à mesure que le processus avance, oblige d’élaborer la décision d’une manière progressive.

D’une manière générale, la première étape consiste à faire une réflexion sur le problème posé. Cette étape permet de définir avec précision le contexte et les objectifs recherchés et donc savoir dans quelle problématique se place le processus de décision. Ensuite, il y a le recensement des différentes actions possibles, sujets de la décision. L’action est définie comme : « la représentation d’une éventuelle contribution à la décision globale susceptible, eu égard à l’état d’avancement du processus de décision, d’être envisagée de façon autonome et servir de point d’application à l’aide à la décision. » [[RRooyy,, 11998855]]. Selon cette définition, une action doit représenter une contribution autonome vis-à-vis du problème posé, ce qui signifie que cette action peut être considérée séparément de toutes les autres, sans pour autant perdre de sa valeur. Aussi, il faut noter que cette définition ne fait pas la distinction entre les actions faisables et réalisables de celles qui ne le sont pas. Ceci signifie qu’au début du processus de décision, toutes les actions sont à prendre en considération. Il faut également souligner que la solution finale ne correspond pas forcément à une action unique, mais ça pourrait être une combinaison d’actions (même si la question de compatibilité entre les actions est souvent une question délicate à résoudre). L’étape suivante dans un processus de décision est l’évaluation des avantages et des inconvénients de chacune de ces actions (à travers des critères liés aux domaines touchés par la décision). Cette phase d’évaluation inclut aussi la comparaison entre les différentes actions. Ceci permet de savoir quelles sont les actions les plus adaptées pour répondre aux objectifs recherchés. Le processus de décision se conclut par un consentement sur les conclusions (décisions) avec l’ensemble des acteurs concernées.

La prise de décision est donc un processus compliqué, notamment si les problématiques à résoudre concernent des domaines complexes (tel que l’environnement), mettant en jeu un grand nombre d’éléments et de conséquences à considérer. Dans ces cas, les différents acteurs seront confrontés à des situations ambiguës, et les choix seront difficiles à faire.

a) Outils d’aide à la décision

Pour « éclairer » les différents acteurs de la décision, leur apporter des informations plus lisibles et plus compréhensibles, et leur permettre ainsi d’avoir une analyse plus rigoureuse de la problématique posée, beaucoup de méthodes « d’aide à la décision » ont été élaborées : « l’aide à la décision est l’activité de celui qui, prenant appui sur les modèles clairement explicités mais non nécessairement formalisés, aide à obtenir des éléments de réponse aux questions que se pose un intervenant dans un processus de décision… »[[RRooyy,,11998855]].

Cependant, il est très important de souligner que quelle que soit la méthode employée, il n’y a pas de solution ou de décision « absolue ». Obtenir des résultats ne signifie pas forcément la fin du processus de décision, ceux-ci peuvent faire l’objet de critique, de remise en question. Ainsi, le processus doit être « itératif » : « L’aide à la décision contribue à construire, à asseoir et à faire partager des convictions. Ce sur quoi s’élabore la décision doit pouvoir faire l’objet d’une discussion critique. » [[RRooyy,,11998855]] . Ces méthodes d’aide à la décision s’appuient sur un « système d’information » défini comme « un ensemble de personnes, de procédures et de ressources qui recueillent de l’information, la transforment et la distribuent au sein d’une organisation. »

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[PPaannttaazziiss && DDoonnnnaayy,, 11999966]], géré et exploité pour servir les différentes parties prenantes dans le processus de décision.

L’origine de l’aide à la décision se confond avec celle de la « recherche opérationnelle » c’est à dire la recherche d’une solution « optimum » pour un problème donné. Cette recherche s’appuyant sur des méthodes mathématiques est basée sur « la maximisation » d’une fonction d’utilité qui représente l’objectif recherché [[RRooyy,, 11999922]]. Dans ces méthodes, l’aspect « multi-objectifs » apparaît simplement sous forme de contraintes, limitant le domaine de variation de l’objectif principal à optimiser [[HHaarroouu,,11998822]].

Cette démarche est plutôt bien adaptée à des problèmes mono aspectuels (purement technique, purement financier, etc.) mais ne peut en aucun cas être appropriée à des situation où l’on veux concilier plusieurs acteurs, plusieurs objectifs et plusieurs intérêts, comme c’est le cas dans une décision prenant en compte les différents aspects et composantes de la Gestion Durable des Forêts [GDF]. Cela peut être argumenté par le fait que, dans la GDF on ne cherche pas à atteindre un seul objectif, mais plusieurs, et on ne peut réduire l’espace forestier à une fonction unique mais en prend en compte toute sa multifonctionnalité. En effet on cherche une solution « durable » d’un point de vue environnemental, mais aussi économique et social. Ainsi, il est utopique de croire qu’il puisse exister une solution qui « maximise » ces trois aspects à la fois. Dans la GDF on ne cherche donc pas un « optimum », mais un « compromis » entre les différents objectifs, fonctions et éléments constitutifs de la gestion forestière.

b) Un exemple d’aide à la décision : « l’analyse multicritère »

En complément aux méthodes de recherche opérationnelle, d’autres approches permettant la prise en compte d’objectifs et de fonctions multiples, ont été développées progressivement. Ces méthodes peuvent être présentées comme des démarches alternatives à la recherche opérationnelle classique, elles sont élaborées pour faire face à des problèmes où la recherche d’un optimum reste vaine, où plusieurs objectifs doivent être atteint simultanément et la recherche du compromis est plus raisonnable.

Ce type de méthodes se révèle particulièrement adéquat pour favoriser les processus de négociations très indispensables notamment dans les contextes où la gestion forestière fait face à des problématiques multidimensionnelles. Une des approches a priori les plus pertinentes pour asseoir et accompagner un type de gestion comme la GDF est inspirée des méthodes « d’analyse multicritère »

ou « méthode d’aide à la décision multicritères », notamment utilisées dans les problèmes de décision multi-acteurs à caractère environnemental [[HHuuggrreell,, 1

1999988].]

Ces méthodes sont des procédures et des algorithmes mathématiques permettant d’associer plusieurs critères avec l’objectif de sélectionner une ou plusieurs actions, options ou solutions. Elles visent à fournir des outils qui permettent de progresser dans la résolution d’un problème de décision où plusieurs objectifs, souvent contradictoires, sont à prendre en compte. Leurs finalité est de chercher le « meilleure compromis » vis-à-vis de l’ensemble des objectifs en fonction de l’ensemble des critères, mais aussi de l’ensemble des acteurs. Elles reposent sur une démarche par « scénarios » d’évolution de la forêt sous l’action des différentes stratégies de gestion, à l’instar des approches menées au Canada pour la gestion de réserves fauniques ou de forêts modèles

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[CChheevvaalllliieerr&&DDaauuddeelliinn11999977]]..

On retrouve toujours les mêmes étapes dans la mise en œuvre d’une méthode d’analyse multicritère. Dans une première étape, ces scénarios sont construits par les acteurs de la gestion forestière, en s’appuyant sur une large base de connaissances et sur des modèles permettant d’appréhender, par simulations, l’évolution probable des caractéristiques de la forêt. Cela permet d’envisager différentes voies d’évolution potentielle de la forêt en laissant libre cours à la formulation de solutions originales, sans nécessairement prévoir a priori les effets de toutes les interactions entre les composantes forestières.

Ces interactions et le degré d’accomplissement des multiples objectifs assignés à l’espace forestier sont appréciés dans une deuxième étape, sur base de la description des « scénarios » et de leurs conséquences attendues, à l’aide d’une matrice de critères et d’indicateurs choisis de commun accord avec les acteurs de la décision. Cette évaluation « multicritère » peut alors être utilisée pour

comparer les stratégies potentielles entre elles et opérer un choix, négocié si nécessaire, en tenant compte de l’importance relative qui peut être accordée, par les acteurs, aux différents enjeux de la décision. [[RRoonnddeeuuxx,,11999999]]

Les scénarios se construisent grâce à des outils informatiques. Ils comportent essentiellement une base de données associée à un système d’information ainsi que plusieurs modules interactifs. Pour chacune des composantes de l’espace forestier (peuplements, essences, occupations non-forestières, infrastructures, etc.), différentes options sont prises, et leurs multiples combinaisons conduisent à autant de scénarios de gestion. La structure des applications informatiques, qui intègrent notamment des modèles de croissance et des modèles de simulation des interventions sylvicoles, permet, à l’issue de l’élaboration d’un scénario, de disposer d’une description complète des caractéristiques de la forêt au cours du temps ainsi que de représentations cartographiques à diverses échéances.

Il est cependant essentiel de souligner que cette démarche d’analyse multicritère nécessite une importante infrastructure (équipement, organisation, etc.), et sa mise en œuvre représente une charge de travail considérable, notamment en ce qui concerne la construction des scénarios, qui implique de disposer, entre autre :

(i) de connaissances théoriques au bon niveau et d’une base de données et d’informations synthétisées et alimentées, entre autres, par des inventaires, des outils informatiques de simulation ;

(ii) d’un encadrement, une conduite des opérations, et une vulgarisation des méthodes et des outils très coûteuse en moyens humains, matériel et financiers.

Ces facteurs poussent à rester très réservé par rapport à l’application de ces méthodes, notamment dans les contextes où la gestion forestière doit faire face à des conditions écologiques, économiques et sociales très difficiles.

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